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Commission Consultative de la Régionalisation / Livre II : Régionalisation avancée et développement économique et social

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Régionalisation avancée et développement
économique et social

 

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 102

Introduction

Dans le cadre de la mise en oeuvre du projet de la régionalisation élargie initié par Sa Majesté le
Roi, les Régions seront appelées à jouer un rôle de premier plan en matière de développement
économique et social. Dans ce sens, la CCR a mené des réflexions pour déterminer les
conditions à mettre en place pour que les régions soient en mesure de remplir pleinement et
efficacement leur rôle en matière de conception et de déploiement de politiques locales.
Pour ce faire, un état des lieux aussi exhaustif que possible a été établi, pour aboutir à des
propositions concrètes qui ont été confrontées aux expériences internationales les plus réussies
en la matière. Ce bilan–diagnostic a permis de faire ressortir les avancées enregistrées au cours
de cette dernière décennie, les déficits et les contraintes qui continuent à entraver le
développement économique et social des régions.
En effet, bien que des progrès importants soient enregistrés, les inégalités interrégionales en
matière de croissance économique, de développement humain et d’accès aux services de base
persistent encore. Les indicateurs montrent une forte hétérogénéité dans le développement
des régions et une concentration de la richesse nationale sur le littoral de Tanger à Agadir.
De même, l’analyse des finances locales fait état de la faiblesse des moyens financiers dont
disposent les CL, en général, et les régions en particulier et dont une part très faible est dédiée
aux programmes de nature à promouvoir le développement économique régional. A cela
s’ajoute un potentiel fiscal non exploité, une incapacité des CL à consommer l’intégralité de
leurs ressources, un faible recours à l’emprunt, des procédures complexes et des ressources
humaines à renforcer. Dans ce contexte, l’Etat demeure le principal acteur du développement
économique et social, aussi bien à travers son action directe qu’à travers ses entreprises
publiques.
A la lumière de ces différents constats, la CCR a pu identifier une série de mesures nécessaires
permettant de consolider les acquis et de créer les conditions favorables à l’épanouissement de
ce projet.
Tour à tour, ces propositions ont porté sur le renforcement de l’équité et de l’adhésion sociales
au travers de la mise en place d’outils financiers comme le fonds de mise à niveau sociale
destiné à la résorption des déficits majeurs enregistrés dans les secteurs relatifs au
développement humain. Un outil qui s’inscrit dans un principe plus global de solidarité
territoriale et de participation à l’atténuation des disparités entre les régions. De même, cette
solidarité devrait se fonder conjointement sur l’amélioration des effets péréquatifs du système
de transfert actuel et sur la mise en place d’un dispositif approprié en mesure de donner un
contenu concret et immédiat à ce principe.
Par ailleurs, convaincue que le renforcement du rôle des régions en matière de développement
économique et social est tributaire des moyens à mettre à leur disposition, la CCR a préconisé, à
partir du bilan conduit sur les finances locales, les axes essentiels de réforme qui doivent être
envisagés pour valoriser le potentiel des ressources des régions qui devront être ajustées aux
missions qui leur seront dévolues. En parallèle, elle a proposé d’engager des actions
vigoureuses en vue d’une meilleure mobilisation du potentiel fiscal local, d’une amélioration du
recouvrement ainsi qu’une optimisation des autres ressources (parafiscalité et patrimoine).

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 103

Concernant les ressources d’emprunt, la CCR a recommandé l’élargissement des capacités du
Fonds d’Equipement Communal, la participation du secteur bancaire particulièrement autour
de projets bancables et le recours au marché obligataire intérieur, et plus tard extérieur.
Cependant, la CCR considère que la simplification des procédures d’exécution des projets de
développement et le renforcement des capacités de gestion et de la déconcentration constituent des
prérequis pour garantir l’efficience et l’efficacité de l’action des régions.
De même, la CCR a estimé que le succès d’une telle réforme est aussi tributaire de la mise en
place d’instruments d’accompagnement pour une meilleure gouvernance régionale. Ces
mesures ont notamment trait à la formalisation des rapports Etat/Région par le biais de la
contractualisation, au renforcement du rôle du secteur privé à travers l’amélioration du climat
des affaires et la promotion du partenariat public/privé, à l’instauration d’un système
d’information statistique régional répondant aux multiples besoins du développement
économique et social et à l’intégration de la dimension régionale dans le projet de réforme de la
loi organique des finances. Il s’agit ainsi de définir les actions d’appui devant être déployées
pour l’accompagnement du modèle de régionalisation maroco‐marocain.
Ainsi, le présent rapport s’attache à présenter les principaux constats dégagés du bilandiagnostic,
les conclusions et les enseignements qui en découlent ainsi que les propositions de
réformes à mettre en oeuvre.

1. La mise à niveau régionale : objectifs et essai de quantification

1.1 La mise à niveau sociale : un levier pour le développement humain
La mise à niveau sociale s’inscrit dans le cadre de l’un des objectifs prioritaires assignés à la réforme
projetée : le développement économique et social des régions et plus particulièrement l’axe stratégique
de la réduction des inégalités interrégionales. Il s’agit de corriger les déséquilibres persistants en matière
d’infrastructures et de services sociaux de base entre les régions, et de résorber ainsi les déficits majeurs
dans ces domaines.

La CCR est convaincue du fait que le chantier de la régionalisation avancée que Sa Majesté le Roi appelle
de ses voeux n’est pas seulement une réponse moderne à la revitalisation du lien démocratique touchant
les différentes sphères de la collectivité nationale, à la stimulation et la dynamisation de la croissance
durable de nos territoires mais aussi un véritable levier pour le renforcement de ces liens d’humanité et
de cohésion sociale que l’évolution rapide de nos sociétés rend de plus en plus fort. Face à ce besoin
croissant, la CCR a la conviction que ce sont les collectivités locales, avec l’appui de l’État, qui peuvent
être les relais efficaces pour s’investir valablement et apporter des réponses ajustées aux demandes et
déficits locaux. Par cette action, la régionalisation confirme la grande ambition, dans laquelle s’est
inscrit le Royaume depuis 2005, de faire du développement humain une nouvelle approche d’ingénierie
sociale, une grande cause nationale pour corriger, ajuster et améliorer les performances de l’action
publique.
En tant que chantier porteur de cette grande ambition, la régionalisation avancée n’aurait donc
l’impact politique réel, qui devrait être le sien, que si les populations ressentent, dans des délais

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 104

raisonnables, un changement significatif au niveau de leurs conditions de vie. C’est pourquoi, la
CCR estime qu’il est impérieux de mettre en place un projet de mise à niveau sociale de
l’ensemble des régions du Royaume et d’en faire un axe central de la réforme.
Ce projet d’initiative de grande envergure privilégiera donc les questions du développement
relatives aux gaps socioéconomiques interrégionaux majeurs observés dans les secteurs qui
sont en rapport avec le développement humain et le bien‐être des populations.
Ce sont là les principales considérations qui ont conduit la CCR à entreprendre un travail fouillé
allant, dans un souci d’opérationnalisation, jusqu’à l’évaluation de ses coûts budgétaires.
1.2 Rappel des conclusions du bilan‐diagnostic
Au niveau de la santé
Au niveau national, les politiques publiques en matière de santé ont donné lieu à des évolutions
positives : réduction nette de la mortalité maternelle, baisse considérable de la mortalité infantile et
éradication des maladies pandémiques ; toutefois, au niveau régional, d’importantes disparités
persistent.
La répartition du nombre d’habitants selon les centres de soins de santé en milieu urbain et rural montre
des disparités énormes. Ainsi, la moitié des régions marocaines dépassent la moyenne nationale (32 000
habitants par établissement) pour les centres de santé urbains (CSU). Pour les centres de santé urbains
avec accouchement (CSUA) un quart des régions dépasse la moyenne nationale (142 000 habitants par
établissement).
Concernant les hôpitaux, la moyenne nationale est de l’ordre de 302 000 habitants par hôpital général et
655 000 habitants par hôpital spécialisé. Cette situation est loin des normes internationales proposées
par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En ce qui concerne le milieu rural, la distribution est aussi inégalitaire. La moyenne nationale pour les
dispensaires ruraux (DR) qui sont censés donner les soins d’urgences et les services sanitaires à caractère
non pathologique atteint plus de 20 000 habitants par établissement. Quant aux centres de santé
communaux (CSC) et les centres de santé communaux avec accouchement (CSCA), cette moyenne est,
respectivement, de 32 000 et 145 000 habitants par établissement sanitaire. Aussi, l’analyse de ces
indicateurs révèle l’existence de déficits réels.
Au niveau de l’éducation
Le système d’éducation et de formation national accuse à son tour des déficits qui se manifestent au
niveau de la généralisation de l’accès, de l’abandon scolaire, du redoublement, de l’analphabétisme, de
la qualité des apprentissages et des infrastructures de base.
Sur le plan régional, les indicateurs de scolarisation montrent un certain nombre de
dysfonctionnements. Concrètement, certaines régions sont loin d’atteindre le taux net de scolarisation
national au primaire (notamment les régions de Taza‐Al Hoceima‐Taounate, l’Oriental et Tadla‐Azilal), au
secondaire qualifiant, des régions telles que Taza‐Al Hoceima‐Taounate affichent un taux net de

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scolarisation de 13% seulement. Quant au secondaire collégial, les régions de Doukkala‐Abda et de
Marrakech‐Tensift‐Al Haouz enregistrent des niveaux alarmants, avec des taux nets de 36,7% et 38,3%
respectivement.
Au niveau des infrastructures routières
Les données du Ministère de l’Equipement et du Transport indiquent que le nombre de routes revêtues
a atteint, en 2005, près de 30 400 km d’un total de près de 57 000 km tous types confondus, soit environ
53% des routes nationales revêtues. En effet, les routes non revêtues touchent, le plus souvent, le
monde rural qui endure non seulement les difficultés du contexte mais également les effets liés au
développement routier ayant caractérisé les politiques publiques qui se sont succédées auparavant.
De même, des disparités persistent toujours entre les régions tant en termes de qualité que de
l’importance du réseau des routes non revêtues. Plusieurs facteurs participent dans cette situation dont
essentiellement la difficulté du contexte et l’étendue variable de l’espace rural.
Au niveau de l’accès à l’eau potable et à l’électricité
Parmi les facteurs majeurs qui conditionnent le développement socioéconomique du milieu rural, est la
disponibilité d’infrastructures de base et d’équipements publics. Durant ces dernières années plusieurs
politiques gouvernementales ont été initiées. Ces dernières se sont traduites par la mise en place de
programmes visant l’accélération de l’accès aux équipements et aux services de bases au profit de la
population rurale. Il en est ainsi pour les programmes PAGER et PERG qui ont permis de réaliser des
performances notables.
En effet, en 1996 plus de deux tiers de la population rurale n’avait pas accès à l’eau potable ni à
l’électricité. En 2010, le taux d’accès à ces deux sources vitales est respectivement de 91% et 96,5%. Une
quasi‐généralisation de ces services est, somme toute, prévue dans la décennie en cours conformément
aux objectifs assignés à ces programmes.
Au niveau de l’accès au logement
Plusieurs facteurs économiques et sociodémographiques expliquent le phénomène de l’habitat insalubre
et du logement clandestin29 dont, essentiellement, les spécificités économiques des grandes villes, la
pression de l’urbanisation de plus en plus soutenue, l’inadéquation de l’offre à la demande existante,
ainsi que la difficulté des conditions socioéconomiques des ménages.
Afin de pallier à cette problématique sociale qui conditionne le développement humain et social du
Maroc, des programmes de lutte contre l’habitat insalubre et de soutien au logement social ont été mis
29 Sous forme de bidonvilles, de logements clandestins, de tissus anciens et quartiers non aménagés.

