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DISTINCTION : PROFESSIONNELS-AMATEURS

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                      DISTINCTION : PROFESSIONNELS-AMATEURS

La distinction entre l‘intellectuel professionnel et l’intellectuel amateur repose précisément sur

le fait que l’intellectuel professionnel revendique le détachement et prétend à l’objectivité, tandis que l’intellectuel amateur s’engage résolument dans la sphère publique pour défendre ses idées et ses valeurs sans briguer de récompense et sans plan de carrière.

Il en vient tout naturellement à se tourner vers  l’univers politique,  ce monde, à la différence de l’université et du laboratoire, il est fondamentalement mû par des considérations de pouvoir et d’intérêt. Celles-ci entraînent l’ensemble de la société ou de la nation, et selon la formule de Marx, font passer l’intellectuel du champ de questions relativement  abstraites et secondaires de l’interprétation à ,celui, bien plus significatif, du changement social.

Tout intellectuel dont le métier consiste à élaborer des points de vue et des idées spécifiques, aspire logiquement à les mettre en œuvre dans sa société. L’intellectuel qui prétend n’écrire que pour lui, pour l’amour de la connaissance pure ou  la science abstraite n’est pas crédible et ne doit pas l’être.

Ainsi que l’a dit Jean Genet. «  A l’instant même où vous publiez un essai, vous entrez dans la vie politique. Par conséquent, si vous ne voulez pas faire de politique, n’écrivez pas d’essais, et taisez-vous !»

Quant au ralliement politique, sans réserve, il n’est pas seulement synonyme de suivisme, mais il signifie aussi servir et, en dépit de la connotation détestable de ce mot : collaborer. On connaît peu d’exemples plus déshonorants et plus déplaisants de ce genre de ralliement que celui de tous les intellectuels qui ont rejoint le système.

Beaucoup de choses ne relèvent pas seulement de la politique, mais aussi d’une espèce de mise en scène de la moralité. La conquête de l’intellect s’est muée en conquête de l’âme, entraînant pour la vie intellectuelle des conséquences    tout à fait pernicieuses.

Soulignons au passage le caractère particulièrement inesthétique de la conversion et de la rétractation- cet étalage public s’accompagne d’une sorte de narcissisme et d’exhibitionnisme chez l’intellectuel qui a  perdu tout contact avec ceux qu’il est censé servir.

L’intellectuel représente idéalement l’émancipation et les lumières, mais il ne s’agit ni d’abstractions, ni de rendre un culte à des dieux lointains et désincarnés. Les représentations de l’intellectuel sont toujours organiquement  liées, à la réalité sociale incarnée et vivante ; celle des pauvres, des déshérités, des gens sans voix, que personne ne représente et qui n’ont aucun pouvoir.

Ni les crédo exaltés, ni les proclamations religieuses, ni les manipulations des professionnels ne sont de nature à les maintenir en vie.

Ce climat d’exaltation rompt tout lien vivant entre l’intellectuel et le mouvement  dont il fait partie.  Plus encore, il lui fait courir le danger de donner à sa personne, à ses idées, à son intégrité et à ses positions publiques une terrible importance démesurée. Comment  , en tant qu’intellectuel ,avez-vous pu croire à quel qu’il soit des humains?

La foi politique est certes compréhensible mais essentiellement personnelle telle que la foi religieuse. L’intellectuel laic ressent l’empiètement abusif d’un camp sur l’autre. La politique devient exaltation comme la religion. Ironie du sort, l’intellectuel professionnel devient aussi (in)tolérant que l’intellectuel amateur./.

DE VIVE VOIX : Mohammed Essahlaoui

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