Rapport de la Cour des comptes sur les retraites: Le choc de la dette invisible

Rapport de la Cour des comptes sur les retraites: Le choc de la dette invisible
813 milliards de DH d’engagements non couverts
Presque autant que le PIB!
Urgence absolue de la réforme paramétrique du système
Rapport de la Cour des comptes sur les retraites: Le choc de la dette invisible
Pour deux raisons, le dernier diagnostic sur les retraites est un véritable tsunami. D’abord parce que la signature n’est autre que celle de la Cour des comptes. L’institution présidée par Driss Jettou a en effet fini par s’inviter dans ce débat. Une surprise? Pas vraiment. Si l’opinion publique n’a perçu jusque-là que les seuls rapports souvent accablant la gouvernance des établissements publics, en réalité ses prérogatives couvrent un spectre plus large en matière d’évaluation des politiques publiques, qu’il s’agisse des questions de loi de Finances, de la fiscalité ou encore de retraite.
Ensuite, il rend compte de l’ampleur des chocs à venir et de l’urgence de la réforme. Les engagements non couverts des quatre régimes de retraites, Caisse marocaine des retraites (CMR), Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), Régime collectif d’allocation des retraites (RCAR) et Caisse interprofessionnelle marocaine des retraites (CIMR), équivalent presque au PIB. Ces engagements sont à 813 milliards de dirhams à l’horizon 2060, selon les simulations actualisées à fin 2011. C’est la dette future des régimes de retraites connue dans le jargon technique comme étant la dette implicite. La Cour des comptes parle de la nécessité de lancer de manière urgente un processus de réformes profondes étalé sur le court, moyen et long terme.
A lui seul, le régime des pensions civiles géré par la CMR compte une dette implicite de 583 milliards de dirhams contre 197 milliards pour la CNSS ! «Pour chaque cotisation reçue, les régimes créent des droits supérieurs accumulant ainsi en permanence des déficits et de la dette pour les générations futures», notent les magistrats de la Cour des comptes.
Dans son diagnostic, assorti de recommandations qui globalement convergent avec les orientations de la Commission nationale des retraites, l’institution avertit du coût de l’inaction. Le statu quo se traduira dans le cas de certains régimes, comme celui des pensions civiles générées par la CMR, par l’épuisement des réserves dès 2021. «Les Caisses de retraite via le placement des réserves considérables dont elles disposent constituent un acteur financier et économique de premier plan. L’épuisement de leurs réserves aura un effet néfaste sur l’économie, les marchés financiers et même sur le financement du Trésor dont une partie significative de la dette est détenue par les organismes de retraite», avertit la Cour des comptes.
Dans l’immédiat, elle propose d’agir sur les paramètres des régimes en vue d’allonger l’horizon de viabilité de quelques années en particulier dans le cas du régime des pensions civiles géré par la CMR.
Cette réforme paramétrique sera préparatoire à une refonte globale de l’ensemble du système de retraites. Ce qui permettra d’opérer la convergence des paramètres des régimes pour en rapprocher les règles de fonctionnement facilitant ainsi leur intégration sur le long terme. Surtout que le système actuel se caractérise par la diversité et la non-convergence entre les différentes caisses puisqu’elles sont régies par des règles et des paramètres de fonctionnement non harmonisés. Résultat, l’absence de passerelles entre les différentes caisses entravant ainsi toute mobilité des salariés entre le secteur privé et celui public. Une situation qui contribue à la «non-fluidité sur le marché de l’emploi».
Durant cette phase, l’on recommande d’agir simultanément sur plusieurs paramètres: âge, taux de cotisation, annuité, base de liquidation, taux de remplacement…
Dans le secteur public, la piste suggérée par la Cour des comptes est le relèvement obligatoire de l’âge de départ à la retraite. Et dans le privé, cette mesure serait optionnelle (voir également pages 4, 6 et 7).
Après la réforme paramétrique, la Cour des comptes propose une réforme systémique en deux étapes. La première servirait de phase de transition vers la mise en place d’un régime de base unique généralisé qui couvrirait les actifs du privé et du public. Elle devrait s’étaler sur une période de 5 à 7 ans, le temps de rapprocher les paramètres des régimes. Pour cela, les magistrats proposent la fusion du RCAR et de la CMR ou le maintien des caisses actuelles mais tout en opérant une refonte du régime des fonctionnaires géré par la CMR. Et ce, en vue de son rapprochement avec les systèmes existants surtout au niveau du plafonnement.
Mais quelle que soit l’option retenue, les besoins importants de financement de la dette non couverte et l’insuffisance du moteur démographique dans le secteur public resteront posés, prévient la Cour des comptes. La deuxième étape de la réforme systémique consistera en la mise en place du régime de base unique avec des paliers complémentaires obligatoires et facultatifs. Ce régime devrait fonctionner en répartition et sa gestion confiée à un organisme public. Il devrait offrir un taux de remplacement assurant un niveau de pension convenable, les taux de cotisation devraient tenir compte des impératifs de compétitivité et préserver le pouvoir d’achat. Sans préciser de taux, les magistrats de la Cour des comptes recommandent un effort plus important de la part de l’employeur et insistent pour que le régime ne supporte pas des prestations connexes telles que la pension d’invalidité ou encore les allocations familiales.
Une complémentaire obligatoire pour le public
L’une des principales recommandations de la Cour des comptes est la création d’une complémentaire obligatoire pour le secteur public. Au moins dans un premier temps avant de l’étendre progressivement au privé. De quoi assurer un complément de pension aux actifs et garantir un taux de remplacement convenable. Les régimes complémentaires devraient être à cotisation définie alors que le partage de la cotisation entre salariés et employeurs serait différent de celui en vigueur pour le régime de base. La complémentaire devrait fonctionner en mode capitalisation mais la Cour des comptes n’écarte pas l’option de la répartition pour le secteur privé. Les régimes facultatifs devraient également fonctionner par capitalisation et prendraient en charge la partie des salaires ou des revenus supérieure au plafond des régimes complémentaires.
Khadija MASMOUDI / L’économiste




Aucun commentaire