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LE COMITÉ POUR LES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS TIENT UNE JOURNÉE DE DÉBATS SUR LES TRAVAILLEURS MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

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19 septembre 2011

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a tenu, aujourd’hui, une Journée de discussion générale sur le thème: «Les travailleurs migrants en situation irrégulière et les membres de leur famille».

Cette journée a
vait quatre objectifs: faciliter le travail du Comité dans ses recommandations aux États parties; préciser la portée de la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; aider le Comité à adopter une observation générale sur les travailleurs mi grants en situation irrégulière; et accorder plus d’importance à la situation des travailleurs migrants.

Des présentations ont été faites par M. Craig Mokhiber, du Haut Commissariat aux droits de l’homme; M. Ryszard Cholewinski, de l’Organisation internationale du travail;

M. Ahmadou Tall, membre du Comité; et M. Vincent Chetail de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève. La discussion a ensuite été structurée en deux panels portant respectivement sur les défis dans la protection des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille et sur la protection des droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille dans la pratique.

Les intervenants invités à faire des présentations au cours de la matinée ont, en particulier, souligné qu’au lieu de criminaliser les travailleurs migrants sans papiers, comme cela semble être la tendance générale actuelle, leur intégration est le meilleur moyen, à l’inverse, de leur permettre de participer à la vie de la société dans laquelle ils vivent. Les migrants en situation irrégulière disposent d’outils juridiques à leur disposition pour faire valoir leurs droits, a-t-il été rappelé. Alors que les normes de protection ne manquent pas, le principal défi reste leur application effective. Il faut donc poursuivre les efforts en faveur de la ratification de la Convention et militer en faveur du respect des droits des travailleurs migrants en passant de la théorie à la pratique, a-t-il été préconisé.

La réflexion s’est poursuivie, l’après-midi, dans le cadre de trois ateliers chargés de réfléchir aux lacunes et opportunités qui prévalent pour renforcer la protection des droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille. Le premier groupe s’est penché plus particulièrement sur «la criminalisation des travailleurs migrants en situation irrégulière et les membres de leurs familles et leur vulnérabilité à l’exploitation, l’abus et la détention arbitraire»; l
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e deuxième s’est intéressé à la «protection et restrictions aux droits économiques et sociaux des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leurs familles»; enfin, le troisième a traité de la «coopération internationale en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leurs familles».

Le Comité clôturera ses travaux vendredi prochain 23 septembre lors de sa prochaine et ultime réunion publique au cours de laquelle il devrait annoncer ses recommandations aux États parties examinés lors de cette quinzième session.

Les travailleurs migrants en situation irrégulière et les membres de leur famille

Introduction et exposés

M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité, a ouvert cette journée de discussion générale en soulignant que le sujet est particulièrement d’actualité. Il a fait valoir que les travailleurs migrants en situation irrégulière jouent un rôle clé dans le développement de plusieurs pays, alors que des secteurs économiques entiers reposent sur eux. Il a également attiré l’attention sur les situations de guerre qui poussent des gens à fuir leur pays. Or, malgré les appels à les accueillir, certains États leur demeurent fermés, a-t-il constaté. Il a conclu son introduction en précisant que l’un des objectifs de ce débat est d’aider le Comité à adopter un projet d’observation générale sur la situation des travailleurs migrants.

M. CRAIG MOKHIBER, Chef du Service pour les questions économiques et sociales et du développement au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a indiqué que la question concernait entre 10 et 15% des 214 millions de migrants internationaux, soit plusieurs dizaines de millions d’individus. Ces personnes deviennent irrégulières même si elles ont franchi la frontière de manière légale, a-t-il expliqué. Elles se voient dans l’obligation de s’adonner à des emplois dangereux, n’ont parfois même pas le droit de se marier. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, il y a une tendance croissante à la criminalisation des migrants qui peuvent se retrouver en détention alors qu’ils n’ont pas commis de délit. Aucune donnée empirique ne permet d’établir que ce type de détention administrative permette de juguler l’immigration irrégulière, selon lui. À l’inverse, l’intégration des migrants est le meilleur moyen de leur permettre de participer à la vie de la société. Il est donc essentiel qu’un plus grand nombre d’États ratifient la Convention qui est un instrument essentiel. Les droits de l’homme ne sont pas une question de charité ou de récompense, a conclu le représentant.

