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Maroc-Libye, meilleurs amis du monde ?

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Taieb Fassi Fihri, ministre marocain des Affaires étrangères a été reçu à Benghazi par Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition libyen, le 22 août dernier.

Quelques jours seulement avant la chute de Kadhafi, le ministre marocain des Affaires étrangères a été reçu à Benghazi par Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition libyen. On pourra épiloguer sur l’opportunisme marocain, ou sur son sens aiguisé du moment opportun… On pourra aussi, plus utilement, s’interroger sur ce qui pourrait rapprocher les deux pays.
Le 13 août 1984, Hassan II et Mouammar Kadhafi signèrent le Traité d’Oujda, établissant une improbable union entre l’Empire chérifien et la Jamahirya populaire. Les Algériens s’étouffèrent dans leur thé, les Américains dans leur whisky, on ne comprit rien à ce drôle de ménage. Rabat y gagna surtout la fin du soutien de Tripoli au front Polisario ; quant à Tripoli, outre satisfaire les visions incohérentes du fantasque Kadhafi, peut-être écarta-t-elle la menace d’une intervention pro-tchadienne de l’armée marocaine appuyée par la France ? Heureusement pour la logique et la chancellerie, l’union dura deux ans seulement, et en août 1986, Rabat rompit ce lien contre-nature. Rien, en effet, ne pouvait rapprocher le Maroc de la Libye de Kadhafi.

Désormais que la page se tourne, on peut, plus sereinement revenir sur ce qui, au contraire, peut faire lien, et lien solide, entre ces deux Etats. Que le Maroc et la Libye soient les fronts extrêmes du Maghreb, que l’un soit son Far-West, déjà euro-atlantique, que l’autre soit son Far-East, déjà oriental, voilà ce que la carte, d’un simple coup d’œil, nous montre. Restent les convergences intimes. D’abord la monarchie des Sénoussies. Certes, une restauration est improbable, quasi-impossible. Mais on peut parier sur la prégnance que cette monarchie confrérique et chérifienne, soufie et résistante, a dû laisser dans une société libyenne meurtrie par le régime de Kadhafi.

Mohamed Ben  Ali al Sanoussi, chérif idrisside originaire des confins algéro-marocains, fonda au milieu du XIXème siècle en Libye la confrérie qui porte son nom et qui porta sur le trône ses descendants. Cet héritage chérifien, seuls dans le monde arabe le Yémen et la Libye le partagèrent avec le Maroc, et les deux dynasties, les Imams de Sanaa et les Chérifs de Tripoli, étaient également originaires de l’Empire chérifien. Sous la peau géographique superficielle, courent donc des nerfs intangibles, reliant le Maroc aux lointains Libye et Yémen. Malgré les révolutions – de 1961 à Sanaa, de 1969 à Tripoli – tout porte à croire que de telles affinités durent plus longtemps que les idéologies.

La deuxième convergence tient à la profondeur historique et géographique de l’ancrage du Maroc et de la Libye dans le Sahara et l’Afrique. Pour deux raisons différentes : le Maroc par une gradation douce entre le climat méditerranéen et les oasis, constitua depuis l’antiquité une route balisée entre l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée ; la Libye, au contraire, par la violente contiguïté du désert et de la mer, les deux mondes s’abouchant sans intermédiaires. La politique des deux pays s’en ressent depuis toujours.
Enfin le tropisme anglo-saxon. Rabat comme Tripoli peuvent, chacune à sa manière, raconter l’ancienneté et la complexité de leurs relations avec le monde atlantique. Rappelons, pour ce qui concerne la Libye, l’expédition militaire américaine de 1818, le mandat britannique sur la Libye au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la base militaire américaine de Wheelus – aujourd’hui Milaga – et même l’antagonisme amoureux entre Washington et Tripoli après 1969. Parions que le nouveau régime libyen regardera beaucoup du côté de Washington.

Voilà donc trois histoires communes et anciennes : le chérifisme idrisside, le Sahara et l’Afrique, les Anglo-Saxons.
Certes, le futur régime libyen se confrontera d’abord, dans ses relations internationales, à deux interlocuteurs : l’Union européenne et l’Egypte. Cette dernière surtout. Car l’empire fatimide reconstitué – Tunisie, Libye, Egypte – par la chute de Kadhafi, Tripoli doit penser à sa situation au sein de cette triade en transition. Mais les histoires anciennes sont également les plus jeunes. Parions sur leurs prégnances dans la future politique maroco-libyenne.

Adam Zili

source / lesoir-echos.com

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