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Achever l’œuvre de Réconciliation Nationale en direction des citoyens marocains établis à l’étranger

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Objet : Tribune de Abdelkrim Belguendouz. – 3 novembre 2016

Achever l’œuvre de Réconciliation Nationale en direction
des citoyens marocains établis à l’étranger

Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat,chercheur en migration

Prononcé à l’occasion du 30ème anniversaire de la Glorieuse Marche Verte et plaçant la question  de la communauté marocaine à l’étranger juste après celle de  la préservation de l’intégrité territoriale du Maroc , le discours royal du 6 novembre 2005 , reproduit le mercredi 3 novembre 2016 ,a fait date .

Un discours à ne pas oublier

C’est un discours fondateur , ayant réintégré les Marocains établis à l’étranger dans leur citoyenneté pleine et entière , en décidant notamment , sur la base des articles 5 et 8 de l’ancienne Constitution de 1996 , la représentation des citoyens marocains de l’étranger à la Chambre des députés , à travers des circonscriptions électorales législatives de l’étranger .

Considéré  comme trop « volontariste » par les adversaires acharnés de cette participation et représentation politiques par rapport au Maroc des citoyens marocains à l’étranger , ces milieux voudraient que ce discours royal soit « oublié » , considéré comme « caduc » et rayé de la mémoire collective et nationale . Ils insinuent que ceux qui ont contribué à la préparation de ce discours ont trompé le Roi , et mettent en avant de pseudo-arguments techniques et logistiques pour justifier la non-faisabilité de cet engagement solennel …

Pour nous à l’inverse , il faut garder au discours royal son honorabilité et sa crédibilité , d’autant plus que les décisions prises le 6 novembre 2005 , proviennent selon nous d’une conviction démocratique profonde , qui s’était largement exprimée depuis le nouveau règne . Avec l’article 17 de la Constitution rénovée de 2011 à interpréter démocratiquement , ce discours du 6 novembre 2005 , conforté notamment par celui du 20 août 2012 , constitue en effet une référence incontournable et fondamentale pour la concrétisation de la députation des citoyens marocains  établis à l’étranger , qui se fait toujours attendre après leur nouvelle exclusion infondée du scrutin législatif du 7 octobre 2016 .

Expression d’un souhait

A l’occasion de ce onzième anniversaire du discours du 6 novembre 2005 , notre souhait est qu’à l’instar de ce qui a été fait en septembre 2013 avec une démarche audacieuse concernant le volet immigration étrangère au Maroc , qu’il y ait une grande initiative royale qui viendrait cette fois-ci compléter l’œuvre de Réconciliation Nationale lancée par le nouveau Règne en direction des citoyens marocains établis à l’étranger , qui pâtissent encore de l’absence d’une stratégie nationale globale , cohérente et intégrée les concernant .

Il s’agit en premier lieu de mettre à niveau et de rationaliser l’action des divers intervenants dans le dossier de la communauté marocaine résidant à l’étranger . Il s’agit en second lieu de donner du sens à l’action en direction de cette communauté , en procédant notamment à des choix structurants et stratégiques renvoyant fondamentalement à déterminer la nature des rapports et des liens entre les Marocains résidant à l’étranger et l’Etat marocain , et à ne plus se cantonner à favoriser la citoyenneté économique et financière en incitant les Marocains établis à l’étranger à participer à travers leurs devises et / ou apport technique en terme de compétence au seul développement économique et social du Maroc , en négligeant leur participation en tant qu’acteurs citoyens à part entière , au développement démocratique et politique du Maroc .

Cette réconciliation nationale est restée en effet inachevée en raison de l’immobilisme et de l’absence de courage politique de plusieurs gouvernements dont Benkirane I et II , ainsi que de l’action d’un lobby auquel sont associés également des responsables d’un certain nombre d’institutions nationales consultatives censés pourtant promouvoir les droits humains et répondre aux attentes et aspirations multidimensionnelles des citoyens marocains établis à l’étranger , y compris au niveau démocratique et politique par rapport au Maroc .

Une nécessité  stratégique

La réalisation de l’effectivité de cette citoyenneté complète et intégrale des Marocains établis à l’étranger par rapport au Maroc , nous paraît une nécessité stratégique . Rappelons à ce propos l’enjeu crucial relevé magistralement il y a prés de 31 ans par feu le roi Hassan II , qui déclarait le 29 novembre 1985 à Paris , devant des membres de la communauté marocaine résidant en France ,  en présence du président de la République française François Mitterand : « Et bien restez Marocains ,restez Marocains , parce que toujours dans la paix et la concorde  , moi même ou ceux qui me succéderont , pourront avoir un jour besoin de refaire une Marche Verte . Et bien , je veux qu’au nom de tous les Marocains vivant à l’étranger , pas seulement en France ou à Paris , vous me fassiez le serment que tous les jeunes Marocains qui seront nés en terre étrangère , seront dédiés , dés leurs berceaux , aux marches que l’histoire leur interposera . Si telle est votre réponse , je peux dormir tranquille « .

Ceci devrait signifier que pour le Maroc , la communauté marocaine à l’étranger , tout en étant ouverte bien entendu sur son environnement immédiat dans les pays d’accueil , est d’abord et fondamentalement une question nationale et non un problème purement franco-français , néerlando-hollandais , canado-canadien ou euro-européen , au point d’abandonner dans la pratique à ces parties , le sort des Marocains établis à l’étranger .