M. RYSZARD CHOLEWINSKI, de l’Organisation internationale du travail, a rappelé que son organisation avait élaboré un certain nombre de textes relatifs aux migrants, notamment les Conventions n° 97 et 143. Dès 1919, le préambule du texte constitutif du BIT a pris en compte cette catégorie de la population, a-t-il précisé. En outre, toute loi limitant les droits syndicaux des migrants est considérée comme illégitime par la Convention n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, dont l’article 2 stipule sans équivoque que les travailleurs et les employeurs, quels qu’ils soient, ont le droit d’adhérer aux organisations de leur choix, sans avoir à demander une autorisation d’aucune sorte. Le Plan d’action de l’OIT relatif aux droits des travailleurs migrants adopté en 2004 constitue un document clé pour ces populations, a observé M. Cholewinski, énumérant dans le détail les nombreuses dispositions garantissant les droits des travailleurs migrants.

M. AHMADOU TALL, membre du Comité, a brossé le tableau de la situation en observant que «dans la réalité des faits», les États d’accueil sont plus préoccupés à trouver des moyens leur permettant d’organiser le retour dans leur pays d’origine des immigrants en situation irrégulière, autrement dit l’expulsion des sans-papiers, qu’à réunir les conditions garantissant à ceux-ci la jouissance effective de leurs droits fondamentaux. Pour lui, «cette vision absolutiste de la notion de souveraineté est devenue incompatible à notre monde d’aujourd’hui caractérisé par l’impératif de promouvoir et de garantir le respect des droits de l’homme». Il a souligné que la Convention, dans sa quête d’un certain équilibre, prenait largement en considération le principe de la souveraineté des États. Néanmoins, la communauté internationale a aussi exprimé sa conviction que partout, les droits des travailleurs migrants n’avaient pas été suffisamment reconnus, raison pour laquelle ils doivent bénéficier d’une protection internationale appropriée. La Convention reconnaît des droits aux travailleurs migrants en situation irrégulière et elle «développe une approche fondée sur les droits de l’homme pour la gestion des flux migratoires», a rappelé M. Tall. Ces droits sont fondés sur le postulat d’égalité entre tous les êtres humains et ils ne sont pas attribués aux individus en fonction de leur situation juridique. Ainsi, le droit international relatif aux droits de l’homme n’établit-il généralement pas de distinction entre nationaux et non nationaux du point de vue des droits qui sont reconnus aux individus. M. Tall a enfin rappelé que la Convention invite les États parties à coopérer en vue d’adopter des mesures relatives à la bonne organisation du retour des travailleurs migrants dans leur État d’origine, lorsqu’ils le décident ou lorsque leur permis de séjour ou de travail vient à expiration ou lorsqu’ils se trouvent en situation irrégulière.

M. VINCENT CHETAIL, de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, a souligné que la Convention rappelle un certain nombre d’«évidences» quant aux droits reconnus aux travailleurs dans leur ensemble dans un certain nombre de traités internationaux plus généraux. Le migrant a le droit de quitter son pays de résidence; il ne peut être réduit en esclavage; et son droit à la vie est évidemment reconnu. Une question particulièrement pertinente lorsque l’on constate la dangerosité de leur situation dans les pays de transit, a noté M. Chetail. D’autre part, le migrant ne peut être détenu en raison de son statut migratoire avec des prisonniers de droit commun; et il ne s’agit pas là d’un droit spécifique au migrant mais d’un droit commun, a précisé le représentant. De même, les enfants détenus méritent-ils un droit spécifique. Quant à l’interdiction d’expulsion collective, elle figure dans tous les traités régionaux relatifs aux droits de l’homme même si elle n’est pas spécifiquement mentionnée dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Quant aux droits spécifiques explicitement reconnus aux travailleurs migrants en situation régulière, ils sont extrêmement limités en nombre, ainsi que dans leur champ d’application. L’interdiction de la destruction des documents d’identité et de séjour est par exemple spécifiée dans la Convention. Le droit pour le migrant de transférer ses avoirs à la fin de son séjour y est aussi stipulé car il s’inscrit dans le droit de propriété au sens large. Enfin, certains droits, qui ne sont pas prévus dans la Convention, figurent dans d’autres textes, comme la Convention de Genève sur le statut des réfugiés qui est applicable aux travailleurs migrants concernés. Il en va de même des instruments combattant la discrimination raciale comme de ceux consacrant les droits culturels. Le principal défi en la matière n’est pas tant l’existence de normes mais leur application effective, a conclu M. Chetail.

