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La représentation parlementaire des MRE,enfin officiellement à l’ordre du jour d’un dialogue institutionnel à Rabat !

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Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur spécialisé en migration

Mercredi 9 mars 2016 , se tient à Rabat à partir de 16 h ,une réunion de travail sur la préparation des élections législatives du 7 octobre 2016 , regroupant d’un côté les ministres de l’Intérieur et de la Justice ( Hassad et Ramid ) et de l’autre les chefs des divers partis politiques marocains , qu’ils soient ou non représentés au parlement.Mais sans que , à notre connaissance , des syndicats et la CGEM qui sont pourtant représentés à la Chambre des Conseillers , voir même y disposent pour certains de groupes parlementaires et participent en conséquence du pouvoir législatif , n’aient été invités .

Suite aux réunions préliminaires séparées tenues avec le Chef du gouvernement , quatre points ont été programmés à l’ordre du jour :
1 – Préparation  des listes électorales ;
2 – Participation de la communauté marocaine résidant à l’étranger ;
3 – La circonscription électorale nationale dédiée aux femmes et aux jeunes
4 – Seuil requis pour participer à la répartition des sièges .

   Un très bon signe

C’est déjà un très bon signe que les droits politiques des citoyennes et des citoyens marocains à l’étranger soient enfin mis officiellement à l’ordre du jour du débat entre les acteurs politiques et institutionnels , pour mettre en pratique les dispositions constitutionnelles ( article 17) et les engagements les plus solennels pris en la matière , en particulier ceux liés au discours royal fondateur du 6 novembre 2005. Ce débat politique de la plus haute importance , va être mené sur un plan institutionnel entre le gouvernement d’une part , et les partis politiques d’autre part , chargés constitutionnellement d’encadrer les citoyens .

Précisons d’abord le champ couvert par le point 2 de l’ordre du jour . Il ne s’agit pas à notre sens  de la seule participation au vote des citoyens marocains à l’étranger , mais également de leur représentation politique , en l’occurrence ici , leur représentation parlementaire.

Avec la Constitution avancée de 2011 , on sait déjà que la Chambre des Conseillers ,à travers l’article 63 , est fermée à la communauté marocaine résidant à l’étranger , le collège MRE n’étant pas prévu , en dépit de la proposition inclusive faite dans ce sens par de nombreux acteurs politiques , syndicaux et associatifs dans le cadre de la révision constitutionnelle en 2011. La raison provient à notre sens , essentiellement de ceux parmi les membres de la commission de réforme de la constitution ,qui ne voulaient pas que cette réforme ait pour incidence d’avoir pour le futur un CCME élu !

Une représentation des MRE à la Chambre des Conseillers , nécessite par conséquent une réforme de la Constitution , qui pourrait être obtenue soit par réfèrendum , soit de manière plus facile au plan organisationnel , par un vote des deux chambres réunies du parlement.

  La représentation à la Chambre des députés et ses blocages

Reste par conséquent la seule formule faisable pour l’instant , celle de la représentation des MRE à la Chambre des députés . Pour ce faire , et en liaison direct avec le premier point de l’ordre du jeu des travaux de la réunion de ce mercredi , il s’agit d’abord d’ouvrir d’urgence l’inscription des MRE sur les listes électorales dans les consulats. Pour l’instant , cette réouverture ne s’est faite qu’à l’intérieur du Maroc et dans la même logique , le vote n’est prévu qu’à l’intérieur ou en direction du Maroc , à travers l’usage du vote par correspondance ou vote électronique vers le Maroc . Or comme pour la formule très contestable de la procuration imposée aux MRE pour les législatives du 25 novembre 2011 , la proposition défendue par le CNDH , qui a le même président que le CCME , n’a pas d’autre but que d’empêcher les MRE d’avoir leurs députés ,en les faisant élire là où nos concitoyens vivent , à savoir les pays d’immigration.

Les blocages à cette représentation parlementaire des MRE , sont dus à plusieurs facteurs. En premier lieu , les partis politiques marocains qui n’ont pas assumé totalement leur rôle dans La Défense des droits politiques par rapport au Maroc des citoyens marocains à l’étranger . Certes, certains se sont  » rattrapés » en déposant depuis quelque temps des propositions de lois favorables à cette participation  et représentation politique , mais on ne sent pas chez certains , un fort enthousiasme à les faire aboutir , face à l’absence de volonté politique gouvernementale.

La seconde cause de ce blocage vient justement du chef actuel du gouvernement , qui a déclaré publiquement à plusieurs reprises ces deux dernières années , que cette représentation parlementaire des MRE n’était pas urgente , n’était pas opportune et ne pouvait être réalisée compte tenu de multiples problèmes logistiques et organisationnels , alors que bien des pays du voisinage ( Algérie ,Tunisie,France,Italie,Portugal) et d’autres plus lointains ( Mozambique , Cap Vert , Colombie , Equateur ) , réussissent à le faire.

