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 » Le dernier jour d’un condamné », pas à pas: lecture chronologique d’un roman de Victor Hugo au programme des premières années du bac marocain

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 » Le dernier jour d’un condamné », pas à pas: lecture chronologique d’un roman de Victor Hugo au programme des premières années du bac marocain
Tayeb Zaid

A la fin du chapitre XV du ‘’Le Dernier Jour d’un Condamné’’ de Victor Hugo, roman au programme des classes des premières années du lycée marocain, le narrateur condamné à mort s’écrie avec douleur et désespoir :’’ Je n’ai plus que trois pas à faire : Bicêtre, la Conciergerie, la Grève’’. Il compte les pas qui le séparent de la culbute finale et qu’il doit inéluctablement faire pour aller finir sur l’échafaud.  Il retrace ainsi et de manière précise et abrégée, comme l’est d’ailleurs sa vie, le trajet tragique de sa destinée que la loi des hommes a voulu qu’elle se termine dans la décapitation. Ainsi, en disant ce qu’il a dit, le narrateur condamné énonce de manière réductrice et simpliste le plan du roman qui s’effectue, dans le fond,  selon un ordre narratif beaucoup plus complexe qu’il ne l’a énoncé lui-même: emprisonnement à Bicêtre dans l’attente de l’exécution, retour sur le procès qui se déroule à la Conciergerie, transfert à Bicêtre, retour à la Conciergerie pour la préparation du condamné à l’exécution, transfert à l’hôtel de ville, exécution sur la place de Grève qui fait face à l’hôtel de ville. L’ordre chronologique est le suivant : la Conciergerie, Bicêtre, la Conciergerie, l’hôtel de ville, la place de Grève. C’est un cheminement tragique d’un homme qui va vers sa fin. Le cheminement de l’homme préside donc au cheminement de l’œuvre : chacun d’eux se dirige à pas ferme vers sa fin.

En considérant de près l’œuvre, le lecteur peut constater aisément que chaque fois que le narrateur condamné fait un pas, il revient sur des moments antérieurs pour en narrer le contenu, que chaque fois que qu’il est transféré d’un lieu vers un autre, l’œuvre passe d’une phase à une autre, avec  des regards rétrospectifs bien marqués, ce qui donne à l’œuvre un caractère répétitif du système narratif.

I- Premier pas- Bicêtre :Au chapitre I, le lecteur retrouve pour la première fois le condamné dans l’une des cellules de la prison de Bicêtre où il est depuis cinq semaines à attendre la réponse à son pourvoi en cassation. Mais les procédures administrative et juridique alourdies par la lenteur de la bureaucratie durent six semaines dont le narrateur condamné fait le triste décompte au chapitre III.

Au début du chapitre II, grâce à la phrase ’’C’était par une belle matinée d’août’’ le narrateur condamné effectue une rétrospection d’une portée de cinq semaines pour revenir à la Conciergerie afin de relater les phases de son procès qui a duré trois jours et qui a abouti à sa condamnation à mort. Ce n’est qu’au chapitre V que le narrateur revient de la rétrospection ouverte au chapitre II et qu’il referme avec ‘’A peine arrivé (à Bicêtre s’entend), des mains de fer s’emparèrent de moi’’. L’ordre chronologique des évènements rétabli, les cinq chapitres du début de l’œuvre devront s’agencer de la manière suivante :

Chapitres II et IV : la Conciergerie.

 Chapitres V ; I ; III ;VI jusqu’au chapitre XXII compris : Bicêtre.

La rétrospection ou analepse ouverte au début du chapitre II et fermée à la fin du chapitre IV a une portée de cinq semaines et d’une amplitude passée sous silence. Puisque le lecteur ignore ce s’est passé pendant ces cinq semaines d’emprisonnement. Pas grand-chose à raconter sinon les menus évènements qui meublent le quotidien du prisonnier et dont je parlerai dans un article à venir.