Premier panel: les défis dans la protection des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille

M. CHRISTIAN GUILLERMET (Costa Rica) a fait un exposé sur les difficultés auxquelles se heurtait son pays sur cette question, rappelant que celui-ci n’était pas partie à la Convention. Toutefois, le Costa Rica, pleinement concerné par la question, constate que la libre circulation des personnes fait face à des obstacles croissants, en contradiction avec la libéralisation et la mondialisation économique. Le Costa Rica est partie à la plupart des conventions de l’OIT. Une des recommandations formulées lors de l’Examen périodique universel de son pays concernait la ratification souhaitable de la Convention, a-t-il indiqué, précisant que son pays n’envisageait pas de ratifier ce texte et expliquant que des raisons de politique intérieure pouvaient expliquer cette position. Le Costa Rica n’en respecte pas moins les dispositions qu’il a signées, susceptibles de s’appliquer aux migrants.

M. PAOLO CAVALERI (Argentine) a indiqué que par le passé son pays avait eu une législation très restrictive envers les migrants en situation irrégulière, ce qui entraînait des discriminations. L’Argentine, qui est un pays dont la population est largement d’origine étrangère, a vu un grand nombre d’abus être commis envers une population considérée sorte de «sous-classe» qui voyait ses droits fondamentaux foulés aux pieds en comparaison de la majorité de la population. L’année 2003 a constitué un tournant avec le vote d’une loi de migration, s’inspirant des Nations Unies, et qui garantit aux immigrés tous les droits normalement reconnus au reste de la population – santé, éducation, notamment. En outre, des textes permettant de lutter contre la discrimination et la xénophobie ont aussi été adoptés. Cette politique a porté ses fruits en matière d’intégration et de diminution de la délinquance et du chômage, a indiqué le représentant. En conclusion, il a souligné que la crise économique ne pouvait servir de prétexte à l’absence de régularisation des migrants. Il s’agit bien souvent d’un sujet tabou, a noté M. Cavaleri. Il a plaidé pour que le volet «droits de l’homme» de la migration soit pleinement pris en compte en refusant de se focaliser sur l’aspect uniquement sécuritaire de la question. Libéralisation, régularisation et mise en place d’institutions destinées à lutter contre la discrimination et la xénophobie, sont les trois axes de la politique de l’Argentine en la matière, a-t-il résumé.

M. PATRICK TARAN, ancien spécialiste des questions de migration au Bureau international du travail, a attiré l’attention sur la diminution de la population active dans un certain nombre de pays, y compris la Chine à partir de 2030. Dans nombre de pays, le taux de fécondité est en effet de plus en plus en deçà du renouvellement des générations, a-t-il expliqué. Pour rester compétitif sans délocaliser, l’immigration irrégulière permet de pousser les coûts du travail à la baisse, cette situation étant favorisée par les obstacles mis à la syndicalisation. Or, les migrants illégaux représentent une concurrence injuste pour toutes sortes d’activité. En Europe, l’inspection du travail est de plus en plus utilisée pour détecter les illégaux, par la vérification des papiers d’identité. On assiste à des expulsions avant même que les recours ne soient examinés, ce qui incite les migrants en situation irrégulière à être le plus «discrets» possibles. Les travailleurs migrants sont ainsi, à leur corps défendant, des vecteurs de la dérégulation par l’abaissement de leurs droits, a poursuivi M. Taran, ajoutant que certains employeurs voient en effet d’un bon œil le fait de disposer d’un vivier plus important de travailleurs jouissant de moins de droits. En outre, ceux-ci deviennent aisément des boucs-émissaires. Les migrants sont perçus comme des marchandises. Cela rappelle les enfants bâtards au XIXe siècle, qui étaient condamnés à une vie d’exclusion sociale, a-t-il souligné. Il n’est pas possible, selon lui, qu’un traitement décent puisse se concrétiser spontanément si la loi n’y veille pas, particulièrement sur le marché du travail où la tentation de l’exploitation peut être plus forte que les exhortations à agir correctement. Dans ce contexte, M. Taran s’est réjoui que 84 pays aient ratifié au moins un des trois instruments internationaux relatifs à la migration, se disant convaincu qu’à brève échéance la centaine de signatures serait atteinte. Il faut donc poursuivre les efforts en faveur de cette ratification et militer en faveur du respect des droits des travailleurs migrants en passant de la théorie à la pratique, a-t-il préconisé. Il a notamment estimé que devrait être respectée une séparation stricte entre d’une part les législations gouvernant le séjour des étrangers et d’autre part le droit à bénéficier de soins de santé, d’éducation, et de voir respecter le droit du travail.

