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Autour d’un ver de Paul Eluard ‘’La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas’’1

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tayeb zaid


Autour d’un ver de Paul Eluard
‘’La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas’’1
Ce vers de Paul Eluard offre beaucoup de lectures et d’interprétations aussi disparates les unes des autres allant parfois jusqu’à être évasives ou à lui attribuer un aspect surnaturel, merveilleux, fantastique, surréaliste, onirique. Et comme tel, toute approche réaliste serait loin de faire l’unanimité. Il y a peut-être un peu de l’un ou de l’autre de vrai dans les attributs de ce vers qui à lui seul a occulté le poème qu’il ouvre de manière spectaculaire. Le second ver lui vient immédiatement en renfort pour couper court avec les interprétations un peu farfelues qui contribuent à l’assombrir encore plus. Il est vrai qu’il n’y a pas erreur comme il est également vrai que les mots ne peuvent pas mentir.
Rien de plus simple dans ce ver que d’être formulé dans la comparaison avec le subordonnant ‘’comme’, la figure de style la plus commune. Ainsi donc, tous les ingrédients s’y trouvent : comparant (la terre), outil de comparaison (comme), comparé(orange), point de comparaison (bleue !). Considérée sous cette forme, nous sommes induits en erreur que nous tentons de résoudre par des explications qui pourraient s’écarter du bon sens.
Toute comparaison avec ‘’comme’’ ou avec d’autres outils, fonctionne et s’explique de la même manière.
Considérons quelques exemples qui entretiennent une quelconque similarité avec le ver d’Elauard.
Exempe1 : Il est fort comme un Turc.
Exemple2 :Il est maigre comme un clou.
Exemple 3 : Lucky Luck tire plus vite que son ombre.
A première vue, ils n’ont rien de bien particulier que : ‘’La terre est bleue comme une orange’’. Toutefois, il semble qu’ils sont mutilés, qu’ils souffrent d’un manque qu’il convient de combler pour leur rendre leur conformité.
Décomposons ces phrases complexes en phrases simples dont elles sont issues :
Exemple 1 : Il est fort. Un Turc est fort.
Exemple 2 :Il est maigre. Un clou est maigre
Exemple 3 : Lucky Luck tire vite. Son ombre tire vite.
La comparaison porte donc sur ce qui a été répété dans les phrases simples et omis dans les phrases complexes. Rendons à présent à ces phrases ce qui leur a été enlevé :
Exemple 1 : Il est fort comme un Turc est fort
Exemple2 :Il est maigre comme un clou est maigre
Exemple 3 :Lucky Luck tire plus vite que son ombre tire
On peut multiplier les exemples indéfiniment.
On peut donc conclure qu’à côté de la comparaison formulée avec un comparant coexiste une autre figure de style dont le but consiste à économiser, à ne pas dire avec les mots de la langue, à suggérer. Il n’y a pas mieux dans ce cas que l’ellipse qui consiste à ne pas répéter quelque chose qui parait évident sans être dit.
Voyons donc si l’on peut appliquer au ver d’Eluard la même démarche.
‘’La terre est bleue comme une orange’’ peut-elle être décomposée comme l’ont été les phrases similaires ?
‘’La terre est bleue ; une orange est bleue*’’ donnerait ceci ‘’la terre est bleue comme une orange est bleue’’. Comme nous pouvons le constater, nous sommes tombés dans un contre sens que l’on peut expliquer ainsi : comme il parait à première vue, le point de comparaison ne porte pas sur la couleur parce que si la terre est, vue du ciel, est de couleur bleue, l’orange, elle, n’est pas de la couleur de la terre. Il faut donc chercher une autre explication qui puisse être recevable par la raison et exprimée par les mots de la langue. Il faut donc trouver un autre point de comparaison.
a-Le point de comparaison porte sur des couleurs différentes propres à chacun du comparant et du comparé comme dans l’exemple suivant : ‘’La terre est bleue. Une orange est orange’’ ou dans la couleur du comparé et la forme du comparant comme ceci : ‘’La terre est bleue. Une orange est ronde’’
Ces deux phrases donneraient chacune :
‘’La terre est bleue comme une orange est orange’’ et ‘’La terre est bleue comme une orange est ronde’’.
Si la seconde phrase est en quelque sorte recevable selon l’usage, la première, au contraire, souffre d’une répétition blâmable à cause de la similitude entre le comparé et le point de comparaison. Il se trouve que le point de comparaison, à savoir l’adjectif ( orange) tire sa couleur du nom (une orange), ce qui constitue une grave atteinte au style qui s’en trouve sanctionné par une répétition.
En conclusion, le ver d’Eluard est rendu célèbre par son écart par rapport à une norme qui relève du connu, du quotidien et du déjà vu. Son côté obscur lui vient non de la comparaison qui met en parallèle deux points de comparaison différents : le bleu de la terre vs l’orange de d’une orange d’un part et de l’autre, le bleu de la terre et la forme de l’orange, qui, grâce à l’ellipse, ils ne sont pas exprimés. Ce qui a créé une zone d’ombre dans la partie cachée du ver. De plus, le second ver du poème vient confirmer ce que le poète a dit dans le premier : il n’y a pas d’erreur possible dans le ver car les mots qu’il y a employés ne mentent pas.
1-Poème de Paul Eluard
*Phrase agrammaticale
Zaid tayeb

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