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La rencontre CSMD-MRE à Paris : est-ce le prélude d’une nouvelle approche de la question MRE ?

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Mohammed MRAIZIKA

La rencontre organisée le 20 février à Paris par la CSMD en présence de son président Chakib Benmoussa et M.Terrab (PDG du groupe OCP), est une initiative de bon sens et de bon aloi. Elle s’est déroulée dans un climat serein et a donné lieu à des échanges fructueux. Le mérite est partagé. Il en revient à la qualité de l’animation (F.M.) et du panel choisi sur la base de l’expertise et du degré d’implication dans les processus de développement que ce soit dans le sport, la culture, les nouvelles technologies, l’économie et la finance.

Il est vrai que les rencontres des institutionnels marocains avec les MRE sur leur lieu de résidence font légion. Mais ces rencontres, qui sont coûteuses, partisanes et peu inclusives, ont montré leurs limites et apparaissent plutôt comme des messes électoralistes qui ne génèrent ni adhésion ni confiance. Les MRE, qui ne sont pas dupes, y détectent sans trop se forcer les arrière-pensées qui les animent et le manque de sincérité qui les caractérise.

La méthode adoptée par la CSMD en direction des MRE semble sortir de ce jeu de dupes qui ne trompe plus personne. L’esprit de sérieux et de dialogue assigné aux travaux de la Commission depuis sa création, le respect et la confiance dont bénéficie auprès des MRE de France son président sont autant d’atouts favorables à sa réussite. Certes la confiance ne se décrète pas mais se mérite. Il n’en reste pas moins qu’elle reste un élément essentiel sans lequel rien d’important et de durable ne peut se faire en économie comme dans les rapports humains. Le déficit d’influence et de crédit que certaines institutions nationales ont auprès de la communauté MRE est, à ne pas en douter, une conséquence directe de la perte de confiance. Il va donc sans dire que dans un domaine aussi sensible que l’entreprenariat et l’économie, l’investisseur MRE a besoin de garanties solides et de partenaires institutionnels fiables et compétents pour agir et entreprendre en toute quiétude. Aujourd’hui le compte n’y pas.
Faut-il le rappeler, les MRE n’ont cessé, depuis un demi-siècle, de contribuer d’une manière continue et utile au développement économique et humain de leur pays d’origine. Et cela en dépit des difficultés économiques et sociales qu’ils rencontrent dans les pays de résidence. Les chiffres de leurs transferts de devises parlent pour eux. Ils donnent la mesure du volume de l’argent transféré de tous les coins de la planète vers le Maroc : 64,92 milliards de dh en 2018. Leur contribution au bien-être de leurs familles et proches est également essentielle et même irremplaçable. Le nombre de personnes directement bénéficiaires de l’aide directe des MRE est estimé à plus de 2 millions.

La question qui mérite d’être posée ici est double : comment renforcer la capacité et l’effort des MRE en termes de contribution à l’économie nationale ? Comment orienter utilement leurs investissements vers des secteurs productifs de richesses et plus créateurs d’emplois ?.
De nombreux MRE sont porteurs de projets innovants créateurs d’emplois et de richesses. Mais faudrait-il encore qu’ils trouvent les encouragements et les soutiens nécessaires. Autrement dit, le rôle des autorités nationales concernées est de leur apporter l’aide nécessaire pour favoriser leur installation en mettant en œuvre les dispositifs juridiques à même de mettre à l’abri leurs projets et leurs investissements de la corruption et des bandes de spoliateurs. C’est ainsi que la confiance peut s’instaurer et la dynamique économique peur devenir pérenne et profitable à tous. Il ne suffit pas de leur chanter au début de la période estivale ‘’Marhba bicom fi bladkùm’’ car cette danse du ventre occasionnelle a fait son temps et ne peut en aucune manière remplacer la mise en place de dispositifs fiables et permanents qui correspondent aux vraies attentes des MRE. Gommer le décalage qui existe entre leurs aspirations et les politiques publiques qui leur sont proposées, c’est véritablement la meilleure manière de tarir une source de friction et de malentendu.
Nous sommes aujourd’hui à la 4ème génération de MRE et des mécanismes de distanciation sont déjà en œuvre. Un nombre important de jeunes MRE est déjà installé dans un processus d’éloignement culturel et affectif vis-à-vis du pays d’origine qui, si rien n’est fait, risque de devenir irrévocable. Ces jeunes MRE vivent, étudient et entreprennent au sein de sociétés laïcisées et modernes qui accordent une place de choix aux principes de la citoyenneté, de la participation politique et des libertés publiques. Ce contact permanent a permis aux MRE d’acquérir des savoirs et des savoir-faire en matière de citoyenneté et d’entreprenariat. Mais ce qui reste pour eux une énigme impénétrable, c’est cet acharnement absurde savamment entretenu par certains qui vise à les priver indéfiniment et sans raison valable de l’exercice effectif de leurs droits civiques. Cela en dépit des instructions royales (discours de novembre 2005), de la Constitution de 2011 qui leur accorde des droits politiques clairement annoncés dans les articles 16-17-18-163 (CCME) et dans le Chapitre XII relatif aux instances de bonne gouvernance. N’est-ce pas là une preuve de la ‘’hougra’’ qui les frappe ? Ce déni de droit en tout cas explique la méfiance que les MRE ont à l’égard des institutions censées les représenter, les défendre ou bien gérer leurs dossiers.

