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‘’Le Friauche, Trompe la mort et Fauche le vent’’entre Hugo et Balzac (à suivre)

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Zaid Tayeb

De ce fœtus encore à l’état embryonnaire dans la tête de son auteur, naitra un géant qui fera parler de lui.

L’histoire du bagnard, telle qu’elle a été rapportée par Hugo dans le Dernier Jour d’un Condamné, ne s’arrêtera pas là où elle a pris naissance. En effet, Honoré de Balzac la reprendra en 1835 pour faire de l’un de ses héros aux traits du Friauche un personnage clé de la Comédie Humaine. On retrouvera dans le Père Goriot et dans d’autres romans qui vont suivre, l’histoire d’un autre forçat libéré ou évadé, semblable à celle du Friauche de Hugo, qui répond au nom de Jacques Collin alias Vautrin, dit dans la langue des galériens Trompe La Mort. S’agit-il donc d’un emprunt, d’une influence, d’une reprise en bonne et due forme, ou d’une appropriation dans les règles de l’art de prendre pour soi ? Surtout si l’on sait que les deux écrivains avaient à quelques années près le même âge et la même hargne d’écrire toujours plus et toujours mieux. Nous retrouvons jacques Collin parmi les pensionnaires de madame Vauquer dans le Père Goriot. Tout comme le Friauche, il est traqué par les gendarmes. Tout comme lui, il est marqué au fer rouge à l’une de ses épaules. Deux points distinguent cependant Trompe la Mort de Balzac du Friauche de Hugo. L’un est que le premier a un nom de baptême, Jacques Collin, l’autre, quant à lui, il se désigne lui-même par son nom de bagne, le Friauche. On ne lui connaît pas d’autre nom que celui par lequel il s’est lui-même désigné. C’est un homme sans identité. Banni de la société après la mort de ses parents, il a été livré à la rue qui en a fait un mendiant, puis un voleur, puis un assassin, puis un condamné à mort. Il a gravé toutes les échelles du crime à tel point que pour lui ‘’tuer un homme ou voler un mouchoir était tout un pour moi [lui] désormais’’. Le second est que Trompe la Mort, malgré son sinistre passé de forçat, il s’est converti à œuvrer pour le soutien des familles des bagnards grâce à la société des 10000 dont il dirige en partie les revenus et les collectes d’argent qu’il faisait distribuer aux femmes des détenus et à leurs enfants. Le second incarne le mal sous sa forme la plus hideuse, la plus sordide, la plus abjecte malgré sa bonne volonté de vouloir revenir au droit chemin qu’il avait quitté 17 ans plus tôt, en voulant vivre de la sueur de son front et de la force de ses bras. Il n’a pas pu s’intégrer dans une société qui l’avait banni en lui refusant d’être un de ses membres. Elle l’abandonne encore une fois comme elle l’avait abandonné à la rue et à la délinquance avant de le livrer à la machine de Guillotin.’’ Je montrai mes bras bons pour le travail, s’écria-t-il avant de commettre son délit au chapitre XXIII, on ferma les portes. J’offris ma journée pour quinze sous, pour dix sous, pour cinq sous. Point.’’

Le Friauche est un personnage irrécupérable. Il a été forgé par la rue à laquelle il a été livré dès l’âge de 6 ans, puis abandonné par la société de son temps qui a refusé de le rependre après ses 17 ans de prison. Il a sombré bien profond dans le crime pour pouvoir faire machine arrière. Les trois pages que l’auteur du ‘’Le Dernier Jour d’un Condamné’’ lui a consacrées, équivalent à peine à quelques petites minutes de narration, d’écoute ou de lecture pour faire de lui un honnête citoyen comme les personnages à qui il a servi de modèle, à savoir Jacques Collin et Jean Valjean.

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