Dans le cadre des échanges de vues qui ont suivi, le représentant du Maroc a noté que le défi majeur avait trait au hiatus entre l’existence de textes et leur mise en pratique. Comment faire entendre la voix des irréguliers eux-mêmes, s’est-il interrogé? Le Maroc estime indispensable un renforcement de la coopération internationale sur ces questions, alors qu’un effort d’éducation doit être fait en direction des populations influencées par les discours xénophobes. La représentante d’une organisation non gouvernementale s’est pour sa part inquiétée de la difficulté d’obtenir un permis de séjour en Europe et la facilité croissante de le perdre, citant l’exemple des employés de maison aux Pays-Bas. Il faudrait rendre visible les clandestins alors que pour eux le seul moyen de survivre actuellement est de demeurer invisible, a-t-elle souligné.

M. CAVALERI a expliqué qu’un mécanisme de consultation avec les représentants des diasporas et des organisations non gouvernementales avait été mis en place dans son pays, l’Argentine, afin de connaître les préoccupations des migrants, qu’ils soient réguliers ou pas. Si l’on ne régularise pas, on fait face à toute une gamme de difficultés, a-t-il souligné, ajoutant que l’argument économique ne peut servir de prétexte à l’immobilisme. M. TARAN a pour sa part insisté sur la facilité d’intimider les migrants pour les dissuader de s’organiser. Il a mis en cause la volonté de la part de certains États de marginaliser le système de l’ONU en privilégiant d’autres forums sur les migrants, afin notamment d’atténuer la voix des représentants de la société civile. Une représentante de l’Organisation internationale des migrations (OIM) a conclu le débat en soulignant à son tour la nécessité d’entendre la voix des migrants.

Second panel: la protection des droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille dans la pratique

MME MICHELLE LEVOY, de la Plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers – PICUM, a souligné que l’on estime à 3,8 millions le nombre de travailleurs migrants sans papiers dans l’Union européenne, la plupart ayant un travail. Il est quasiment impossible pour un travailleur sans papier de faire une demande de congé annuel ou de prendre un congé maladie, le risque pour lui étant clairement de perdre son emploi, a-t-elle déploré. Les syndicats s’efforcent d’aider ces travailleurs à se prendre en charge car, bien souvent, ils ignorent leurs droits et ne savent comment utiliser à leur profit le cadre juridique existant, a-t-elle poursuivi, ajoutant que lorsqu’ils intentent un procès, ils parviennent bien souvent à faire valoir leurs droits. Quant à l’accès à la santé, elle a constaté que dans certains pays dont la Suède, les migrants sans papiers peuvent se faire soigner, à un coût prohibitif toutefois. D’autres comme la France ou l’Italie assurent aux migrants une couverture santé équivalente de celle des nationaux. Pour ce qui concerne l’identification des travailleurs sans papier, les États ont la tentation de les criminaliser, a déploré la représentante. Elle a à titre d’exemple expliqué que le Gouvernement italien a ainsi tenté, en vain jusqu’à présent, d’obliger les médecins à dénoncer leurs patients ne disposant pas de permis de séjour. La question se pose aussi pour l’inscription des enfants à l’école ou pour l’obtention d’un logement, ou pour porter plainte à la police en cas de violence domestique par exemple, a poursuivi Mme Levoy, estimant que les barrières mis à ces droits entraînent des risques d’exclusion sociale ou de délinquance. Parmi les mesures à prendre selon elle, il faut assurer le respect des droits pour tout un chacun quel que soit son statut et, notamment, cesser d’incriminer les organisations portant assistance aux migrants. En conclusion, elle a appelé à ce que l’on utilise une terminologie neutre et objective envers les sans papiers qui doivent être qualifiés de «personnes dépourvues de papier d’identité».