Dans la lignée hassanienne , et à l’occasion du 59ème anniversaire de la « Révolution du Roi et du Peuple » , dont les citoyens marocains à l’étranger font partie intégrante , quelque soit par ailleurs l’évolution de leur statut juridique dans les pays d’accueil , le Roi Mohammed VI a pris l’engagement solennel le 20 août 2012 , d’impliquer les jeunes Marocains à l’étranger qui sont nos « compatriotes » , « à la construction du Maroc de demain » , signifiant de notre point de vue par là , la construction et le développement du pays dans tous les domaines , y compris institutionnel , politique et démocratique .

Les deux citations royales précédentes veulent dire que la nationalité marocaine – qui ne se perd pas- , n’est pas seulement une question juridique , mais qu’elle a une dimension politique et une portée stratégique . Ce n’est pas une simple écriture sur un passeport ou sur une carte d’identité , mais elle renvoie notamment à une série de valeurs qui doivent être cultivées , entretenues et intériorisées pour se construire , être perpétuées et maintenir les liens fondamentaux avec le pays . Ceci renvoie notamment à tout un questionnement sur la pertinence et l’efficacité de l’action notamment du ministère chargé des MRE et des affaires de la migration , de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger , du Conseil de la Communauté Marocaine à l’étranger ( CCME ) et du Conseil Européen des Oulémas Marocains ( CEOM) . De plus , faut-il insister sur le fait que les institutions chargées du dossier MRE , sont dédiées à la communauté MAROCAINE à l’étranger , aux MAROCAINS établis à l’étranger et non pas à des étrangers d’origine marocaine …

Par ailleurs , la nationalité suppose notamment que tous les devoirs et obligations , mais également tous les droits des citoyens marocains établis à l’étranger soient reconnus et puissent être exercés par rapport au Maroc , y compris le droit de vote et d’éligibilité parlementaire à partir des pays d’accueil , sans appréhension quelconque des résultats des urnes . On n’organise pas les élections à l’étranger uniquement lorsqu’on est sûrs à l’avance des résultats des urnes et qu’on maîtrise la situation dans le cadre de « Attahakkoum » ! Cette vision , qui est de notre point de vue , à l’origine de l’institution et du maintien du vote MRE par procuration depuis les législatives du 25 novembre 2011 , est à notre sens , improductive et à bannir ! Elle part d’une perception de « dangerosité » et de risque de la communauté marocaine établie à l’étranger , alors que celle-ci constitue une immense opportunité sur tous les plans pour son pays d’origine , le Maroc , qui doit par conséquent l’inclure et non pas l’exclure de son processus de développement multiforme , y compris au plan politique et démocratique .

Le Roi , ultime recours

En définitive , encore une fois et encore , face à l’impuissance des gouvernements qui se sont succédés jusqu’ici depuis au moins la « démarche progressive » instituée le 16 juin 2006 , pour renoncer en fait à l’exécution des deux premières décisions royales du 6 novembre 2005 ,  et face à l’absence de courage politique de la plupart des partis politiques et de la grande majorité de leurs parlementaires , en dépit des avancées de la Constitution de 2011 , le dossier politique des cinq millions de citoyens marocains établis à l’étranger , a besoin d’une impulsion politique très forte , qui ne peut provenir dans ces conditions que du sommet de l’Etat . Pour paraphraser un des passages du dernier discours royal à l’ouverture de la nouvelle session parlementaire le 14 octobre 2016 , si les responsables de l’aspect politique de ce dossier , ainsi que les institutions nationales consultatives concernées avaient convenablement mené leur mission , il n’y aurait pas eu besoin de s’adresser directement au Roi pour résoudre ce problème . Mais en l’occurrence , c’est le seul recours qui reste , conformément à l’article 42 de la Constitution .

A trois jours du onzième anniversaire du discours royal du 6 novembre 2005 , l’opportunité est saisie de manière citoyenne , responsable et déférente , de le faire . Certains nous reprocheront à nouveau notre persévérance dans ce plaidoyer citoyen depuis des années , sans que par ailleurs , ces responsables n’acceptent réellement le débat public contradictoire , pluriel et démocratique , préférant pour leur part , instrumentaliser la « Com » avec de gros moyens publics . Aux détracteurs de la participation et de la représentation politiques des citoyens marocains établis à l’étranger par rapport au Maroc , nous répondrons que si les arguments qu’ils utilisent étaient objectifs et fondés , nous les aurions suivis pour leur pertinence , ce qui n’est nullement le cas .

Lorsqu’en plus , des arguments utilisés par certains d’entre eux sont malhonnêtes intellectuellement , comme l’absence de demande démocratique des citoyens MRE par rapport au Maroc , et qu’en matière de faisabilité , des pays comme la Tunisie , le Mozambique , l’Algérie , la France , le Portugal , l’Italie etc , parviennent à assurer la représentation parlementaire de leurs ressortissants émigrés à partir des pays de résidence , la seule réponse qui convienne est la démystification de la démarche de ces détracteurs et le suivi par contre de l’approche participationniste , dans le cadre d’une conception ouverte , dynamique , démocratique et constructive de la citoyenneté .

Une citoyenneté également pleinement respectueuse de ses devoirs et obligations , soucieuse de la préservation de l’intégrité territoriale du Maroc , ainsi que de la cohésion et de l’unité du peuple marocain , face à toute tentative de séparatisme ou de sécession , en utilisant et en instrumentalisant  un événement douloureux comme le décès tragique de Mohcine Fikri à Alhoceima , qui a suscité une colère saine et une indignation généralisée légitime aussi bien à l’intérieur du Maroc que parmi la communauté marocaine résidant à l’étranger , qui fait partie intégrante du peuple marocain , un et indivisible .

Rabat , le 3 novembre 2016

Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

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