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en place en 2003. Aujourd’hui, malgré les avancées constatées dans ce chantier, des défis majeurs
persistent encore et nécessitent des efforts soutenus.
L’ensemble de ces constats souligne que les inégalités régionales en matière de croissance et de
développement humain et social nécessitent des actions soutenues en matière de stratégies
d’amélioration des performances socioéconomiques régionales. Il s’agit en fait de créer progressivement
les conditions nécessaires pour que chaque région puisse exploiter au mieux ses atouts et potentialités
et donc d’activer la dynamique de rattrapage et dont la mise à niveau sociale constitue l’un des
fondements.
1.3 La méthodologie adoptée pour la quantification
Les secteurs concernés
Les secteurs concernés par cette mise à niveau sont : la santé, l’éducation, les infrastructures
routières, l’eau potable, l’électricité et le logement social ; ils représentent à juste titre des
champs d’action qui intéressent au plus haut point tous les niveaux des collectivités locales.
Néanmoins, leur nature transversale et exigeante en conduite stratégique privilégie une prise
en charge au niveau de la région, le but étant de fournir, principalement, des services publics et
des biens communs le plus équitablement possible. On notera, à ce propos, que les domaines
de l’analphabétisme et des équipements socioculturels n’ont pas pu être pris en compte en
raison de l’insuffisance des données disponibles, d’une part, et de la portée spécifique de ces
dimensions qui devront faire, particulièrement, l’objet de stratégies nationales des
départements concernés.
Essai de quantification
La conception du projet de mise à niveau régionale est une entreprise complexe. Les aspects de sa
formalisation et de sa quantification (évaluation des investissements nécessaires pour pouvoir réduire
les inégalités socioéconomiques et résorber les déficits en matière d’infrastructures et de services
sociaux de base) soulèvent de réelles difficultés méthodologiques.
Une première approche d’évaluation des investissements nécessaires à l’amélioration de 1 point de
pourcentage de l’Indice de Développement Humain (IDH) dans une région donnée n’a pas abouti, en
raison de la complexité de l’exercice et de la carence des données chronologiques détaillées et
désagrégées (le PIB/habitant annuel régional, les investissements sectoriels par rubrique budgétaire,
l’IDH annuel, etc.). Néanmoins, une démarche alternative basée sur un ciblage des secteurs clés et des
critères de référence a été conçue, avec comme objectif principal la résorption des déficits de capacité
(ou d’accès) les plus importants et qui sont en nette corrélation avec l’IDH. De ce fait, la résorption de
ces déficits est approchée à travers des programmes permettant de garantir aux populations, dans
chaque territoire, l’accès égal aux installations et infrastructures de base.
En vue d’évaluer le coût permettant de répondre à cet objectif, deux scénarios ont été arrêtés :
Le premier scénario vise à ramener les indicateurs des régions retardataires dans les secteurs ciblés à la
moyenne nationale. Selon cette approche, le critère de référence est fixé, essentiellement, à partir de la

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 107

moyenne arithmétique calculée spécifiquement pour les domaines suivants : (i) au niveau de la santé : la
moyenne nationale du nombre d’habitants par établissement sanitaire ; (ii) au niveau de l’éducation : la
moyenne nationale du nombre d’élèves en âge de scolarité par établissement scolaire (écoles, collèges
et lycées) ; et (iii) au niveau des infrastructures routières : il s’agit de la proportion moyenne des routes
non revêtues rapportées au total des routes dans chaque région.
Le deuxième scénario est fondé sur une évaluation permettant de résorber, autant que faire se peut, les
déficits au niveau des trois secteurs caractérisés ci‐dessus. Ainsi, au niveau de la santé, avons‐nous
retenu, comme critère, les normes internationales exigées pour qu’un établissement sanitaire puisse
prester convenablement ses services. Au niveau de l’éducation, les standards nationaux relatifs au ratio
élève par classe et au taux de rotation ont été adoptés. Enfin, concernant les infrastructures routières, il
a été retenu pour chaque région d’atteindre le taux régional maximum des routes revêtues rapportées
au total des routes.
Pour le reste des secteurs, les objectifs pris comme référence concernent la généralisation de l’accès à
l’eau potable et à l’électricité et l’éradication des bidonvilles et de l’habitat insalubre. Ces deux objectifs
sont déterminés de manière identique pour les deux scénarios.
De même, des subventions au bénéfice des populations ont été intégrées pour répondre aux besoins
spécifiques des ménages en difficulté qui, de par leurs moyens, n’ont pas la possibilité d’accéder aux
soins de santé et à la scolarité. Le calcul des subventions de santé correspond, dans le premier scénario,
à la différence entre la dépense moyenne régionale et la dépense moyenne nationale par personne et à
l’ensemble des populations pauvres dans le second. S’agissant des subventions de scolarité, l’estimation
de l’enveloppe des subventions a été faite sur la base de l’hypothèse de reconduction du projet d’un
million de cartables durant la durée totale de la mise à niveau.
1.4 Les hypothèses de base
Les principales hypothèses ayant permis la quantification de l’enveloppe totale peuvent être déclinées
comme suit :
• il s’agit d’une démarche axée sur l’offre et non sur la demande ;
• les projections de la population du Recensement Général de la Population et de l’Habitat
de 2004 ont été introduites ;
• le milieu géographique (urbain, rural) de chaque région est pris en compte ;
• les calculs retiennent la généralisation de l’enseignement avec la prise en compte des
objectifs d’achèvement telle que préconisée par la Charte Nationale de l’Éducation et
planifiée dans le cadre du programme Najah ;
• la pleine utilisation des capacités des établissements scolaires et sanitaires ;
• les coûts de fonctionnement relatifs à la santé et à l’éducation sont estimés
respectivement à partir du coût moyen unitaire d’un lit hospitalier et d’un élève
scolarisé pour chaque cycle d’enseignement à partir des données des Départements
Ministériels concernés ;
• l’éradication de l’habitat insalubre concerne les bidonvilles, l’habitat non réglementaire,
et les logements menaçant ruines ;

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• les coûts retenus pour la généralisation de l’accès à l’eau potable et l’éradication de
l’habitat insalubre sont ceux des Départements Ministériels et Etablissements Publics
concernés ;
• les coûts totaux de construction des établissements sanitaires, des établissements
scolaires et des infrastructures routières sont estimés à partir des coûts unitaires;
• un délai raisonnable de deux mandatures est retenu pour la mise à niveau régionale ;
• les calculs ont été établis sur la base du découpage actuel. Toutefois, la méthodologie
d’approche reste valable dans le cas de l’adoption d’un nouveau découpage.
1.5 La quantification de l’enveloppe nécessaire pour la mise à niveau régionale
Le tableau suivant présente l’estimation de l’enveloppe totale en milliards de DH pour les deux scénarios
(la somme des enveloppes sectorielles destinées à chaque région plus les subventions de santé et de
scolarité). Cette enveloppe constitue une quantification en brut n’ayant pas pris en considération une
série de programmes sectoriels en cours d’exécution par les Départements Ministériels et les
Etablissements Publics concernés. Cependant, il convient, pour une évaluation nette, de tenir compte de
ces programmes qui recoupent dans une large mesure avec les objectifs assignés par la mise à niveau
régionale.
Secteur Scénario 1 Scénario 2
Santé 26 783 51 689
Education 21 177 30 403
Infrastructures routières 12 500 41 368
Généralisation de l’accès à l’eau potable 11 113 11 113
Généralisation de l’accès à l’électricité 9 515 9 515
Eradication de l’habitat insalubre 38 398 43 918
Subvention de santé et de scolarité 8 345 26 517
Total 127.8 MMDH 214.5 MMDH
1.6 Les avantages et limites de l’approche
L’approche retenue présente un certain nombre d’avantages, dont essentiellement :
• elle permet une correction des déséquilibres et un ajustement des capacités d’accueil des
régions à travers le ciblage clair des secteurs prioritaires (éducation, santé, infrastructures et
services sociaux de base) ;

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 109

• elle donne un contenu concret à la mise à niveau régionale à travers une évaluation cohérente
et claire des déficits existants ;
• elle relie étroitement le ciblage des secteurs à l’IDH ;
• elle établit des critères de référence simples ;
• elle identifie clairement les priorités ;
• elle offre la possibilité de décliner les actions par objectif (contractualisation et partenariat) ;
• elle rend possible le rattrapage graduel du retard grâce à un processus continu de convergence.
Cependant, cette approche fondée sur l’offre présente quelques limites dont principalement :
• la non prise en considération de manière intégrale des disparités infrarégionales dans
l’évaluation des besoins ;
• la non intégration des volets maintenance, renouvellement des équipements et leurs
amortissements ;
• la non prise en compte des budgets affectés aux programmes sectoriels initiés ou en cours
d’exécution ;
• les subventions aux populations supposent la stabilité des conditions de vie des ménages pour la
décennie en cours.
1.7 Les aspects opérationnels de la mise en oeuvre
La CCR propose la mise en place d’un Fonds de mise à niveau sociale ; les critères de répartition et les
modalités d’éligibilité feront, ultérieurement, l’objet d’un examen approfondi par les structures
compétentes et qualifiées. De même, la CCR, en raison du caractère prioritaire inhérent particulièrement
à cette mise à niveau, recommande que l’Etat inscrive les ressources nécessaires annuellement à ce
fonds de manière à les mettre à l’abri des fluctuations conjoncturelles pouvant affecter les finances
publiques.
Enfin, concernant les modalités de la mise en oeuvre et de conduite du projet, elles seront cadrées dans
le modèle général de régionalisation avancée qui sera adopté et qui impliquera autant les instances
élues que les services déconcentrés.
La démarche proposée, qui est fondée sur le ciblage prioritaire mais non exclusif des secteurs qui
concourent directement ou indirectement à la mise à niveau sociale et au développement régional,
intègre parfaitement les engagements internationaux liés à la réalisation de certains OMD et converge
dans ses objectifs avec les finalités qui fondent l’INDH.
Plus qu’une finalité de classement, c’est un projet qui traduit le choix politique fort d’un modèle de
développement territorialisé qui incorpore la dimension réduction des disparités tout en répondant au
défi du développement humain du pays.
2. Les ressources : des ressources conséquentes pour une régionalisation avancée
L’Initiative Royale de régionalisation avancée initie une nouvelle vision du rôle des CL en général et des
régions en particulier en matière de développement économique et social. Une telle mission nécessite
en conséquence de doter les régions des ressources et moyens suffisants à même d’assurer un standard

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 110

qualitatif dans l’offre des services publics, d’accroître les potentialités économiques propres et
d’accompagner l’ensemble des autres acteurs susceptibles de contribuer au développement régional.
2.1 Rappel des conclusions du bilan‐diagnostic
Le chemin parcouru au cours des trois dernières décennies montre que les CL ont certes contribué à la
dynamique du développement économique régional ; néanmoins leur rôle demeure faible comparé aux
autres acteurs. Cette contribution relativement limitée interroge surtout l’optimisation des ressources et
des emplois des CL.
L’analyse des recettes des CL révèle l’existence de trois sources principales : les ressources propres, les
ressources transférées et les ressources émanant de l’emprunt. Les ressources propres des CL
contribuent pour 30% des recettes hors excédent en 2009, et se composent de la fiscalité locale, de la
parafiscalité et de l’exploitation des produits du domaine. Les recettes transférées aux CL, représentent
51% des recettes hors excédent, il s’agit de la part revenant aux CL dans le produit de l’IS, l’IR (1%), du
produit de la TVA (30%), des taxes sur les contrats d’assurance ainsi que des fonds de concours. Les
fonds d’emprunt sont évalués à 6% des ressources hors excédent en 2009, ceux‐ci proviennent
principalement de prêts contractés auprès du FEC.
En 2009, l’ensemble de ces recettes a atteint 31,67 milliards de DH, soit 16,6% des recettes de l’Etat et
4,3% de la richesse nationale. Au regard d’un benchmark international, les ressources locales hors
emprunt au Maroc seraient comptées parmi les plus faibles. De même, la part revenant à chaque niveau
de décentralisation demeure contrastée. Au titre de l’année 2009, une fraction évaluée à 49% du total
des recettes va aux communes urbaines contre 25% pour les communes rurales, 19% pour les provinces
et préfectures et 7% seulement pour les régions, soit 0,7% des recettes globales de l’Etat.
Un examen plus détaillé des ressources de ces dernières permet de faire les constats suivants :
• Les recettes de fonctionnement qui globalisent 1.2 milliard de DH, proviennent pour 54% des
ressources transférées, soit 660 millions de DH en 2009 (5% des montants transférés à
l’ensemble des CL). Les recettes propres pour leur part atteignent 40% des recettes de
fonctionnement en 2009.
• Les recettes d’équipement qui s’élèvent à 2.4 milliards de DH sont imputables à 88% aux
excédents dégagés lors des exercices antérieurs, soit 2.1 milliards de DH en 2009.
• Les dépenses engagées par les régions ne représentent que 5% des emplois des CL. En matière
d’investissement, elles s’établissent à 10% des dépenses d’investissement des CL et se
caractérisent par une faible composante économique et sociale (18% des dépenses
d’investissements des régions).
Tout concourt à montrer que la situation actuelle des régions, en matière de ressources, notoirement
limitées, est en totale inadéquation avec l’objectif que leur assigne le projet de régionalisation avancée
et appelle donc à un réexamen profond en vue de les doter de moyens adéquats et suffisants.
2.2 L’identification des besoins
Les besoins des régions sont liés d’une part aux compétences qui leur seront transférées par l’Etat et
d’autre part à leurs missions propres notamment pour ce qui a trait à l’emploi, à l’animation, à la
promotion de territoires, à la formation professionnelle et au soutien du secteur privé, en particulier les
CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 111
PME et TPE (foncier, zones industrielles, plateformes logistiques, transport, etc.). En effet, agissant en
tant qu’acteurs de développement, intégrateurs, coordonateurs et animateurs, les régions jouiront
d’une prééminence dans le cadre de leurs missions vis‐à‐vis des autres CL, de même qu’elles seront
nécessairement amenées à jouer le rôle d’interface entre l’Etat et les collectivités infrarégionales pour
une meilleure définition des besoins et une utilisation plus optimale des ressources.
Ainsi,
• En ce qui concerne les compétences qui seront transférées, l’Etat doit les accompagner par
l’allocation des ressources y afférentes. Un tel principe doit être inscrit dans la loi et une
commission ad hoc évaluerait le contenu précis des compétences, le niveau des charges et le
volume des ressources ;
• En ce qui concerne leurs missions propres, et au regard des besoins, la commission a abouti à la
nécessité d’une réforme en profondeur des finances locales (FL).
2.3 Les impératifs de la réforme des finances locales
Les dispositifs régissant les finances des CL ont connu des améliorations successives depuis 1976. La
dernière réforme en date (2009) a constitué un saut qualitatif indéniable mais qui, dans l’ensemble, n’a
porté que sur des amendements essentiellement techniques.
Afin d’intégrer les besoins engendrés par la mise en oeuvre de la régionalisation avancée et de mettre en
cohérence les dispositions de la nouvelle loi organique des finances de l’Etat (LOF) avec celles des
finances locales, une réforme globale de celle‐ci s’avère nécessaire et doit prendre, notamment, en
considération les aspects suivants :
• l’accroissement des ressources pour le financement des nouvelles missions des régions en
matière de développement économique et social, notamment en matière de fiscalité locale et
de la parafiscalité ;
• la définition des mesures applicables aux transferts ainsi qu’aux dotations de TVA, de solidarité
et le cas échéant de péréquation ;
• la simplification des procédures budgétaires applicables aux différents démembrements
territoriaux ;
• l’instauration des règles et principes régissant la contractualisation en vue de favoriser la
synergie des interventions publiques au niveau local et par la même occasion optimiser
l’utilisation des deniers publics.
En attendant la finalisation de ces deux projets (Réformes FL et LOF), la Commission propose dans une
phase transitoire de doter les régions de ressources propres et conséquentes qui leur permettront
d’entamer la mise en oeuvre de la régionalisation avancée dans les meilleurs délais possibles.
2.4 La mobilisation accrue des ressources
En matière de mobilisation des ressources, la Commission recommande en premier lieu de ne pas
aggraver la pression fiscale actuelle, mais de procéder à une redistribution des ressources entre l’Etat et
les régions.
En effet, la pression fiscale actuelle au Maroc est de 26% (hors prélèvements sociaux). Un niveau que
l’Etat compte atténuer à travers notamment la réduction des taux marginaux d’imposition, plus