II- Deuxième pas – La Conciergerie : Le convoi a quitté Bicêtre à Sept heures et demie :’’ sept heures et demie sonnaient lorsque l’huissier s’est présenté’’( Début du chapitre XXII) pour arriver une heure plus tard à la Conciergerie :’’Huit heures et demi sonnaient à l’horloge du Palais au moment où nous sommes arrivés..’’ ( Fin du chapitre XXII). Le condamné est à la Conciergerie mais il relate son transfert et le trajet qui sépare Bicêtre qu’il a quitté de la Conciergerie où il est. Ce parcours est relaté après coup au moyen de ce qu’il est appelé analepse ou rétrospection. Le retour en arrière a une portée d’une heure et est relaté moment par moment. Ce qui fait que la rétrospection a une portée et une amplitude d’égale longueur.

Une partie du chapitre XXII se rattache donc à Bicêtre et une autre au trajet qui sépare la prison où il était de la Conciergerie où il va.

III- Troisième pas -La Grève : Le chapitre XLVIII se rattache aux chapitres de la Conciergerie. En effet, le narrateur condamné, à peine est-il arrivé à l’hôtel de ville où il doit attendre l’heure de son exécution prévue à 4 heures qu’il se met à raconter les préparatifs de son transfert à l’hôtel de ville et de là à la place de Grève. Grâce à la technique de la rétrospection dont il a fait usage à Bicêtre pour revenir sur son procès qui s’est déroulé à la Conciergerie, puis à la Conciergerie pour revenir sur le trajet séparant celle-ci de Bicêtre, le narrateur condamné revient sur les préparatifs d’usage : toilette du condamné, ligotage, trajet, arrivée à l’hôtel de ville. La rétrospection s’ouvre avec : ‘’Voici : trois heures sonnaient…’’ (début du chapitre XLVIII ) et se referme avec : ‘’On m’a monté ici’’ ( fin du chapitre XLVIII).

Récapitulation : Chaque fois que le narrateur condamné fait un pas vers son exécution, il effectue un regard rétrospectif pour relater des moments antérieurs nécessaires à la suite des évènements à venir. Si le narrateur condamné a opté pour un ordre narratif, le lecteur peut remettre de l’ordre dans les chapitres et les organiser selon un ordre chronologique.

Ainsi nous aurons :

-La Conciergerie : Chapitres II ;IV ;V.

– Bicêtre :Chapitres I ;III ; VII ; VIII ; IX ; X ; ….XXII (  Les deux premières phrases et les deux derniers paragraphes du chapitre XXII se déroulent à la Conciergerie. Le passage qui va de ‘’ sept heures et demie…comme pour un grand cri’’ constitue une rétrospection d’une heure.

Rétrospection dont la portée est égale à l’amplitude)

-La Conciergerie : Chapitres XXIII ;XXIV ; XXV… XLVIII ( Il en est du chapitre XLVIII ce qui en est du chapitre XXII. Le passage compris entre ‘’trois heures sonnaient’’ et ‘’ai-je crié faiblement’’ se passe à la Conciergerie, le reste à l’hôtel de ville)

-L’hôtel de ville : Chapitre XLIX.

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4 Comments

  1. élève
    12/04/2013 at 01:50

    Merci pour vos efforts, si seulement vous ulustrez encore plus ça sera mieux.
    Est-ce la conciergerie, Bicêtre, conciergerie, Grève?
    Et le chapitre XXXVIII quel est son ordre dans le roman?
    Pourquoi accède l’auteur à une chronologie complexe?
    L’hotêl de ville en XXXVII quel est son ordre ?

  2. lll
    24/04/2013 at 14:11

    Parfait !
    Mais la question qui se pose : Pourquoi accède l’auteur à une chronologie complexe?

  3. Anouarr
    31/05/2017 at 22:41

    Svp c’ quoi la source d’inspiration qui a poussé v-hugo pour ecrire le dernier jour

  4. issam
    27/07/2022 at 09:29

    Merci pour vos efforts, c’est énorme !
    pour ceux qui veulent savoir pourquoi V. Hugo a opté pour une narration complexe, je répondrai par la complexité de la situation du condamné qui se trouve et se retrouve face à des moments difficiles à comprendre ou à accepter. De ce fait, le retour récurrent en arrière reflète un désire profond de retourner vers le passé où tout allait bien. De plus, on sait que plus la mort approche plus le mourant voit se défiler sa vie devant lui.

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