MME CLAIRE COURTEILLE, de la Confédération internationale des syndicats – CIS, a mis l’accent sur le nécessaire respect de la liberté d’association, les migrants devant pouvoir s’organiser. Or, la législation en vigueur dans de nombreux pays soit pose des obstacles à la formation de syndicats, soit ne protège pas suffisamment les syndicalistes du licenciement arbitraire. Dans d’autres cas, elle ne prévoit pas l’égalité de traitement entre les migrants et les locaux. Or, cela doit être la pierre angulaire de la législation sociale afin d’éviter le dumping social, a fait remarquer Mme Courteille. En second lieu selon elle, il faut aussi mettre un terme à l’exploitation permise par l’absence de clarté juridique quant à la responsabilité finale de celui qui recrute un travailleur sans papiers, certaines lois ne visant pas l’employeur mais l’intermédiaire qui a permis son embauche; or, celui-ci n’est souvent pas identifiable. Enfin, Mme Courteille a évoqué la question cruciale des programmes de régularisation à mettre en œuvre de manière claire et transparente. Dans de nombreux pays, ladite régularisation dépend pour l’immigrant du fonctionnaire qu’il a en face de lui. Cette régularisation est la condition sine qua non pour faire valoir ses droits et sortir de l’ombre, a-t-elle rappelé. Les programmes de régularisation doivent décourager les employeurs d’exploiter des travailleurs sans défense. Les travailleurs migrants sont des travailleurs et non pas des délinquants, a-t-elle souligné.

Lors d’un bref échange de vues, la représentante d’une organisation non gouvernementale a souligné l’importance que le Comité adopte un projet d’observation générale sur les employés de maison. Une autre a souligné que l’un des bénéfices de la régularisation était de permettre aux migrants de payer leurs impôts et de cotiser aux caisses d’assurance-maladie. Mme COURTEILLE a relevé le rôle crucial des agences de recrutement qui favorisent de fait des situations d’exploitation, ces officines devant donc être surveillées de manière plus étroite, selon elle. Quant à la Convention de l’OIT sur les travailleuses et les travailleurs domestiques, elle présente le grand avantage de reconnaître ces derniers comme des travailleurs de plein droit, a-t-elle souligné.

Atelier consacré à la criminalisation des travailleurs migrants en situation irrégulière et leur vulnérabilité à l’exploitation, l’abus et la détention arbitraire.

Le compte-rendu des discussions menées dans le cadre de cet atelier souligne qu’il faut exhorter les États qui ne l’ont pas fait à ratifier la Convention et sensibiliser les pouvoirs publics au sort des migrants sans papiers, a-t-il été préconisé. En Thaïlande, plus d’un million de travailleurs migrants ont été régularisés, un effort considérable d’autant plus remarquable que rien n’avait été fait en leur faveur pendant vingt ans, a-t-il été souligné. Le Japon a aussi donné un exemple de bonne pratique en matière de régularisation, la transparence des critères y donnant droit étant censée être absolue. Les Pays-Bas ont aussi fait valoir un certain nombre de bonnes pratiques en soulignant que l’on devait favoriser l’émergence d’organisations représentatives des sans papiers. Il faut surtout, à l’instar des Pays-Bas, ne pas incriminer les «prestataires de services», entre autres les associations offrant leur assistance aux sans papiers. Un représentant de l’Indonésie a aussi expliqué les mesures prises en faveur des migrants, par l’ouverture notamment d’une ligne téléphonique spéciale. Un représentant de la Suisse a constaté pour sa part que 90% des migrants ne souscrivaient pas un système d’assurance santé en raison de son coût, jugeant souhaitable de mettre en place des prestations de base en matière de santé comparable à l’assurance-chômage par exemple.

Atelier consacré à la protection et restrictions aux droits économiques et sociaux des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leurs familles

Cet atelier s’est entre autres intéressé à la jurisprudence offerte par la Convention européenne des droits de l’homme, relative notamment aux restrictions à l’accès à la santé au Royaume-Uni ou à l’accès au logement en Italie ou en Grèce. Bien souvent, les migrants n’ont pas de moyens de recours face à ces discriminations, a-t-il été constaté. La Charte sociale européenne a aussi été évoquée, même si celle-ci ne concerne pas directement les migrants, en dehors de certaines dispositions éventuellement applicables à leur endroit. Le droit à la santé dans les cas d’urgence a particulièrement été souligné, ainsi que le caractère tout aussi essentiel d’un droit au logement, et du droit au travail en tant que droit économique élémentaire. Les participants ont aussi débattu aux obstacles à l’application des droits, en premier lieu celui de ne pas fournir une information dans la langue des migrants. Le contrôle de l’immigration ne devrait pas être lié à ces droits économiques et sociaux absolument fondamentaux, ont conclu les participants.