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particulièrement en ce qui concerne l’IR et l’IS (voire également celui de la TVA), tout en élargissant
l’assiette fiscale et en éliminant les dérogations.
En second lieu, la Commission recommande de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais possibles les
mesures suivantes :
• relever la part des régions au titre de l’IR et l’IS de 1% à un minimum de 5% (3.3 MMDH) ;
• partager à parts égales, entre l’Etat et les régions, les droits d’enregistrement et la taxe spéciale
annuelle sur les véhicules automobiles (TSAVA) (3.25 MMDH) ;
• faire bénéficier les régions de manière permanente d’une partie du produit de la TVA qui serait
affectée exclusivement à des programmes d’investissement ;
• relever la part des régions dans la taxe sur les contrats d’assurance de 13% à 25% (160 MDH) ;
• élargir au profit des régions le champ de la fiscalité locale et de la parafiscalité (aéroports,
autoroutes, les écotaxes, rémunération de services rendus,…).
Ces recommandations permettront de faire passer les ressources annuelles totales des régions d’un
niveau actuel de 1.5 MMDH à un minimum de l’ordre de 8 MMDH (base 2009).
Ce renforcement des ressources des régions implique nécessairement une capacité future d’emprunt
plus conséquente. Partant du fait que les projets bancables des régions (sécrétant leurs propres cashflow)
peuvent être financés par le secteur bancaire, d’autant plus que l’emprunt ne représente
actuellement que 5% des ressources globales hors excédent, la Commission recommande d’élargir les
capacités du Fonds d’équipement communal (FEC) et de l’amener à concourir, sur certaines opérations,
avec le secteur bancaire.
L’option de recours par les régions au marché obligataire intérieur, et plus tard extérieur, peut être
envisagée à condition toutefois que celles‐ci se préparent à l’introduction de notations pour leurs
émissions, au même titre que l’Etat.
La Commission suggère enfin la mise en place de Fonds d’investissement, mixtes et/ou privés, qui
pourraient contribuer également aux programmes de développement régionaux.
2.5 La valorisation du potentiel existant
En matière de valorisation du potentiel existant, la Commission émet les recommandations suivantes:
• Au niveau du recouvrement : les efforts de recouvrement et de mise à jour des éléments
d’identification des contribuables sont d’autant plus urgents qu’un potentiel fiscal conséquent
semble exister, comme en témoigne l’étude sur le potentiel fiscal de la région de Casablanca
citée dans la première partie du rapport. A cet effet, la mise en place d’un cadre partenarial
entre les CL et l’Etat, en particulier par la gestion de l’assiette par la DGI et le recouvrement par
la TGR, pourrait s’avérer un moyen efficace pour introduire plus d’objectivité et maximiser le
rendement de la fiscalité locale. La gestion de ces services par l’Etat pour le compte des régions
devrait faire l’objet d’une rémunération juste et équitable. Dans cette optique, certaines
simplifications peuvent être introduites au niveau des procédures, en attendant la mise en
oeuvre de la réforme des finances locales.
• Au niveau de la base imposable : dans l’objectif d’améliorer les revenus issus de la fiscalité
locale, la base imposable doit être régulièrement réévaluée. De même et en vue de dépasser
l’étroitesse de la matière imposable, il est opportun de procéder à sa diversification.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 113

• Au niveau de l’harmonisation de la fiscalité locale avec la fiscalité nationale : elle permettra, à
l’instar du rapport annuel sur les dépenses fiscales produit par l’Etat, d’évaluer l’ensemble des
dérogations fiscales locales en vue d’en mesurer l’impact sur les budgets des CL. Cette
évaluation constitue un instrument de réorientation de la politique de promotion des activités
économiques, d’élargissement de l’assiette fiscale et, in fine, d’amélioration des ressources.
• Au niveau des recettes domaniales : une modernisation du cadre juridique est nécessaire afin de
permettre la mise en oeuvre d’une comptabilité rigoureuse à même de rendre compte
régulièrement de la valeur effective du patrimoine. A cet effet, le recensement exhaustif du
patrimoine foncier s’avère essentiel. Au‐delà de son importance sur le plan des recettes, l’assise
foncière des régions est également primordiale en ce qui concerne la mobilisation de l’offre
foncière.
Par ailleurs, les régions devraient avoir la possibilité de gérer activement leurs trésoreries en vue de
disposer de ressources additionnelles.
2.6 Le renforcement des ressources humaines
Le renforcement des ressources des régions implique indéniablement un renforcement de
l’encadrement au niveau régional. Ce problème se pose avec d’autant plus d’acuité que les régions
seront appelées à gérer des ressources importantes ainsi qu’à concevoir, mettre en oeuvre et suivre
leurs projets de développement. La Commission recommande en conséquence de mettre en place des
conditions susceptibles de rendre plus attractive la fonction publique locale (harmonisation des
conditions de travail, systèmes de rémunération et de notation, formation continue, recrutements sous
contrats, etc.), ainsi que d’introduire un cadre moderne de gestion des ressources humaines prenant en
compte la productivité et la performance.
3. La péréquation et les transferts de ressources : l’exigence d’une solidarité territoriale
3.1 Les orientations et principes directeurs
Le renforcement de la régionalisation génère naturellement un besoin accru de solidarité territoriale. En
effet, au Maroc comme dans de nombreux pays, la concentration des lieux de production de la richesse
est telle que les régions ne seront pas toutes en mesure de couvrir leurs besoins de dépenses par leurs
ressources propres. A cette disparité des revenus, s’ajoute la grande diversité géographique qui
implique, pour certaines régions, des coûts de fourniture des services publics plus élevés. Il s’agit
notamment des régions montagneuses où le désenclavement des populations est généralement très
onéreux et des régions désertiques ou semi‐désertiques où la répartition de la population est fortement
dispersée.
Pour répondre à cet impératif de solidarité territoriale, les solutions mises en place dans les différents
pays sont le résultat d’un long cheminement propre, reposant, en règle générale sur le transfert d’une
partie des ressources de l’Etat central vers les niveaux infranationaux. C’est ce qui explique la croissance
des ressources transférées de l’Etat vers les collectivités locales dans les pays marqués par une
décentralisation avancée. C’est ainsi qu’ils représentent 60% des ressources des CL dans les économies
émergentes, et 30% dans les pays de l’OCDE.
Le succès de la régionalisation repose aussi sur une réforme du système de transfert des ressources. Or,
la conception d’un mécanisme de transferts budgétaires entre administrations est l’une des tâches les

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 114

plus épineuses qui soient dans le domaine des finances publiques. La manière dont un mécanisme est
conçu repose souvent sur un ensemble complexe de variables où participent à la fois des choix
politiques, des principes économiques et des raisons historiques. Elle reste ainsi difficilement
transposable d’un pays à l’autre.
Le projet de régionalisation avancée conformément aux orientations du discours de Sa Majesté
Le Roi du 3 janvier 2010, implique la mise en place d’un système de solidarité qui dépasse
largement le cadre étroit et parfois étriqué de la péréquation laquelle renvoie généralement à
la convergence des ressources et/ou charges financières des régions les plus pauvres vers la
moyenne nationale. Or, comme le Maroc se caractérise par une grande concentration
géographique de la richesse et par des contrastes notoires dans sa composition
géographique, la moyenne nationale peut se situer à un niveau tel qu’elle n’assure pas le strict
minimum des prestations sociales aux populations car en pratique et à titre d’exemple, la
définition de normes de dépenses des principaux services fournies par les CL est génératrice de
déséquilibre du fait que le coût d’une dépense n’est pas le même pour toutes les CL surtout
celles qui sont localisées dans des espaces aux conditions géographiques très contraignantes.
Dans une logique de gradualité, la CCR considère qu’il est tout indiqué de chercher d’abord à
hisser les régions les plus pauvres à un niveau de vie minimum avant d’adopter une logique de
convergence des ressources. C’est pour cette raison qu’elle a proposé la mise en place du fonds
de mise à niveau qui permettra de par sa conception d’élever les indicateurs des régions
retardataires dans des domaines qui relèvent des droits fondamentaux des citoyens
notamment la santé et l’éducation. De même, elle estime prématuré de mettre en place des
mécanismes de péréquation horizontale en raison des limites structurelles prévalant
actuellement et qu’elle porte son choix sur la mise en place d’un fonds de mise à niveau sociale
qui a été décrit ci‐dessus.
En parallèle, elle propose la mise en place de deux autres mécanismes susceptibles de renforcer la
solidarité régionale. D’abord, une révision des modalités de répartition des transferts dans l’objectif de
renforcer leur pouvoir péréquatif et ensuite l’instauration d’un fonds de solidarité pour les régions qui
enregistrent les retards les plus importants.
3.2 Rappel du bilan de l’évaluation du système de transfert des ressources aux régions
Le système de transfert au Maroc est un système vertical qui permet de transférer des ressources
financières de l’Etat aux régions, en vue de combler le gap entre les ressources dont elles disposent et le
coût inhérent aux attributions qui leur sont dévolues. Le système actuel se caractérise par :
• des ressources relativement limitées. En effet, les régions ne bénéficient que de 5% du volume
des ressources transférées à l’ensemble des CL ;
• la volatilité des ressources transférées liée aux fluctuations des fonds disponibles pour le
transfert ;
• l’effet péréquatif limité du système de transfert actuel se traduit, d’une part, par un rapport
entre le transfert le plus élevé et le moins élevé s’élevant à 18, et par une faible corrélation
entre les ressources transférées par habitant et l’IDH, d’autre part. Aussi, les transferts aux
régions ne semblent pas contribuer pleinement à la réduction des disparités territoriales en
matière de ressources financières, comme le montre l’examen du coefficient de variation des
ressources transférées par habitant en 2009 qui passe de 0,5 à 1,1 après les transferts.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 115