Le débat et les échanges qui ont marqué la réunion parisienne du 20 février avec la CSMD ont montré, si besoin est, à quel point les MRE sont conscients de leur devoir national. Ils ont fait part de leurs avis et exprimé leur entière disposition pour participer pleinement à la réflexion et à la mise en œuvre du modèle de développement économique et humain voulu par Sa Majesté le Roi. Les pistes de travail, les idées et les propositions mise en avant à cette occasion ne peuvent qu’enrichir utilement la réflexion de la Commission. Les projets et les opportunités d’investissement évoqués, et qui couvrent des domaines divers (sport, culture, technologie et science), se distinguent par leur sérieux et leur originalité. C’est le cas du projet de création d’un Fonds d’investissement dédié aux MRE visant à accompagner les porteurs de projets innovants.

La culture qui est aujourd’hui le parent pauvre des stratégies de développement du Maroc n’a pas été oubliée et son importance soulignée comme secteur stratégique du développement. Plusieurs raisons objectives plaident en fait en sa faveur. Tous les pays qui ont accordé à la culture l’intérêt qu’elle mérite y trouvent leurs comptes. Un chiffre : selon un rapport de décembre 2013 de l’Inspection générale des Finances, l’apport de la culture à l’économie française est de 104,5 milliards d’euros soit 3,2% de la richesse nationale avec 670 000 emplois. La France et l’Espagne font chacune plus de 80 millions de touristes par an grâce au tourisme culturel. Deux monuments français ont comptabilisé en 2018 plus de 19 millions d’entrées : 10,2 millions de visiteurs pour le Musée du Louvre et 8 millions pour le Château de Versailles.
Le Maroc n’a rien à envier à ces deux pays. Il est dépositaire d’un patrimoine archéologique, naturel et historique exceptionnel mais peine à atteindre les objectifs de la Vision 2020. Alors que toutes ses régions, du Nord à l’extrême Sud, disposent de potentialités culturelles et touristiques de premier plan, une grande partie du patrimoine local est à l’abandon. La valorisation de ce patrimoine peut à la fois assurer sa préservation et servir de socle à une dynamique économique locale durable en mesure de fixer les jeunes dans leur territoire, de créer de l’emploi, de renforcer le lien social et les solidarités. Laisser en jachère ce patrimoine est plus qu’un gâchis.

La rencontre parisienne avec la CSDM eut le mérite d’offrir aux MRE l’occasion de désigner les difficultés que rencontrent les porteurs de projets et la nature des risques qui rebutent les investisseurs étrangers. Mais ce qui mérite d’être souligné avec force, c’est le fait que la diaspora marocaine ne demande qu’à prendre toute sa part dans les processus de développement économique et humain engagés par le Maroc. La balle est donc dans le camp de la CSDM, mais aussi dans celui de tous ceux qui seront chargés de traduire ses recommandations et ses conclusions en actes.

Mohammed MRAIZIKA
Docteur en Histoire, Consultant en Ingénierie Culturelle, écrivain et conférencier.

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