Que les responsables politiques du dossier électoral , ne jettent plus la pierre aux Affaires Étrangères , en disant que les consulats du Maroc à l’étranger , pour des raisons organisationnelles et techniques , sont incapables de mettre en place des listes électorales . Le sens de l’organisation et l’informatisation des services de ces consulats a évolué positivement pour que l’on ne mette plus en avant ce genre de prétexte . On réussit bien à organiser des référendum à l’étranger . La question réelle n’est donc pas celle du savoir-faire , mais de la nécessaire volonté politique du gouvernement .

Dans le même esprit , la démarche dite « évolutive »,  » graduelle » ou « progressive » instaurée au niveau gouvernemental depuis le 16 juin 2006 avec l’assentiment des partis de la majorité de l’époque , pour justifier la non application des deux premières décisions royales du 6 novembre 2005 , n’a nullement été déployée . Aucune avancée concrète n’a été observée sur ce terrain et pourtant , au niveau des responsables gouvernementaux , on continue à dire qu’il y a encore des problèmes « techniques  » et que ce n’est toujours pas le bon moment pour réaliser l’effectivité de la pleine citoyenneté des MRE par rapport au Maroc.

En troisième lieu , les responsables du CCME ont transformé ce dernier en poche de résistance à la pleine citoyenneté des MRE , en utilisant des arguments fallacieux : absence de demande démocratique des MRE , interdiction des pays de séjour d’organiser ce type d’élections , coût financier de l’opération , difficultés insurmontables du découpage électoral….

  Raisons d’un choix

Pour plus de réalisme , la représentation parlementaire des MRE , devrait se faire à notre sens par le biais des circonscriptions électorales législatives de l’étranger , avec une interprétation démocratique de l’article 17 de la constitution ,et non pas avec une lecture régressive ,comme ont tenté de le propager en particulier les responsables du CCME . L’autre proposition , consistant à privilégier le canal de la circonscription électorale nationale , plus communément appelée  » liste nationale  » , est problématique , cette liste étant par ailleurs , remise en question à travers plusieurs arguments , surtout au niveau des jeunes.

N’ajoutons pas de ce fait les MRE ,qui n’ont nullement besoin de « discrimination positive » , alors qu’ils ont le droit de participer pleinement par le biais du mécanisme des circonscriptions électorales législatives de l’étranger .

Enfin , si la question du seuil requis pour participer à la répartition des sièges retient l’attention de tous les partis pour des raisons contradictoires , les MRE pâtissent d’un  » seuil de citoyenneté  » , dans la mesure où ils ( elles) sont considéré (e)s comme des citoyen(ne)s subalternes par rapport aux Marocain(e)s de l’intérieur . Tout se passe comme si les MRE n’étaient citoyens marocains qu’à hauteur de 20 ou de 30% et ne pouvaient en conséquence , disposer des attributs de cette citoyenneté , qu’à un niveau bien inférieur à celui des Marocains du  » dedans » ! Cette discrimination de fait est insupportable !

  Un débat bienvenu à mener à son terme

Le débat qui commence donc ce mercredi  et doit se poursuivre dans la sérénité et un esprit constructif , est le bienvenu . Ses résultats sont attendus avec beaucoup’ d’intérêt , tant la frustration accumulée depuis des années par les citoyens marocains à l’étranger est immense . Outre les propositions  émises plus haut , il s’agit à notre sens de reprendre les travaux de la commission de l’Intérieur à la chambre des députés sur les trois propositions de lois en question .

Parallèlement à celà , la Commission des affaires étrangères à la Chambre des représentants ,devrait enfin inscrire à son ordre du jour l’étude  des 4 propositions de lois sur le CCME , d’autant plus que le département concerné ,qui n’ a nullement procédé aux concertations et aux consultations nécessaires , notamment avec le milieu associatif MRE ,  tarde à présenter un projet de loi qui tienne , y compris celui portant le numéro 83-15…

Que les responsables de ce département tirent les enseignements du climat général de controverse et de contestation qui a caractérisé les « consultations » de l’ex-CCDH pour la mise en place du CCME et des multiples dysfonctionnements de ce dernier depuis plus de huit années d’existence ! Qu’ils tiennent compte aussi de l’esprit de la nouvelle constitution et de multiples discours royaux , dont celui du 6 novembre 2007 , où il est dit concernant les modalités de formation du prochain CCME , que  » l’élection reste nécessaire et souhaitable comme point de départ et comme objectif pour la mise en place de cette institution ».

L’ère de l’esprit  » amicaliste  » est bien révolue . Le temps de la mainmise et de l’embrigadement consulaire des MRE est dépassé . La période où l’on pourrait avoir un président d’une institution nationale consultative avec un pouvoir absolu de nomination des présidents des  » CCME locaux  » dans les pays d’immigration et de leur révocation , est antinomique avec l’esprit de la Constitution rénovée de 2011 et de la marche du Maroc dans le sens de l’histoire !

Il serait également  souhaitable d’organiser par le parlement ( les deux chambres réunies ) , un débat national sur les droits politiques des MRE ,avec comme objectif de parvenir à des solutions pratiques et démocratiques dans l’intérêt des MRE et du Maroc dans son ensemble . Ce débat est à organiser de manière ouverte , pluriel et en impliquant étroitement la société civile MRE.

Rabat , le 8 mars 2016
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur spécialisé en migration

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