Quelle marge de manoeuvre offre le système de répartition pour un nouvel ajustement ? Quelle clé de
répartition serait appropriée ? Quel mode et modalité d’éligibilité à retenir ? Sur toutes ces questions, la
CCR a manqué de visibilité, de connaissance en données et d’outils de mesure adéquats qu’exige ce
travail. A lui seul, ce champ assez sensible exigerait la conduite d’un état des lieux précis mesurant avec
objectivité à la fois les inégalités des ressources et des charges. Pour ce faire, il est non seulement
essentiel de connaître les nouvelles attributions dont seront dotées les régions, mais d’être en mesure
d’évaluer les coûts inhérents à ces attributions et l’ampleur des ressources additionnelles.
C’est pour cette raison que la CCR s’est limitée dans ses recommandations aux principes et
objectifs à observer pour cette révision.
3.3 Les voies de progrès
De ces premiers constats se dégagent les principales pistes de réformes à mettre en place lors de la
révision des mécanismes de transfert des ressources et qui doivent permettre d’atteindre les
objectifs suivants :
Renforcer les effets péréquatifs des transferts : la CCR préconise une révision des critères de répartition
actuels pour intégrer des modalités plus péréquatives. Il s’agit d’ajouter aux critères actuels que sont le
critère forfaitaire, le critère de la population et celui de la superficie des critères susceptibles de réduire
les disparités observées, tels que le critère du potentiel fiscal, à l’instar des mécanismes de répartition
appliqués aux autres CL. D’autres critères peuvent être suggérés sur la base de leurs corrélations avec les
coûts des attributions des régions. Cependant, il s’avère généralement difficile de procéder à cet
exercice pour certaines fonctions telles que l’animation économique des territoires ou pour les fonctions
mutuellement exercées par l’Etat et la région. Comme signalé auparavant, ce choix ne peut être effectué
que sur la base d’études empiriques approfondies confiées à une commission technique.
Toutefois, la CCR insiste sur la nécessité de la mise en place ultérieurement d’un fonds de péréquation
dès que les présrequis nécessaires seront remplis.
Utilisation des transferts basés sur les résultats : par ailleurs, la CCR recommande l’utilisation de
transferts basés sur les résultats, pour en accroître l’efficience car à partir du moment où les ressources
additionnelles dont bénéficieront les régions seront retirées à l’Etat, l’efficience n’est de mise que si les
retombées de ces transferts sont supérieures ou égales à ce qui était obtenu par l’Etat. En effet, les
expériences internationales ont prouvé l’efficacité de ce mécanisme et notamment dans les pays en
développement. Ce type de transferts incite à améliorer la performance du fait qu’il subordonne l’accès
aux financements et leur taille aux résultats obtenus par les régions.
Dans la même optique, il s’agit de remplacer le contrôle rigoureux ex ante par des incitations fortes axées
sur la performance, couplées avec un suivi et une évaluation ex post. Les critères de performances
pourraient porter par exemple sur des indicateurs simples tels que le nombre de salles de classes ou de
lit d’hôpitaux à réaliser ou plus complexes relatifs à la présentation de rapports d’audit sans réserve, la
soumission de plans de développement, la transparence et l’accès sans restriction des administrés à la
préparation de la planification et de l’établissement du budget, etc.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 116

Mise en place d’un Fonds de Solidarité Régionale : le contexte actuel du Maroc fait que certaines
régions continueront à faire face à des charges dont le coût dépasse de loin la moyenne nationale. Tel
est le cas notamment des régions pauvres, enclavées (montagneuses, arides ou semi‐arides) et/ou à
caractère spécifique (géostratégique par exemple) dans lesquelles la mise en place de services et
infrastructures de base nécessite des ressources dépassant généralement les moyens mis à leur
disposition. Dans ces conditions, la CCR juge impératif la mise en place d’un fonds de solidarité à même
de soutenir ces régions et assurer une dignité et une équité territoriale à l’ensemble des citoyens quel
que soit leur lieu de résidence.
Cet objectif de solidarité, devra être conçu essentiellement au profit des régions les plus défavorisées, et
privilégiant l’offre de services et d’infrastructures à caractère économique dont la rentabilité à court
terme pouvant être faible. Ce mécanisme permettra ainsi de renforcer les potentialités économiques
des territoires dans le respect des choix locaux pour la valorisation des richesses naturelles, culturelles et
historiques qui leur sont propres.
Par ailleurs, la CCR estime que le fonds de solidarité devrait naturellement se fonder sur un concours
vertical de l’Etat vers les régions concernées : toutefois, elle propose, dans une première étape, qu’un
prélèvement de 10% sur les ressources additionnelles allouées aux régions, puisse constituer ainsi une
dotation de départ. De même, la CCR propose que la définition des modalités et des critères qui doivent
présider à la répartition de ces fonds soient définis par une commission ad hoc.
Toutefois pour éviter que ce mécanisme ne puisse revêtir un caractère caritatif ou d’assistanat pérenne,
la CRR insiste sur la mise en place d’un système à caractère évolutif et dynamique, pour que ses
modalités d’allocation s’ajustent continuellement à l’évolution temporelle des disparités régionales.
En définitive, l’approfondissement du processus de régionalisation au Maroc inciterait à la redéfinition
d’un système de transfert de ressources « maroco‐marocain » s’articulant autour de la mise à niveau
sociale et de la solidarité territoriale, dans le respect des spécificités régionales.
4. Les mesures d’accompagnement
4.1 La contractualisation : un mécanisme de gouvernance publique
Au Maroc, les pratiques contractuelles ou conventionnelles existent sous des formes variées sollicitant à
la fois des partenaires publics et privés. Elles revêtent des formes allant des contrats programmes
sectoriels à des contrats entre l’Etat et les collectivités locales ou les entreprises publiques, aux
mécanismes de financement conventionnel d’organismes non gouvernementaux, ou encore à des
contrats de ville engageant à la fois l’Etat, les collectivités locales et le secteur privé.
L’analyse de ces expériences montre qu’en règle générale, elles ne reposent pas toujours sur un cadre
institutionnel précis, ne déclinent pas une politique clairement formulée avec des objectifs mesurables
qui font l’objet d’un suivi et d’une évaluation et elles n’assurent pas la participation réelle de tous les
intervenants.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 117

Dans le cadre de la régionalisation avancée, la répartition des missions entre l’Etat et les collectivités
locales appelle à une plus grande synergie dans la mise en oeuvre des politiques publiques, à plus de
convergence dans les actions des différents intervenants et à davantage de mutualisation des forces et
des moyens au service d’une action plus efficiente.
Dans cette optique, la commission affirme que la contractualisation constitue un outil moderne de
définition des règles de « vie en commun » entre les partenaires, de responsabilisation des acteurs aussi
bien les élus, les représentants de l’Etat que les services déconcentrés, d’amélioration de la gestion
publique et de simplification des procédures. Ainsi, la contractualisation répond à la fois à l’objectif de
l’efficacité et de la crédibilité des actions publiques.
La commission considère que la modernisation de l’action publique dans le cadre de la régionalisation
avancée favorise le couplage de la notion de contrat avec la décentralisation permettant ainsi
l’apparition de nouveaux réseaux et de nouveaux acteurs publics.
4.1.1 La contractualisation : la région acteur majeur dans le processus
La commission considère que les régions vont devoir constituer le principal espace d’articulation des
politiques publiques, dans leur déclinaison régionale. Ainsi, la relation contractuelle Etat‐Région devrait
s’insérer dans un mécanisme permettant à la région de se placer comme un vis‐à‐vis incontournable
pour encadrer les actions structurantes auxquelles les provinces et les communes sont appelées à
s’associer. Il échoira donc à la région la compétence en matière de contractualisation vis‐à‐vis de l’Etat
d’une part et vis‐à‐vis des autres niveaux de CL d’autre part. La région serait ainsi le lieu de coordination,
de conception et de finalisation des propositions communes à caractère économique, social et culturel
avant leur soumission à l’Etat.
De la même manière, les régions peuvent mettre en oeuvre des politiques de contractualisation avec des
entreprises publiques, notamment celles qui mènent des programmes nationaux à vocation territoriale
(PERG, PAGER, PNRR, PACTE, VSB…) ou les Départements Ministériels ayant finalisé des programmes
sectoriels.
Dans cette perspective, il serait nécessaire que les régions élaborent, en concertation avec les autres
niveaux infrarégionaux, des stratégies de développement propres à leurs territoires qui donneraient un
contenu valable aux politiques de contractualisation.
4.1.2 La contractualisation : prérequis et champs d’application
L’efficience de cette démarche contractuelle appelle deux prérequis : l’affirmation d’un représentant
unique de l’Etat au niveau local et une politique de déconcentration élargie en vue d’assurer la
cohérence et l’unité de l’action publique. Le représentant de l’Etat devrait garder ainsi un rôle
d’animation, d’appui, de suivi et d’accompagnement.
De même, la CCR considère que cette démarche contractuelle doit :
• porter par priorité sur les domaines clés pour éviter la dispersion des efforts et des moyens ;
• être explicite sur les objectifs de l’accord, sur le calendrier opérationnel et les conditions de
financement des opérations programmées ;
• décliner de façon aussi précise et chiffrée que possible des engagements des parties prenantes
pour permettre le reporting, le suivi et l’évaluation adéquats.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 118

4.1.3 Le dispositif de suivi et d’évaluation
Dans le cadre de cette démarche contractuelle, la CCR recommande que le processus de suivi et
évaluation soit confié à une instance nationale indépendante du pouvoir politique pour lui permettre
d’exercer ses missions avec toute l’objectivité et la neutralité requises. Cette instance est tenue de
produire un rapport annuel d’évaluation à soumettre aux institutions nationales concernées.
Par ailleurs, la CCR recommande que les comptes des régions fassent l’objet de certification par des
auditeurs externes indépendants. Ce dispositif implique une série de prérequis :
• la prédétermination des critères et des standards à appliquer : on doit fixer des critères objectifs
et aisément vérifiables afin d’éviter toute forme d’évaluation subjective ;
• la supervision ne doit pas prendre la forme d’un contrôle d’opportunité de l’action des
collectivités régionales ou locales.
4.2 Le renforcement de la place du secteur privé
Malgré l’amélioration significative de l’environnement de l’entreprenariat au Maroc, des contraintes de
nature à entraver le développement du secteur privé subsistent encore. En effet, l’accès au foncier, la
concurrence déloyale du secteur informel, l’accès au financement, la formation et la qualification des
employés, le système judiciaire ainsi que la corruption représentent de sérieuses entraves à
l’environnement des affaires.
Convaincue du rôle du secteur privé en tant qu’acteur majeur dans les processus de développement
économique et social et par la nécessité de promouvoir un secteur moderne, compétitif et performant,
la CCR préconise les mesures suivantes :
La problématique du foncier
• l’accélération du programme gouvernemental de réhabilitation prioritaire des zones
d’activités économiques et de mise à disposition de l’offre foncière;
• l’engagement d’une réflexion approfondie autour de la complexité du statut actuel du
foncier et la définition d’une politique foncière nationale;
• l’adoption par les CL des démarches suivies au niveau de l’Etat en matière de gestion de
patrimoine ;
• la mise à disposition et l’actualisation des bases de données relatives au foncier.
La formation professionnelle
• l’implication accrue des régions et du secteur privé dans le développement du dispositif
de formation à travers des partenariats avec l’OFPPT;
• l’adaptation des formations aux spécificités et aux besoins locaux ;
• le renforcement et la crédibilisation de l’offre de formation privée à travers la
consolidation de la concurrence entre les prestataires, l’amélioration de la qualité des
formations et la mise en place d’un système d’accréditation.
Le système judiciaire
• la réduction de la durée d’exécution des procédures;
• une meilleure qualification et spécialisation des tribunaux de commerce;
• l’instauration des centres régionaux de médiation et d’arbitrage ;
• la modernisation du système de diffusion et de communication.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 119

