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COLONEL MOHAMED MELLOUKI TERRORISME : ENTRE ‘ SOIGNER ET GUÉRIR’ IIème PARTIE : GUÉRIR

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COLONEL MOHAMED MELLOUKI 15/10/2014
JOURNAL : LA 2ème LECTURE
TERRORISME : ENTRE ‘ SOIGNER ET GUÉRIR’
IIème PARTIE : GUÉRIR
Le 8 octobre dernier, l’ambassadeur de Turquie à Paris, dont le pays est instamment sollicité à participer à la coalition en cours contre Daech, a intelligemment jugulé cette proposition. ‘ Nous essayons, a-t-il dit, de tuer des moustiques sans assécher les marécages’. Sans avouer que son pays n’est pas totalement étranger à la création de ces marécages et qu’il pourrait bien en faire quelque peu les frais par la suite, ce diplomate a dû vouloir insinuer qu’il faudrait envisager une autre approche qui se substituerait à la vision militaire, où du moins l’accompagnerait. Je partage parfaitement cette esquive diplomatique même si, peut-être, nous ne visons pas les mêmes marécages et la même méthode d’assèchement.
Il est évident que Daech n’est que la saillie la plus inquiétante pour le moment de la partie visible d’un iceberg qui s’étend largement au-delà du Moyen-Orient ; et se contenter de le détruire sans s’attaquer aux abysses du plateau de soutènement reviendrait, comme je l’ai précisé dans l’article précédent, à vouloir soigner seulement le mal au lieu de le guérir, d’autant que d’aucuns pensent que celui-ci a, déjà, atteint une phase métastasique et qu’il ne faut pas trop se faire des illusions sur son éradication totale.
La coalition militaire en cours devra, selon ses initiateurs, regrouper, in fine, une quarantaine de participants, soit un peu plus que celle réunie contre Saddam. Aboutirait-elle, pour autant, à autre chose qu’à engendrer encore plus de drames qu’en connaît déjà la région depuis la précédente ? N’avançait-on pas, en 2003, que Saddam était le plus grand danger pour le monde, après avoir ressassé auparavant, sur tous les podiums de la propagande, la même rhétorique à l’égard d’Al Qaeda et puis Talibans ? À qui le tour dans les quelques années à venir ?
Le phénomène terroriste, en l’occurrence jihadiste, n’est pas une malédiction du ciel. Il résulte d’un tas de causes politiques à la fois endogènes et exogènes. Daech n’attire pas que ‘ des ayatollahs en herbe, mais une bonne part aussi de laïcs qui y adhèrent plus par esprit de révolte contre les systèmes politiques arabes que par affinité idéologique. Du ‘ Califat’ historique, la plupart d’entre eux, n’en a pas dû entendre parler ou sommairement, mais croit, par désespoir de cause, accéder à plus de liberté, de décence et de dignité, même si ce régime a charrié, tout au long de ses mutations dynastiques et étendues géographiques, autant de malheurs que depuis la chute du dernier maillon. Cette quête leur semble plus facilement réalisable par les armes que par le décevant‘ Printemps arabe’, quitte à s’allier avec le diable. Et pour peu que cette quête procure du ‘ fric’, et, pour assouvir les instants bestiaux, des ‘ harems halals’- même si les deux termes sont antinomiques dans la sémantique arabe- cela ne fait que joindre l’utile à l’agréable. Tant que dans le monde arabe, dans sa globalité, des Constitutions et lois tarabiscotées, et des élections bricolées reposent sur des combines pour se donner des statures personnelles fallacieuses et des façades institutionnelles tout aussi ‘ bidons’, tant l’engouement pour l’aventure persistera.
