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Le CCME , institution de «bonne gouvernance » ? Dysfonctionnements aussi à la Fondation Hassan II pour les MRE

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Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

À l’heure où le débat au Maroc lié aux préparatifs de la signature à Marrakech du « Pacte Mondial pour des Migrations Sûres , Ordonnées et Régulières » concerne plus l’immigration et l’asile au Maroc et de manière plus générale les « migrations irrégulières » , il ne faut pas oublier les Marocains résidant à l’étranger de manière légale et « zapper » leur dossier .

Avancées constitutionnelles , mais…

La Constitution rénovée de 2011 comporte de multiples avancées relatives aux citoyens marocains établis à l’étranger . C’est ainsi que quatre articles substantiels leur sont consacrés .

Il s’agit de l’article 16 relatif notamment à la protection des droits des citoyens MRE , à l’affirmation de leurs droits culturels avec le Maroc et à la préservation de leur identité nationale , même s’ils peuvent être «aussi citoyens » des pays de résidence , reconnaissant par là , la double citoyenneté , c’est-à-dire être citoyen ici et là-bas .

L’article 17 a trait au droit à la pleine citoyenneté marocaine , y compris le droit d’être électeurs et éligibles à toutes les élections . Il s’agit ici de l’exercice à part entière de la démocratie représentative par rapport au Maroc .

L’article 18 concerne la démocratie participative avec le droit à la participation à toutes les institutions consultatives et de bonne gouvernance créés par la Constitution ou par la loi .

Cependant , la concrétisation dans les faits des trois articles précédents , laisse beaucoup à désirer . La révision régressive de l’accord de sécurité sociale entre le Maroc et les Pays est un exemple parlant . Pas , jusqu’à présent , de représentation parlementaire des citoyens MRE à Rabat . Pas d’implication réelle dans les diverses institutions de bonne gouvernance .

L’article 163 consacre quant à lui la constitutionnalisation du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger , ce qui constitue théoriquement un grand progrès . Il est formulé comme suit : « le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger est chargé notamment d’émettre des avis sur les orientations des politiques publiques permettant d’assurer aux Marocains résidant à l’étranger le maintien de liens étroits avec leur identité marocaine , de garantir leurs droits , de préserver l’Éris intérêts , et de contribuer au développement humain et durable de leur Patrie , le Maroc , et à son progrès » .

Situation au CCME

Au titre XII de la Constitution intitulé « De la bonne gouvernance » , le CCME fait partie des « institutions et instances de protection des droits et libertés , de la bonne gouvernance , du développement humain et durable et de la démocratie participative » .

Or dans la pratique réelle , le fonctionnement concret de l’institution et au vu du critère de la nécessaire efficacité , on ne peut dire objectivement que le CCME soit une institution nationale de bonne gouvernance . On constate en effet un problème structurel d’organisation et une crise de fonctionnement du CCME qui se manifestent par plusieurs faits marquants qui handicapent et entravent les bonnes pratiques .

Créé le 21 décembre 2007 sur la base du dahir numéro 1-08-08 du 10 hija 1428 (21 décembre 2007) , le CCME est composé de 50 membres nommés par le Roi . Or onze années après , seuls 37 membres ont été nommés , soit un déficit de 13 membres . Par ailleurs , on ne constate aucun rendu : ni rapport stratégique tous les deux ans , ni avis consultatifs , ni rapport financier . De même , pas de rapport annuel au parlement au moins une fois par an sur les activités du Conseil , rapport qui doit faire l’objet d’un débat au parlement , en vertu de l’article 160 de la Constitution et de son article 179 pour ce qui est des dispositions transitoires . Au même moment , on constate depuis des années la paralysie des groupes de travail , la crise de la gestion financière et de la gouvernance démocratique du Conseil .