Le partenariat stratégique régional public‐privé
Corrélativement à leur mission en matière de définition des stratégies régionales et d’impulsion de la
dynamique du développement territorial, les régions devront jouer le rôle d’appui direct au secteur
privé, d’analyse et de veille économique, et d’animation d’un espace de concertation entre les
représentants des autorités publiques, du secteur privé et de la société civile. A cet effet, les régions
doivent être dotées d’instances de concertation non seulement pour réaliser et partager les diagnostics
des territoires qui constitueront les bases des Partenariats Public‐Privé efficaces, mais aussi pour
favoriser l’émergence et l’intégration de réseaux et de groupes d’entreprises, en encourageant toutes les
formes d’échanges d’informations, d’adoption de normes collectives, ou de programmes communs, ainsi
qu’en facilitant l’acquisition et la diffusion des connaissances.
4.3 Le système d’information statistique
Le Système National d’Information Statistique (SNIS) qui assure aujourd’hui au niveau central la
production, l’analyse, le traitement et la diffusion des principales statistiques publiques tant au niveau
agrégé (système de comptabilité nationale, statistiques nationales) que désagrégé (statistiques
régionales), est appelé à se mettre à niveau afin de contribuer de manière efficiente à la mise en oeuvre
de la régionalisation élargie.
4.3.1 Le SNIS régionalisé : un système encore à ses débuts
Concomitamment aux avancées importantes dans le domaine de la production de l’information
statistique et des comptes nationaux selon les standards internationaux, plusieurs opérations
statistiques d’envergure nationale intégrant la dimension régionale et parfois locale ont été réalisées par
le Haut Commissariat au Plan (HCP) au cours des dernières années.
Plus récemment, le HCP a entrepris une stratégie de développement statistique visant la mise en place
d’un dispositif de confection des comptes régionaux conformément aux principes du système de
comptabilité nationale en vigueur (SCN 1993, SCN 2008 dans l’avenir). Les résultats de la première étape
de ce travail relatif aux comptes nationaux (base 1998) des deux années 2004 et 2007 ont été élaborés
et diffusés en 2010 et ont porté, particulièrement, sur le Produit Intérieur Brut Régional ventilé par
secteurs d’activités (l’activité économique a été divisée en 13 branches), et sur les dépenses de
consommation finale régionale des ménages. Dans une deuxième étape, les travaux sont en cours au
HCP afin de compléter les diverses composantes des comptes régionaux conformément aux exigences
de la comptabilité nationale.
4.3.2 L’instauration d’un système régional d’information statistique
La situation de la statistique régionale reste cependant marquée en grande partie par des insuffisances
qui affectent la qualité des informations, leur disponibilité et leur exhaustivité. Face à un tel constat, la
CCR recommande la mise en oeuvre d’actions de court et moyen termes.
Actions de court terme :
• instituer une programmation pluriannuelle des opérations statistiques, dans la perspective de
changer l’année de base des comptes nationaux et des indices statistiques tous les cinq ans au
lieu de dix ans ;
• élargir les échantillons de certaines enquêtes pour assurer la représentativité des données au
niveau spatial et disposer d’informations nécessaires à l’établissement des comptes régionaux ;

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 120

• mettre en place un répertoire d’entreprises et de leurs établissements ainsi qu’un identifiant
unique en activant l’adoption et la mise en oeuvre des textes législatifs déjà élaborés par le HCP ;
• veiller au renforcement des effectifs qualitativement et quantitativement aux niveaux central et
régional.
Actions de moyen terme :
Ces actions viseraient l’amélioration des sources statistiques administratives (en introduisant les
dimensions régionale et territoriale), ainsi que l’institution de l’obligation d’accessibilité à de telles
données (statistiques fiscales, comptes d’entreprises, comptes publics,…).
Un tel chantier met en évidence la nécessité d’élaboration d’une nouvelle réglementation statistique et
de mise en place d’un nouvel organe de coordination statistique (projet déjà entamé) par la création du
Conseil National de l’Information Statistique (CNIS).
4.4 La loi organique des finances
Le projet de réforme de la loi organique des finances (LOF) n’a pas manqué de prendre en compte les
impératifs du projet de régionalisation avancée. A cet effet, les principes retenus visent :
• une meilleure lisibilité de l’information sur la répartition territoriale des crédits alloués à chaque
programme : ressortir les efforts budgétaires consentis pour chacune des régions ;
• une présentation budgétaire adéquate pour favoriser la contractualisation et le partenariat avec
les acteurs locaux et renforcer la déconcentration administrative au service du développement
local ;
• une déclinaison des objectifs et des indicateurs de performance au niveau régional.
La mise en oeuvre de ces principes se fera à travers les instruments suivants :
• l’automatisation de la délégation des crédits aux services déconcentrés à partir de l’introduction
de la dimension régionale des crédits ;
• l’octroi d’une plus grande marge de manoeuvre aux gestionnaires dans le redéploiement des
crédits au sein d’un même projet/action, entre projets/actions d’un même programme et d’une
même région, ainsi qu’entre régions d’un même programme ;
• la contractualisation des rapports entre services centraux et déconcentrés par la définition de la
chaîne des responsabilités en explicitant les objectifs opérationnels et les résultats attendus des
interventions.
Les voies empruntées par ce projet de LOF visent davantage à impulser une nouvelle dynamique à la
politique de déconcentration de l’Etat.
Dans le cadre de la régionalisation avancée, la CCR considère que la LOF doit mettre en place les
instruments de la nouvelle gouvernance financière territoriale, à travers :
• l’intégration des principes de partage des ressources fiscales entre l’Etat et ses démembrements
territoriaux et de transfert des ressources parallèlement au transfert d’attributions ;
• l’institution du principe de solidarité et de péréquation financière;
• l’introduction des bases de l’évaluation des politiques de soutien de l’Etat aux structures
régionales et infrarégionales (contractualisation) ;

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 121

• l’intégration des dispositions relatives aux procédures budgétaires régissant les relations
financières entre l’Etat et les régions ;
• la mise en place de la programmation pluriannuelle d’investissement selon les objectifs
stratégiques régionaux.
En parallèle, la cohérence de l’action publique exige l’adaptation du cadre régissant les finances des
régions avec les nouvelles dispositions de la LOF. Ainsi et à titre d’exemple, la programmation
pluriannuelle doit se faire dans des Cadres de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) régionaux, élaborés par
chaque région, et dans un CDMT global consolidant l’ensemble des besoins exprimés avec une mise en
cohérence des possibilités de financement.
De même et pour les besoins du suivi et de l’évaluation, chaque région devrait produire un rapport
régional de performance, consolidé dans un rapport annuel de performance des régions qui doit être
soumis au Parlement avec le projet de loi de finances en vue de rendre compte de l’usage des transferts
de l’Etat au niveau territorial.
Conclusion
A travers les larges développements consacrés à la régionalisation du point de vue économique et social
nous avons pu constater que le Maroc continue à être marqué par la persistance de réelles inégalités
régionales. La répartition de la richesse par région se caractérise par une forte concentration sur le
littoral, de Tanger à Agadir (le Grand Casablanca, Rabat‐Salé‐Zemmour‐Zaër, Souss‐Massa‐Drâa, Tanger‐
Tétouan et Marrakech‐Tensift‐Al Haouz). Au plan social, ces mêmes inégalités touchent les secteurs de
l’éducation, de la santé et de l’accès aux services de base (l’eau potable, l’électricité et le logement).
De même, l’examen des finances locales révèle un fait saillant : la situation actuelle des CL et en
particulier celle des régions en matière de ressources est en inadéquation avec les objectifs que pourrait
leur assigner le projet de régionalisation avancée. Parallèlement à cette faiblesse, d’autres
dysfonctionnements ont été identifiés. Ils se rapportent au recouvrement, au potentiel fiscal, à
l’emprunt ainsi qu’aux ressources humaines et aux procédures budgétaires. Autant de contraintes à
effet inhibant sur les marges de manoeuvres des collectivités locales pour offrir des services publics en
quantité et qualité suffisantes et de contribuer pleinement au développement économique et social des
territoires dans le cadre de la régionalisation avancée.
Par conséquent, une mise à niveau sociale permettant de résorber les déficits majeurs dans la santé,
l’éducation, les infrastructures routières, l’accès à l’eau potable, à l’électricité et au logement social,
s’impose comme une action déterminante. Toutefois, elle ne pourra pas à elle seule garantir une équité
régionale. Elle doit être confortée par l’exploration et la mise en place de mécanismes de solidarité
efficients, incarnant la complémentarité et la cohésion interrégionales, et en mesure de contribuer à
l’atténuation des effets liés à la concentration de la richesse, au retard de développement ainsi qu’aux
particularités géographiques et démographiques caractérisant certaines régions.
De même, le renforcement significatif de la capacité des régions à s’inscrire pleinement dans le projet de
régionalisation avancée paraît tributaire, dans une large mesure, des diverses réformes et mesures qui
seront engagées pour la valorisation, l’optimisation et la diversification des ressources financières des
collectivités pour l’exercice de leurs nouvelles missions. La crédibilité politique de la région suppose un
niveau de ressources nettement supérieur à celui qui existe aujourd’hui pour animer et mettre en

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 122

mouvement le développement économique et social avec l’appui et l’implication des acteurs locaux
dont, plus particulièrement, le secteur privé. Ce saut qualitatif nécessaire devrait aussi toucher les
procédures qui appellent une rénovation pour ouvrir le champ à la promotion de la politique
contractuelle et pour fournir une base réelle à la déconcentration. Il y a là un vaste programme qui
demandera plusieurs années et dont le déploiement devrait être emprunt d’une double exigence : la
lisibilité et la progressivité.
En définitive, pour ambitieuses qu’elles puissent paraître, les différentes recommandations de la CCR
relatives à ce champ d’analyse demeurent malgré tout marquées par un grand souci de réalisme et de
souplesse dans la mesure où elles ont été déterminées à la lumière de l’importance des évolutions
institutionnelles et fonctionnelles du chantier et les marges offertes par le cadre macro‐économique et
les finances publiques pour soutenir une réforme de cette ampleur.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 123

Réformes législatives et réglementaires requises par la mise en oeuvre des
propositions
Mise à niveau
régionale
Création d’un fonds de mise à niveau
sociale Loi Loi de finances
Institution du principe de transfert
des ressources parallèlement au
transfert d’attributions
Loi Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
Partage des impôts nationaux entre
l’Etat et les régions Loi Loi de finances
Définitions des critères de
répartitions des impôts nationaux Décret Critères régis actuellement pour le cas de la TVA par la
circulaire du Ministre de l’Intérieur n° 49 du 1/1/1996
Revalorisation et diversification de la
fiscalité locale Loi Loi n° 47-06 relative à la fiscalité des CL promulguée par le
Dahir 1-07-195 du 30 novembre 2007
Harmonisation de la fiscalité locale et
nationale Loi Loi n° 47-06 relative à la fiscalité des CL promulguée par le
Dahir 1-07-195 du 30 novembre 2007
Gestion de la fiscalité locale par les
services de l’Etat
Convention de
partenariat —
Amélioration de la participation de la
parafiscalité au financement des
budgets des régions
Décret
– Loi n° 30-89 relative à la fiscalité des CL maintenue en
vigueur à titre transitoire par la loi n° 39-07
– L’article 31 de la loi n° 45-08 relative à l’organisation des
finances des CL prévoit que les redevances et
rémunérations pour services rendus sont instituées par
voie réglementaire
Modernisation du cadre juridique
régissant le domaine (Patrimoine) Lois
– Dahir du 30 novembre 1918 relatif aux occupations
temporaires du domaine public
– Dahir du 19 octobre 1921 sur le domaine municipal
– Dahir du 28 juin 1954 relatif aux domaines des
communes rurales
– Un projet de loi est en cours d’examen
Elargissement des capacités du FEC Loi Loi n° 31-90 portant réorganisation du FEC promulguée
par le Dahir n° 1-92-5 du 5 août 1992
Recours des régions au marché
obligataire et aux fonds
d’investissement
Loi Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
Gestion active de la trésorerie Décret Décret n° 2-09-441 du 3 janvier 2010 portant règlement de
la comptabilité publique des CL
Thématique Textes de référence dans la législation en vigueur
Nature du
texte support
Mise à niveau des ressources
Axe de réforme