Atelier consacré à la coopération internationale en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leurs familles

Dans le compte rendu de ce troisième atelier de l’après-midi, il a été souligné qu’il avait permis d’aborder la question de la mise en œuvre de la Convention. Cinq recommandations ont été formulées, en particulier en faveur de la ratification de la Convention, les participants s’efforçant d’en comprendre les difficultés. Nous sommes face à un environnement qui change, certains États comme la Turquie n’étant plus simplement des pays de départ des migrants mais de plus en plus de transit, a-t-il été souligné. Les participants se sont interrogés sur les articles de la Convention susceptibles de poser problème quant à d’éventuelles ratifications et sur les motifs politiques expliquant de telles réticences. Le mouvement de ratification est lent, ont-ils constaté, en s’interrogeant sur la manière de rallier les pays du Nord. Les participants ont aussi évoqué la coopération internationale en dehors de la Convention elle-même, au niveau régional en particulier. La migration irrégulière n’est plus taboue, n’est plus marginalisée, a-t-il été constaté, la société civile se saisissant de la question. Ont aussi été affirmés l’importance et le rôle croissant des tribunaux pour faire avancer l’application des droits. L’exemple de la Cour européenne des droits de l’homme a été signalé à plusieurs reprises.

Aperçu des échanges de vues concernant les trois atleiers de l’après-midi

Lors de la discussion qui a suivi les comptes-rendus des ateliers, un participant a rappelé qu’une campagne internationale en faveur de la ratification en 1998 avait permis de quadrupler le nombre d’États parties, aboutissant à l’entrée en vigueur de la Convention en 2003. Une autre intervenante a suggéré que l’on utilise la voie des tribunaux pour élargir la ratification. Quant à la question de la régularisation, un expert a mis en garde contre la mise en avant d’un droit à cet égard, qui ne figure pas dans la Convention. Un autre intervenant a regretté que l’on ne soit pas revenu sur la question importante de la visibilité ou de l’invisibilité des migrants évoquée dans la matinée.

Conclusion de la journée de discussion générale

En conclusion, le Président du Comité, M. ABDELHAMID EL JAMRI, a constaté qu’il existe de nombreux a priori sur la Convention, chez les responsables politiques des pays du Nord en particulier. Il a souligné le manque de connaissance de ce texte, ce qui implique de le populariser. L’un des moyens de souligner la validité de cet instrument serait de montrer que de nombreux pays respectent la Convention, allant même parfois au-delà, sans l’avoir pour autant formellement ratifiée. Il faut certes en finir avec les exactions graves mais il faut aussi qu’il y ait des voies de recours et de réparation, a-t-il expliqué par ailleurs. La lenteur des recours aboutit à un déni de justice de fait, particulièrement pour les travailleurs migrants saisonniers, a-t-il souligné. Pour lui, il est important que l’on ait convenu lors de cette journée de débat que les migrants font partie de la société, ce qui implique que l’on ne peut les exclure des droits reconnus à la majorité. Le Président a aussi indiqué que les pays d’origine avaient un rôle d’assistance à jouer en faveur de leurs ressortissants, notamment avec l’existence de consulats actifs.

Quelques principes de base doivent être respectés, a-t-il conclu: l’institution des droits, le renforcement des capacités des acteurs chargés de l’application des droits, une meilleure information des droits, ce qui implique des programmes d’éducation aux droits des travailleurs migrants. Il s’est réjoui du fait que les syndicats s’intéressent de plus en plus au sort des migrants. Il est crucial de mettre en lumière le rôle économique de la migration irrégulière, des secteurs entiers survivant uniquement grâce à elle, a-t-il souligné. Les organisations non gouvernementales pourraient lancer une campagne mondiale sur ce sujet, a-t-il dit, le Comité étant disposé selon lui à soutenir une telle initiative.

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