L’Occident, pour sa part, est tout autant responsable de cette situation. Tout en prônant publiquement des principes de démocratisation et des droits de l’Homme, il tient à vouloir faire du monde arabe sa chasse gardée et appuie sournoisement, pour la cause, des régimes honnis par leurs peuples. Il continue à être imprégné de l’esprit de l’accord Sykes-Picot alors que ses lignes, de l’aveu même de Mr B. Kouchner ancien ministre français, sont dépassées, ce qu’ambitionne, précisément, de traduire dans les faits Daech, puisque les forces démocratiques, traquées ou soudoyées, en sont désintéressés ou incapables.
Daech et Al Qaed n’ont pas de projet politique différent de celui de la Confrérie des Frères musulmans. Pourtant, l’Occident a lourdement, et irrationnellement, financé et soutenu médiatiquement cette fabrique initiale de la mouvance islamiste- et partant du terrorisme jihadiste- pour l’amener au pouvoir en Égypte en 2013. Depuis, il continue d’héberger sur son sol ses principaux dirigeants rescapés du changement intervenu dans ce pays, et parallèlement de bouder le nouveau régime qui se révèle le meilleur pourfendeur du terrorisme ambiant et pourrait être le meilleur allié pour la coalition en cours.
La persistance d’Israël dans sa volonté de solutionner le problème l’opposant aux palestiniens à ses seules exigences et conditions et d’en imposer à tout le monde arabo musulman est assurément un facteur permanent d’attisement de la tension. Ce pays est perçu, pour le moins, comme une plaie ouverte dans les cœurs musulmans ; tant que celle-ci ne se sera pas cicatrisée par un traité international, consensuel, juste et honnêtement appliqué, il ne faudra pas s’attendre à la paix de sitôt.
Le ridicule concept de l’antisémitisme codifié dans la plupart des arsenaux juridiques occidentaux est ressenti par les musulmans comme une épée de Damoclès pour bâillonner toute revendication politique contre Israël. C’est de l’huile sur le feu. Il doit être abrogé, d’autant que les Arabes, issus du même aïeul que les juifs, sont autant sémites, voire même prioritairement en legs de prééminence à la fois sanguine, puisque descendants du puîné de ses deux enfants, et spirituelle. Ils ne peuvent être de race sémite et de comportement antisémite. Cela reviendrait à accuser l’un des deux cousins se disputant pour un motif quelconque, de haine contre la famille entière.
Les caricatures contre l’Islam, qui ont essaimé ces dernières années en Europe constituent sûrement un des principaux ingrédients de l’atmosphère délétère qui agite la communauté arabo musulmane dans ce continent. L’attitude adoptée en la matière par les dirigeants concernés n’est pas faite pour apaiser les esprits : au moindre propos ou acte contre la communauté juive, ils leur collent de l’antisémitisme à tout bout de champ, mais lorsque ce sont des musulmans qui se sentent offusqués dans leur foi de façon nettement ségrégationniste, ils font valoir la liberté d’expression. Deux poids, deux mesures pour masquer une partialité manifeste que les musulmans de tous bords trouvent révoltante. Et lorsqu’on sait, selon les estimations, que cette communauté est évaluée à 1,5 milliard de fidèles et que pour un musulman l’Islam est sa fibre existentielle la plus sensible dans ce monde et son plus grand espoir de salut dans l’autre, il ne faut pas s’étonner que la mouvance jihadiste n’aura aucune peine de recrutement.
Donc, pour résorber la mouvance jihadiste, il faudrait commencer par assécher les abcès qui en sont à l’origine. Est-ce possible ? L’Occident qui est, en l’occurrence, le maître du jeu n’est pas un groupement d’enfants de choeur, pas plus que je ne suis naïf : la géopolitique est avant tout une affaire de sous, d’intérêts, de profits et d’influence, et le Moyen-Orient s’y prête merveilleusement. Si une paix juste et durable venait à y être instaurée, l’Occident y laisserait, indéniablement, tout un pan de son hégémonisme. Ce qui semble difficilement envisageable. Mais ce n’est, peut-être, qu’à ce prix de ‘sacrifice’ qu’il pourrait être audible et crédible.

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