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 124

Refonte de la fonction publique
locale
Loi et décret
d’application
Actuellement le personnel local des CL est régit par le
Dahir n° 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général
de la fonction publique et le décret 2-77-738 du 27
septembre 1977 portant statut particulier du personnel
communal
Externalisation de la gestion des
services publics Arrêtés
Le Décret n° 2-06-362 du 9 août 2006 pris pour
l’application de la loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée
des services publics prévoit que les formes et les modalités
d’établissement des documents d’appel à la concurrence
ainsi queles contrats-types de gestion déléguée des services
publics des CL sont fixés par arrêté du Ministre de
l’Intérieur
Création d’un fonds de solidarité Loi Loi de finances
Institution du principe de solidarité et
de péréquation financière Loi Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
Intégration des dispositions relatives
aux procédures budgétaires régissant
les relations financières entre l’Etat et
les régions
Lois
– Loi organique n° 7-98 relative à la loi de finances
promulguée par le Dahir n° 1-98-138 du 26 Novembre
1998
– Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
Harmonisation avec le cadre
budgétaire de l’Etat Loi Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
Renforcement des instruments de
programmation pluriannuelle Arrêté
L’article 14 de la loi n° 45-08 relative à l’organisation des
finances des CL prévoit que les modalités d’élaboration de
la programmation pluriannuelle sont fixées par arrêté
conjoint des Ministres de l’Intérieur et des Finances
Refonte de la nomenclature
budgétaire Circulaire Circulaire conjointe des Ministres de l’Intérieur et des
Finances n° 171 du 17 décembre 1999
Simplification de prévisions
budgétaires Circulaire Circulaire du Ministre de l’Intérieur relative aux mesures
devant présider à l’élaboration des budgets des CL
Simplification des procédures
d’exécution Décret Décret n° 2-09-441 du 3 janvier 2010 portant règlement de
la comptabilité publique des CL
Assainissement des reports de crédits Loi Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
Mutualisation des actions Loi et décret
d’application
– Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
– Décret n° 2-09-441 du 3 janvier 2010 portant règlement
de la comptabilité publique des CL
Développement Mise à niveau du cadre budgétaire Solidarité territoriale des capacités de gestion

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 125

Mise en oeuvre de la politique de
contractualisation Décret —
Institution d’une instance nationale
de suivi et d’évaluation Loi —
Certification des comptes par des
auditeurs externes indépendants
Loi et décret
d’application
– Loi n° 45-08 relative à l’organisation des finances des CL
promulguée par le Dahir n° 1-09-02 du 18 février 2009
– Décret n° 2-09-441 du 3 janvier 2010 portant règlement
de la comptabilité publique des CL
Mise en place du système
d’information statistique régional
Lois et décrets
d’application
– Décret n° 2-07-1298 du 15 novembre 2007 relatif aux
attributions du Haut Commissaire au Plan
– Décret n° 2-02-397 du 17 juillet 2002 fixant les
attributions et l’organisation du Ministère de la Prévision
Economique et du Plan
– Décret royal portant loi n° 370-67 du 5 août 1968 relatif
aux études statistiques (COCOES)
– Décret royal portant loi n° 371-67 du 3 septembre 1968
fixant la composition et l’organisation du COCOES
Institution de l’observatoire des
finances locales Décret Décret n° 2-09-441 du 3 janvier 2010 portant règlement de
la comptabilité publique des CL
Régionalisation des politiques
d’incitation au secteur privé Loi Loi n° 18-95 formant Charte de l’investissement
promulguée par le Dahir n° 1-95-213 du 8 novembre 1995
Mise en place d’un répertoire
d’entreprises et de l’identifiant unique Décret
Un projet de décret est en cours d’examen (projet de
décret relatif à la création de l’Identifiant Commun de
l’Entreprise – ICE)
Mise en place d’un système
d’accréditation Arrêtés
Le décret n° 2-09-717 du 17 mars 2010 pris pour
l’application de la loi n° 01-00 portant organisation de
l’enseignement supérieur prévoit que les accréditations
sont accordées par le Ministre de l’Enseignement Supérieur
Réforme des statuts du foncier Lois
– Dahir du 2 juin 1915 relatif à la législation applicable aux
immeubles immatriculés
– Dahir du 1 juillet 1914 sur le domaine public
– Dahir du 30 novembre 1918 relatif aux occupations
temporaires du domaine public
Simplification des procédures
d’exécution judiciaire Lois
– Loi n° 15-95 formant Code de commerce promulguée
par le Dahir n° 1-96-83 du 1er août 1996
– Loi n° 53-95 instituant des juridictions de commerce
promulguée par le Dahir n° 1-97-65 du 12 février 1997
– Dahir portant loi n° 1-74-447 du 28 septembre 1974
approuvant le texte du Code de procédure civile
Renforcement des systèmes de
formation juridique pour les
tribunaux de commerce
Loi
Loi n° 09-01 relative à l’Institut Supérieur de la
Magistrature promulguée par le Dahir n° 1-02-240 du 3
octobre 2002
Instauration des centres régionaux de
médiation et d’arbitrage Loi Dahir portant loi n° 1-74-447 du 28 septembre 1974
approuvant le texte du Code de procédure civile
Mesures d’accompagnement

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 126

Liste des abréviations

CCR : Commission Consultative de la Régionalisation
CDMT : Cadre des Dépenses à Moyen Terme
CL : Collectivités Locales
CNIS : Conseil National de l’Information Statistique
CSC : Centres de Santé Communaux
CSCA : Centres de Santé Communaux avec Accouchement
CSU : Centres de Santé Urbains
CSUA : Centres de Santé Urbains avec Accouchement
DGI : Direction Générale des Impôts
DR : Dispensaires Ruraux
FEC : Fonds d’Equipement Communal
FL : Finances Locales
HCP : Haut Commissariat au Plan
IDH : Indice de Développement Humain
INDH : Initiative Nationale pour le Développement Humain
IR : Impôt sur le Revenu
IS : Impôt sur les Sociétés
LOF : Loi Organique des Finances
OCDE : Organisation de la Coopération et du Développement Economiques
OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement
OMS : Organisation Mondiale de la santé
OFPPT : Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail
PACTE : Programme d’Accès Généralisé aux Télécommunications
PAGER : Programme d’Approvisionnement Groupé en Eau Potable des
Populations Rurales
PERG : Programme d’Electrification Rurale Globale
PIB : Produit Intérieur Brut
PME : Petites et Moyennes Entreprises
PNRR : Programme National des Routes Rurales
SCN : Système de Comptabilité Nationale
SNIS : Système National d’Information Statistique
TGR : Trésorerie Générale du Royaume
TPE : Toute Petite Entreprise
TSAVA : Taxe Spéciale Annuelle sur les Véhicules Automobiles
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
VSB : Programme Villes Sans Bidonvilles
CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 127
Régionalisation avancée et découpage régional
CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 128
I. Considérations générales sur la démarche
Dans le projet de réforme en cours en vue d’une régionalisation avancée, le découpage du
territoire national en unités géographiques et spatiales (c’est‐à‐dire en régions) représente la
facette matérielle la plus marquante et la plus structurante au vu des objectifs politiques et de
développement économique et social assignés. Il s’agit là, cependant, d’une entreprise ardue.
S’y entremêlent côte à côte les questions des critères, de gestion des héritages et des acquis, de
préservations des équilibres et de l’unité, de l’échelle d’action, etc. D’où le besoin, dans cette
première partie, de faire le tour de l’ensemble de ces questions, en vue de mettre en évidence
les convictions principielles retenues par la CCR pour procéder à ses propositions en la matière.
A. Entreprendre un découpage régional : Une interrogation universelle controversée
1. Dans les missions assignées à la CCR par Sa Majesté le Roi dans son Discours du 3 janvier
2010, un volet important abordé concerne le principe d’une révision du découpage régional
actuel. Il s’agit de la mise en place de régions viables et stables dans le temps, fondées sur des
critères rationnels et réalistes, et qui soient en cohérence avec le projet de la régionalisation
avancée recherchée, une régionalisation qui est envisagée en fonction et sur la base de ses
deux finalités essentielles : l’émergence de conseils démocratiques disposant des prérogatives
et des ressources adéquates, orientés vers la conduite du développement économique et social
intégré.
2. Sous cet angle, le découpage du pays en entités territoriales du niveau régional prend une
importance singulière par bien des égards, en raison du grand nombre de questions
(théoriques, principielles, pragmatiques et opérationnelles) que ne manque pas de soulever la
stratégie devant être mise en place pour son élaboration. Si la viabilité est une assise
fondamentale de pertinence du découpage, la nature que celui‐ci doit assurer, l’ampleur de la
refonte à entreprendre, le type de critères à prendre en compte (de manière pondérée et
hiérarchisée), et la démarche à suivre pour y parvenir, sont autant de questions centrales
posées dans cette démarche.
3. Il faut dire que pareille entreprise pose aussi la question de l’évaluation du découpage actuel
mis en place depuis 1997 et de ses faiblesses. Ce découpage a, en effet, été l’objet de
nombreuses critiques portant autant sur ses soubassements et ses fondements, que sur la
réalité de sa pertinence et de son efficacité, voire même la possibilité qu’il puisse avoir été luimême
un frein pour la cohérence et l’efficacité des interventions de l’échelon régional. Loin de
passer en revue de manière directe et frontale l’ensemble de ces observations et leurs aspects
valides ou polémiques très nombreux, il a été préféré ici d’aborder de manière « normative » le
sujet du découpage en général, ce qui permettra aussi bien l’esquisse d’alternatives
envisageables que de la mise en évidence, indirectement, des insuffisances relevées, ici et là,
dans le découpage actuel.
4. Les diverses expériences, anciennes ou récentes, conduites un peu partout dans le monde
dans ce but, révèlent de façon récurrente et systématique un trait commun : le projet
gouvernemental de régionalisation rencontre et affronte constamment les éternelles et
épineuses questions, bien connues telles que : Combien de régions ? Quel profil et quel gabarit
doivent‐elles avoir ? Quels critères envisager pour leur définition et donc leur délimitation ?
Malgré la multiplicité des pratiques et des modèles développés de par le monde, et la diversité

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 129

des nombreuses analyses et recherches consacrées à ces questions, il semble bien que l’on ne
soit pas parvenu à mettre à la disposition des décideurs concernés les outils pratiques et
sécurisants qui soient prêts à l’emploi. Il n’y a tout simplement pas de science exacte du
découpage ; il n’y a, dans le découpage, que des choix mus par des considérations stratégiques
fixés en amont. Tant et si bien que le découpage régional apparaît toujours, in fine, comme une
entreprise polémique, surtout lorsque l’on perd de vue la finalité qui a servi à sa conception et
qu’il est convenu qu’il serve. C’est ainsi que la répartition, le nombre, la taille et les limites des
régions proposés par un découpage donné font (et feront) l’objet de débats et de contestations
sans fin de la part de tous les porteurs d’enjeux particuliers. La CCR a pris acte de l’ensemble de
ces questions et difficultés et est convenu de s’appuyer sur la démarche la plus cohérente
possible, et la moins problématique aussi, en hiérarchisant les critères servant de clés d’entrée,
tout en essayant de tenir compte du plus grand nombre possible des autres qui ne dénature pas
la cohérence des objectifs et la pertinence du résultat.
B. De quelle région parle‐t‐on ?
5. La CCR, en s’engageant dans l’opération de découpage, a eu à faire face à de multiples
dilemmes ; mais elle a dû tenir compte aussi d’une difficulté d’une toute autre nature : le
découpage est perçu généralement comme étant la facette la plus visible et la plus directe de la
réforme régionale. En raison des enjeux territoriaux, économiques et sociaux qu’il suscite, le
sujet est forcément d’une grande sensibilité auprès des populations, de la classe politique, et de
l’administration territoriale, d’où sa forte prévalence et la place surdimensionnée qu’il prend
dans les débats, toutes deux importantes. A ce propos, et dans le contexte de l’avancée que
représente le passage vers la régionalisation avancée et des finalités de développement
économique et social inhérentes à celle‐ci, la CCR est convenu de ce que le découpage ne peut ni
ne doit être considéré comme l’enjeu premier de la réforme ; sans que cela ne signifie une
réduction de son importance et de son caractère structurant, la CCR insiste sur le fait que le
découpage est davantage à prendre comme un volet à caractère technique du dispositif de la
réforme, dont le contour pour une large part est déterminé par, et est tributaire du contenu
institutionnel de la réforme régionale dans ses aspects institutionnels et fonctionnels. Dans le
débat polémique ou controversé que suscite ce sujet, il est essentiel de se rappeler
constamment que le découpage entend permettre de matérialiser au niveau territorial les
finalités institutionnelles et fonctionnelles recherchées, lesquelles sont de nature politique
(démocratisation), économique et sociale (développement). La validité du découpage se
mesurera, en conséquence, dans sa pertinence ; elle se mesurera aussi dans sa viabilité,
laquelle découle de la cohérence qui en est la base. La viabilité, c’est‐à‐dire l’évitement de
l’instabilité signifie que l’on puisse inscrire le découpage adopté dans une durée suffisamment
longue pour permettre à la « chimie » régionale de prendre et de se développer et aux
nouvelles régions de se construire par accumulation et de s’épanouir dans le temps. Autrement
dit, les entités territoriales à mettre en place devront en même temps être des bassins où le
vivre ensemble des citoyens (dans ses multiples dimensions) doit être assuré au mieux du
possible, et des territoires où la conduite des politiques de développement humain,
économique et culturel est assurée du maximum de conditions d’efficacité et d’efficience, dans
l’esprit et la lettre du Discours Royal.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 130