Au niveau du fonctionnement général , l’article14 du dahir portant création du Conseil , précise que l’assemblée plénière ordinaire doit se réunir au moins une fois par an , le dahir précisant même le moment , à savoir au cours du mois de novembre . Relevons ici , à partir des articles 12 et 16 et du dahir , que c’est le président du CCME qui convoque l’assemblée plénière et établit son ordre du jour .Or alors qu’on approche la fin de novembre 2018 , selon nos informations , nulle convocation n’a été lancée par le président ou bien par le secrétaire général du Conseil si les pouvoirs en ce domaine lui ont été délégués …

Toujours est-il qu’en l’espace de 11(onze ) ans , l’assemblée plénière ne s’est réunie qu’une seule fois début juin 2008 , à l’occasion de la structuration du Conseil et du lancement de ses activités , alors que les prérogatives de cette assemblée sont très importantes permettant notamment de discuter et de voter les projets de recommandations , d’avis consultatifs, de divers rapports , sans quoi , les divers documents qui s’en réclament , n’auraient aucune validité .

Dés lors , jusqu’à quand cette situation va-t-elle durer , avec l’impunité pour ses responsables ?

La Fondation n’est pas en reste

Même dysfonctionnements très graves à la Fondation Hassan ll pour les Marocains résidant à l’étranger ,dont le comité directeur qui doit se réunir selon la loi 19/89 au moins deux fois par an , n’a pas été convoqué par le président délégué de la Fondation depuis l’an 2000 ( !!!) , c’est-à-dire depuis 18 ans !!! .

Pendant ce temps , la Fondation continue à jouir d’un budget conséquent . Ainsi pour l’année prochaine 2019 , elle bénéficiera d’un budget de 246 . 550 . 000 ,00 dirhams , soit près de 25 milliards de centimes , prélevés du total du budget de fonctionnement du ministère chargé des MRE et des affaires de la migration qui est de 415 . 000 . 000, 00 dirhams , selon les chiffres de la loi de finances pour 2019 .

Et dire aussi que la Fondation jouit par ailleurs depuis l’été 2012 , du statut d’établissement public stratégique (!!!) en vertu de la loi organique 02-12 relative à la nomination aux fonctions supérieures (nominations non pas en conseil de gouvernement présidé par le chef du gouvernement mais en Conseil des ministres présidé par le roi) !

A la veille de Marrakech…

À l’heure où le Maroc a pris le leadership du dossier migratoire dans le cadre de l’Union Africaine avec l’Agenda Africain sur la Migration , et à l’horizon très proche des deux échéances mondiales de Marrakech au plan migratoire (5-7 et 10-11décembre 2018) où les responsables présentent le choix de Marrakech comme le reflet de la « crédibilité du modèle migratoire marocain » dans toutes ses dimensions , et veulent que le Maroc soit pris comme exemple dans la gestion du dossier migratoire dans ses deux volets (immigration et émigration) , n’est t-i pas capital de revoir de fond en comble la gestion de ces institutions nationales ?

N’est-il pas primordial d’introduire les réformes nécessaires à inscrire par ailleurs dans le cadre d’une réelle stratégie nationale globale , cohérente et intégrée en direction des citoyens marocains établis à l’étranger qui fait toujours défaut , malgré le déni à Rabat de certains gestionnaires du dossier migratoire !?

Dans le souci de parvenir à cette nécessaire mise à niveau institutionnelle en particulier , concernant le dispositif institutionnel relatif au champ migratoire , n’est-il pas opportun également que le chef du gouvernement , qui préside la commission interministérielle chargée du domaine migratoire dans ses divers aspects , se saisisse à bras le corps du dossier migratoire marocain dans son ensemble ? Il s’agit de convoquer d’urgence la dite commission pour prendre les dispositions qui s’imposent au vu des problèmes structurels existants , des engagements internationaux du Maroc et de l’actualité brûlante liée à la situation alarmante en son sein des immigrés en situation administrative irrégulière et de la répression qui s’est accentuée sur eux , particulièrement depuis l’été 2018 !

Rabat , le 19 novembre 2018

Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

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