6. Si la notion de région, en tant que cadre territorial d’action et de gestion, demeure une
source de controverse autant que l’origine de grandes incompréhensions parmi les spécialistes
et les acteurs politiques, ceci provient dans une large mesure de la multiplicité de ses
définitions conventionnelles, elles‐mêmes liées à plusieurs raisons :
• Le caractère polysémique du terme de « région » qui, de ce fait, se prête à plusieurs
interprétations. Pour s’en tenir aux usages les plus courants, on peut y distinguer au moins
sept connotations différentes : la région peut être culturelle, historique, militaire,
économique, statistique, géographique et administrative, Autant d’acceptions et autant de
configurations qui expliquent malentendus, controverses, et insatisfactions. En d’autres
termes, parce que la définition de la région est d’abord tributaire du prisme choisi pour
l’apprécier, son contenu, son gabarit, son étendue ne peuvent être que variables.
• La complexité de la structure et des composantes des territoires au sein d’un même pays
fait que les critères constitutifs d’une même région sont rarement similaires ou identiques
pour que ces critères puissent être regroupés au sein de catégories normatives. Les usages
divers qui sont le propre de toute organisation spatiale, en se traduisant par l’existence de
particularismes localisés, contrecarrent toute tentative de regroupement dans des
ensembles très distincts.
• Une troisième raison à l’origine de l’insatisfaction mentionnée est en relation avec la
tentation, constante et bien illusoire, de vouloir souvent trouver une hypothétique
conciliation ou combinaison de plusieurs idéals : l’idéal « cartésien » de la construction ou
de l’assemblage de « la région type », objet d’étude, reproductible à loisir ; et l’idéal de se
forger un cadre pertinent politico‐administratif pour gouverner les territoires d’un pays à un
moment donné de l’évolution de son histoire, de sa géographie, de sa société, et des
institutions qui l’organisent. L’absolutisme paradigmatique auquel aspire le premier idéal
est réfuté par le relativisme (et le fonctionnalisme) du second !
7. La conjugaison de ces différents écueils finit souvent par amplifier l’ambigüité, alimenter les
équivoques et induire les réserves vis‐à‐vis de tel ou tel projet de délimitation au point que
cette situation a conduit plusieurs théoriciens de l’espace, dans l’analyse du phénomène
régional, à douter de l’existence de la réalité même de la région en tant qu’entité « en soi ». Les
débats sur la relativité de la notion de région sont réels et bien loin d’être tranchés pour
rapprocher des points de vue aussi divers autour d’une définition globale commune. Aussi, il y a
lieu de rappeler le cap de la réforme en cause et de s’en tenir pour avancer. Lorsqu’on se pose
des questions particulièrement d’ordre politique et institutionnel essentiellement, comme c’est
le cas ici, la quête de la délimitation d’un cadre territorial doit partir du postulat que la mise en
oeuvre de toute action politique nécessite qu’elle soit inscrite au sein d’un espace pertinent. Un
espace qui devrait, et ce quel que soit l’étendue géographique (réduite ou vaste) que l’on
veuille lui attribuer, être non pas une création artificielle circonstancielle, mais traduire d’une
part les finalités du projet politique, économique et social global recherché et correspondre,
d’autre part, aux conditions du terrain.
8. Devant l’ensemble des préoccupations suscitées par les débats sur les découpages
territoriaux, le Maroc ne fait, naturellement, pas exception. Ces préoccupations ont été, à
l’occasion de chaque réforme ou initiative portant sur la décentralisation et/ou la
régionalisation, au centre de débats animés dans les milieux politiques et académiques. La
multitude des propositions de découpage (en particulier de la part des partis politiques
consultés) qui ont suivi le lancement de l’initiative Royale sur la régionalisation avancée, aussi

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 131

opposées que contrastées, en témoigne. Toutefois, on remarque aujourd’hui une différence
notable comparée à la situation prévalant par le passé : les orientations définies cette fois‐ci
pour le projet de la régionalisation avancée s’appuient, dans un contexte nouveau plus apaisé,
sur un double impératif plus affirmé et plus précis, reconnu par l’ensemble de ces acteurs
politiques (et auxquels ils souscrivent) : l’un de caractère institutionnel/ politique, tandis que
l’autre est de nature clairement fonctionnelle et pratique. Le premier impératif vise à consolider
et à approfondir les conditions de l’émancipation d’un échelon d’action au niveau régional, un
échelon de décentralisation effective, qui complète et va de pair avec l’échelon de
déconcentration. Le second impératif ambitionne d’élever et d’améliorer l’efficience de l’action
publique et, possiblement, remédier à ses carences actuelles. La prise en compte de ces deux
exigences fait que la région dont il est question est principalement la région institutionnelle et
fonctionnelle ; le découpage de ces régions ne peut être conçu uniquement sur des critères
strictement administratifs. Le découpage doit rechercher les conditions de sa propre efficience
et de son inévitable viabilité d’abord dans sa correspondance à une réalité socio économique de
terrain, finalité ultime de son action attendue.
C. Critères normatifs usuels, texture du territoire national et étapes du découpage
9. Si le voeu conventionnel voudrait qu’il existe un modèle de découpage objectif en soi, ayant
ses propres recettes et sa propre boîte à outils pour cette cause, la réalité marocaine telle qu’on
peut l’observer est bien différente pour autoriser pareil cheminement ; réalisme et relativisme
sont donc bien à propos. Ce qui n’empêche pas de passer en revue ces critères
traditionnellement invoqués pour démontrer, a contrario, en quoi leur caractère pour la
conduite du découpage institutionnel et fonctionnel pertinent recherché est inopérant.
10. Notons d’abord cette anomalie : à première vue, de par son histoire, la configuration
géographique de son territoire, ses formes d’organisation sociale, le Maroc laisse présager de
l’existence, relativement, de prédispositions triviales en vue d’une régionalisation
territorialement facile à envisager, tant les caractères historiques, géographiques, sociaux et
culturels y sont vigoureusement prégnants et diversifiés. Mais au‐delà de ces apparences, on
notera surtout que le Maroc se caractérise aussi par l’absence d’une quelconque tradition
régionale et encore moins régionaliste structurée ou formelle bien mise en évidence et pouvant
être suggérée comme point de départ dans le découpage à entreprendre. Cette curieuse
contradiction est corroborée précisément en prenant de manière analytique successivement les
types de références mentionnées : historiques, géographiques, anthropologiques ou
sociologiques.
11. Commençons par l’histoire. L’interférence des éléments de nature historique avec la
problématique du découpage est en soi très complexe pour pouvoir se prêter à une analyse
exhaustive. Pour aller à l’essentiel, on dira que d’une manière générale, les invocations faites
parfois à l’histoire pour étayer l’existence de tendances régionales au Maroc, au moins si l’on
s’en tient à la période qui commence depuis le XVIème siècle, se sont appuyées sur deux
sources essentielles d’argumentation: la diversité des milieux et des genres de vie sous jacents
et les particularismes linguistiques.

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 132

12. D’une part, la diversité des situations sociales et la multiplicité des particularismes culturels
et de genres de vie, réalités incontestables, ont pu alimenter, en termes de lecture et
d’interprétation, voire de construction idéologique, le présupposé de l’existence de tendances
régionalisantes ; ceci en rapport avec certaines manifestations apparentes des modalités de
fonctionnement de l’Etat marocain lors des derniers siècles, et le traitement historique qui en a
été fait. En cause principalement, la question relative à l’ampleur du contrôle effectif des
territoires et des populations par l’Etat central, question centrale dans le débat sur la
signification de la siba, (ou de bled essiba) qui y était remarqué ça et là, ainsi que l’amalgame
entretenu sur sa nature (et que certains s’imaginaient être l’expression d’une dissidence). Or,
sur ce plan, il y a lieu de réitérer que l’Etat marocain (et à sa tête le sultan) exerçait son pouvoir
et son administration à travers les siècles dans les formes subséquentes de ce statut compte
tenu des moyens de contrôle et des rapports de forces existants de l’époque considérée. Il est
bien établi aujourd’hui que la siba exprime davantage le fait de populations vivant dans des
régions excentrées où de relief accidenté, échappant sur des périodes de durée variable, aux
impôts et autres formes de taxation, parce que l’Etat ne pouvait l’imposer aussi facilement que
dans les régions plus facilement accessibles. La situation de siba n’a jamais signifié ou donné
lieu à des territoires en tant que tels en dissidence politique, c’est‐à‐dire rejetant l’autorité
politique et la légitimité du pouvoir du sultan, toutes deux consacrées par l’acte fondamental
d’allégeance. A fortiori, la situation de siba n’a jamais été synonyme ni donné lieu à des entités
régionales émancipées ou autonomes. En fait, l’histoire du Maroc est celle d’un Etat uni et,
toutes choses égales par ailleurs, centralisé avec les moyens et les capacités de son époque. En
dehors de quelques séquences rarissimes et bien ponctuelles dans le temps (lors des périodes
d’affaiblissement suivies de compétitions pour le pouvoir), l’histoire du Maroc lors des derniers
siècles ne montre pas l’existence d’une quelconque structure politique régionale reconnue en
tant que telle qui se soit inscrite dans une certaine durée ou qui ait pu avoir disposé d’une
assise telle qu’elle ait pu rendre envisageable un possible démembrement du pays. En somme,
l’acte d’allégeance, la commanderie des croyants qui est à l’origine de la distinction
institutionnelle marocaine et la prééminence de l’autorité du sultan qui l’accompagne, sont les
fondations et les attributs d’un état unitaire séculaire. L’argumentation tirée de la lecture de
l’histoire ne donne pas de consistance à un quelconque projet de découpage régional qui serait
basé sur son legs de ce point de vue. Nul besoin d’ajouter : fort heureusement d’ailleurs !
13. Sur un autre plan, la diversité affirmée des origines du peuplement marocain, et en
particulier la diversité ethnique et des parlers qui l’accompagne, les formes d’organisation
sociale traditionnelle qui y ont prévalu (allant des groupes tribaux à genre de vie pastorale à
ceux aux traditions sédentaires villageoises, aux spécificités des communautés des ksours
oasiens et aux catégories des agropastoralistes transhumants du Maroc intra montain) sont
des faits avérés sur lesquels il n’y a, là encore, nul besoin de s’appesantir. La diversité des
langues et des parlers et la multitude des artefacts produits qui sont inscrits dans les paysages
ont, certes, pu alimenter des interprétations sur l’existence d’un legs historique pouvant tenir
lieu d’une matrice objective de découpage régional. Concernant ces particularismes, il y a lieu
de noter, cependant, ce qui suit :
(i) Ce sont des particularismes qui n’ont pas été caractérisés par la fixité dans le temps; au
contraire, l’évolution et la transformation, combien lentes, ont été la règle dans le
cheminement et la mise en place de ces particularismes. Ainsi, l’histoire récente confirme que
les mouvements des populations, à des échelles diverses, ont été en fait une constante ; les

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 133

mouvements Est‐Ouest et Sud‐Nord des populations (jusqu’à l’aube du XXème siècle) sont
suffisamment bien documentés dans l’ensemble pour qu’on s’y arrête.
(ii) En second lieu, l’histoire de la mise en place des parlers dans leur répartition territoriale
actuelle est bien difficile à établir de manière absolue. Les données historiques montrent que la
carte linguistique des territoires a aussi évolué dans le temps. L’image de la réalité de cette
carte qui a été cristallisée, voire « rigidifiée » depuis l’époque coloniale, est à prendre pour ce
qu’elle est : cette carte aujourd’hui n’est rien d’autre que la résultante de l’aboutissement de
toutes ces évolutions historiques.
(iii) En troisième lieu, il faut aussi rappeler que l’écologie culturelle nous enseigne que les
particularismes, en tant que systèmes culturels d’adaptation, expriment davantage des
contraintes d’ajustement des communautés traditionnelles à faibles techniques pour assurer
leur survie sur la base des ressources disponibles dans un milieu géographique donné. Or la
diversité des situations des ressources disponibles dans le territoire marocain est une donnée
de structure profonde ; elle transcende la répartition des territoires, des ethnies et des parlers.
De manière ultime, ces systèmes d’adaptations culturels pouvaient, dans leur répartition, être
corrélés à la cartographie des milieux naturels ! Autant donc dire que ce volet relatif aux
particularismes renvoie aux éléments de la géographie physique du territoire, lesquels ont
servi de soubassement à ces systèmes et les éclairent.
14. Concernant les éléments de géographie (physique principalement) pouvant justement
servir de critères au découpage régional, nul ne doute que l’existence d’une grande diversité
du milieu naturel marocain au vu des facteurs liés au relief, au climat, aux formations
végétales, à l’accès aux façades maritimes, à la disponibilités et à l’accès aux ressources en
eaux de surface ou souterraines, etc. peut autoriser de penser qu’elle puisse servir de clé
d’entrée. Cela s’applique autant au relief (le fait montagnard étant très prégnant et constitue
une dimension structurante au plan territorial) qu’aux climats marocains (allant du subhumide
au très aride avec toutes les subtilités de nuances), aux formations végétales allant de la forêt
de montagne ou celle méditerranéenne aux formations steppiques des milieux arides. Mais
que la diversité du milieu naturel puisse être adopté en vue du découpage est une velléité bien
illusoire, car le découpage en question reviendrait à une simple typologie des milieux naturels.
15. Chez les géographes, l’importance accordée traditionnellement à la diversité liée au milieu
naturel est telle que la quasi‐totalité du contenu du lexique géographique autant que les
propositions de divisions régionales et autres entreprises de découpage (pour des buts
académiques ou pour un usage administratif) ont été, frontalement ou en filigrane, façonnés
par la géographie physique du pays. Mais cela n’exclut pas que, là encore, on doive faire
preuve d’une forte dose de relativisme, aussi important que soit le rôle du relief dans le
façonnage des régions marocaines. Ceci s’applique aussi de la même manière aux autres
éléments du milieu naturel (climat, ressources en eaux, bassins‐versants). Si la pratique
académique des géographes consiste à classer et à répartir éléments et phénomènes dans
l’espace géographique, elle ne peut servir valablement comme point de départ de premier
ordre à un découpage de type institutionnel, qui a une finalité politique, économique et
sociale. Les facteurs liés au milieu naturel, s’ils ne peuvent être ignorés en raison de leur
prégnance dans la configuration des territoires, la définition de leurs ressources et de leurs
vocations, interviendront de manière indirecte (et seulement comme des critères de second
ordre) ; ils comptent comme partie intégrante dans la différenciation liée à l’histoire, aux

CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Découpage régional Page : 134

genres de vie, aux cultures matérielles et à l’organisation sociale, ce qui renvoie, de fait, à ces
domaines. Il en est de même pour les ressources possibles, et par la nature des problèmes de
développement posés, lesquels renvoient aux critères à prendre en compte possiblement de
manière volontariste dans la conduite du découpage : en théorie, on peut parfaitement dire
qu’une région de montagne a intérêt à figurer comme une entité distincte en raison de
l’homogénéité de ses problèmes de développement ; mais il est possible d’avancer d’autres
raisons allant à l’encontre de ce choix. Cela s’applique aussi aux régions arides. Il ne peut y
avoir une détermination absolue dans un sens ou dans l’autre, et c’est la cohérence
institutionnelle de décider en dernière instance du choix pertinent.
16. Au plan de l’organisation sociale, les structures et les institutions liées à l’organisation
tribale, qui représente le modèle dominant dans la société traditionnelle (rurale), ont pour leur
part ouvert la voie à des lectures et interprétations visant à corroborer l’existence ou la
prédisposition du pays à une certaine tradition d’organisation régionaliste. Là encore, des
créneaux de légitimation argumentaire de ce point de vue ont été instrumentalisés pour la
cause :
(i) On a invoqué les institutions de base accompagnant les structures tribales (à l’exemple de la
jmaâa, ce « conseil » qui gérait les aspects d’organisation de l’accès et du contrôle des
ressources et de la conduite du vivre en commun à une petite échelle) ; ces institutions ne
peuvent être classées dans le statut d’une quelconque tradition de régionalisation ou de
régionalisme, vu leur expression à de petites échelles (celles de toute communauté agnatique
de base) et leur caractère général transversal. Des institutions qui organisent la vie quotidienne
des communautés existent toujours et partout. De même, les structures d’organisation
politique d’échelle supérieure (confédération tribale ; leff ; etc.) sont en fait davantage des
stratégies de défense, dans un contexte de fortes compétitions ou de menaces environnantes ;
elles ne peuvent être des clés d’entrée pour la formation d’entités régionales ; bien qu’ayant
pu, fonctionnellement, exprimer des dimensions identitaires, elles sont le propre de toute
organisation sociale traditionnelle à dominante pastorale ou agropastorale et ont
constamment évolué selon les forces en présence.
(ii) Sur un autre plan, compte tenu des conditions liées aux milieux géographiques, on notera
qu’en dehors de quelques secteurs où une tradition sédentaire et villageoise était de rigueur
(principalement le Haut Atlas Occidental, le Souss historique, les montagnes du Rif et du Pré
Rif, et les oasis présahariennes), la plus grande partie du territoire marocain était parcourue
par des agropasteurs à biais pastoral très affirmé et ont rarement fait l’objet d’occupation
permanente et fixe (nomades purs ; semi nomades ; transhumants ; agropasteurs). Ce
caractère a fait dire que, pour le pouvoir central, sur la plus grande part du territoire, le
contrôle des hommes était plus prioritaire que le contrôle des territoires. Il s’agit là d’un fait qui
exprime la négation même d’une conception de territorialisation pouvant servir à un maillage
général de découpage. Et cette réalité (sédentarité réduite et pastoralisme répandu) n’était
nullement corrélée à une quelconque spécificité ethnique ou linguistique, mais les traversait
toutes : le pastoralisme était aussi bien berbère qu’arabe ! Loin de corroborer l’idée d’un
quelconque héritage régionaliste, cette réalité s’y oppose objectivement.
17. En conséquence, les critères normatifs usuels, compte tenu de leur auto corrélation avec
les facteurs, décisifs, fonctionnels et économiques, seront donc indirectement incorporés dans
la critériologie du découpage, sans pouvoir diriger celui‐ci dans l’absolu. Parler de l’existence

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au Maroc de région historique affirmée n’a de sens que dans des limites de définition bien
annoncée au départ ; autant dire qu’au mieux, la région dont on parle est un construit
conceptuel ad hoc sans plus. Les grandes divisions du territoire marocain consacrées dans les
littératures géographique, historique, ou sociologique ne font référence en fin de compte qu’à
des entités à caractère de localisation ou d’identification, sur la base de la prégnance d’un
élément (servant de critère). Ce ne sont pas des régions ayant une quelconque légitimité pour
être érigées de manière cohérente à un statut institutionnel et/ou fonctionnel. Les réalités
sociales et historiques comprises dans les appellations de Tafilalet, Souss, Doukkala, Gharb, etc.
sont des exemples de ce genre. Cela s’applique aussi aux traditionnelles régions‐repères à
caractère physique, ou ethnique tribal (entités territoriales profondément enracinées dans le
“patrimoine” culturel populaire), et celles “décrétées” par les géographes et autres
administrateurs coloniaux. Enfin, les diversités anthropo‐sociologiques, bien réelles, ne
prédisposent pas à un type de découpage institutionnel particulier, vu qu’elles ne sont pas
confinées territorialement, mais traversent les espaces et les contrées marocaines. Même les
parlers aujourd’hui n’obéissent plus à une distribution géographique typée compte tenu de
l’urbanisation ! Il faudra donc s’en tenir à l’essentiel, à savoir que ce qui est en cause est la
région institutionnelle et fonctionnelle, espace de construction démocratique avancée au
service du développement économique et social.
D. Le découpage et ses nouveaux enjeux
18. Le Maroc a connu au cours de ces trois dernières décennies, et particulièrement depuis la
fin des années quatre‐vingt‐dix, de profondes transformations sociales, économiques et
géographiques. Ces transformations se sont conjuguées à de nouveaux enjeux qui, sur bien des
aspects, sont en rupture nette avec les conditions internes et l’environnement mondial qui
prévalaient au cours des décennies antérieures (années soixante‐dix à fin quatre‐vingt‐dix). Ce
sont ces changements majeurs, internes et externes, qui ont exigé et exigent que soient mis en
place de nouveaux cadres et de nouvelles modalités d’arbitrage à tous les niveaux territoriaux,
et ce en raison de leurs caractères déterminants dans l’évolution future du pays.
19. En effet, le territoire national fera face dans les trois prochaines décennies à une
convergence d’enjeux contraignants et décisifs :
• D’ici vingt ans, la population totale passera de 32 à 40 millions d’habitants ; il faudra
programmer un doublement de la population des villes sur moins d’une génération, à un
moment où les moyens disponibles ne permettent pas de gérer correctement le niveau
actuel. Ce changement n’est pas simplement d’ordre quantitatif, loin s’en faut, mais
impliquera des mutations qualitatives diverses autant géographiques que sociales bien
entendu ; les différences entre les espaces ne seront pas seulement technico‐économiques,
elles seront surtout sociétales. Même si la matière des besoins de plus en plus diversifiés
serait la même, la perception et la hiérarchie des urgences variera selon les lieux et ne
peuvent aucunement être traités de manière uniforme.
• De même, la question de l’emploi ira en se posant de manière de plus en plus forte puisque
le ralentissement de la croissance naturelle va s’accompagner d’un accroissement de la
proportion d’adultes en âge de travailler. Si le taux d’activité des femmes restait à son

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niveau actuel, ce sont près de 300.000 emplois supplémentaires qui seraient nécessaires
chaque année. Il s’agit là d’un chiffre minimal qui pourrait être dépassé.
• Le double impératif du rattrapage des retards d’équipement des décennies passées et du
placement de l’économie en situation de compétitivité internationale à l’échéance 2013
s’imposera de façon marquante. Le Maroc dispose aujourd’hui de données assez indicatives
qui soulignent que la mise à niveau territoriale demandera un effort énorme ; les
estimations les plus réalistes en 2004 montraient qu’en dehors de trois régions pouvant
passer le test de cette mise à niveau, et dans le souci de réduire les écarts pour atteindre
une situation moyenne pour l’ensemble des régions, le coût de cette mise à niveau devra
se traduire par la mobilisation de l’équivalent de trois fois et demi le PIB national pour le
monde urbain et une fois et demi celui du monde rural ! De ce fait, l’enjeu de la
compétitivité sera un enjeu décisif pour la question du développement régional. C’est que
le problème n’est pas l’ouverture internationale en tant que telle, mais concerne la situation
dans laquelle on l’aborde.
• L’amplitude de l’économie du Maroc doit être accrue, avec un souci plus fort d’économie
des biens rares, à savoir les ressources naturelles. Le territoire marocain est certes d’une
relative richesse naturelle et humaine, mais cet espace est aussi soumis à une grande
fragilité : le tableau de bord montre que “de nombreux clignotants sont au rouge ”, qu’il
s’agisse des sols, de la végétation, des ressources en eau ou des sites sensibles. Aussi, la
gestion économe des ressources et des zones dispensatrices s’impose comme une exigence
nationale.
20. Les changements à l’oeuvre aujourd’hui et ceux qui s’annoncent dans la structure
économique, sociale et écologique éclairent, dans cette phase historique, sous un jour
nouveau, la question du découpage et lui attribuent un socle, une valeur et une conception
bien différents, particulièrement en termes de critères à adopter. En effet, ces évolutions et
transformations obligent que la conduite du découpage régional et la configuration des régions
qui en résulte suivent un parcours différent par l’adoption d’options plus ajustées.
21. le problème du découpage qui importe n’est pas de procéder à une définition ou à une
configuration idéale et intemporelle de la région. Tout au contraire, il s’agit de délimiter des
cadres territoriaux dont le Royaume du Maroc a besoin pour conforter la modernisation de ses
structures et mieux traiter les défis auxquels il est confronté aujourd’hui et demain, dans le
contexte de l’ouverture économique internationale. C’est donc dire, in fine, que le découpage
régional est la traduction aux niveaux spatial et territorial des finalités mêmes de la réforme. La
régionalisation avancée exprime une politique volontariste et souveraine d’un état unifié, en
quête de modernisation de ses structures, par plus de décentralisation et plus de démocratie
locale. Les facteurs normatifs d’homogénéité (de quelque nature qu’elle soit), ne peuvent donc
dans l’absolu s’imposer comme clés d’entrée de premier niveau ; ces critères normatifs sont
nombreux, complexes et fortement imbriqués, tandis que leurs « unités de mesure » sont
dissemblables ; leurs combinaisons possibles sont loin de permettre d’aboutir à une seule
option, mais à plusieurs d’égale validité. Ils ne peuvent, sur ce plan, qu’amplifier les
désaccords. La clé d’entrée institutionnelle et fonctionnelle permet, en revanche, de dépasser
controverses et dilemmes liés à toute démarche a priori normative tout en s’adossant à ce qui
est essentiel : la nature et la finalité de la réforme.

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22. Aussi, l’exercice de révision des limites de régions et le nouveau découpage qui en
résultera seront abordés suivant trois moments successifs interreliés. Les trois moments en
question sont :

MédiocreMoyenBienTrès bienExcellent
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