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Commune d’Ain Sfa (Oujda) : qu’est-il advenu de sa vieille école ?

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Zaid Tayeb
Il y avait une petite école de deux salles de classe, je crois, sans en être sûr, à Ain Sfa. Je la revois de mémoire avec ses deux salles qui se faisaient vis-à-vis. Un petit escalier de deux ou trois marches, si je m’en souviens bien, permettaient aux élèves d’accéder aux salles de cours. J’ai essayé de reconstituer de mémoire cette petite école sur les bancs de laquelle j’ai usé une partie de l’arrière de ma culotte, après avoir usé l’autre sur le bât de l’âne qui me servait de moyen de transport entre le village où j’habitais et la petite commune où je me rendais.

Que m’est-il resté de cette petite école dans la tête à raconter à mes enfants et petits-enfants, à mes amis, aux étrangers qui ne l’ont jamais vue et qui voudraient bien que je la leur raconte avec les mots de la langue ? Je crois que les mots ne manquent pas pour que je leur en fasse la narration et la description, mais j’aurais besoin pour cela d’un droit de regard, ne serait-ce qu’à travers le jet de la lumière d’un éclair par une nuit de tempête. Les poètes de l’époque de l’ignorance nous ont laissé de beaux poèmes sur leurs biens aimées rien qu’à partir des vestiges laissés après le départ de la caravane, le temps d’un bivouac ou d’une saison. Je suis encore moins favorisé que ces pauvres poètes et je tombe encore bien plus bas qu’eux car je n’ai rien qui puisse réveiller ma Muse.

La petite école n’est plus là où je l’avais laissée et je n’ai plus de point de repère pour la reconstituer telle qu’elle était ou telle que je l’avais vue. Qu’est-elle devenue, cette petite école qui m’a initié à l’art de l’écriture et de la lecture ? Elle a été rasée comme El Gasir et comme El Gasir elle a été effacée de la mémoire collective de la petite commune d’Ain Sfa. A sa place, il y a un beau bâtiment public moderne à deux niveaux mais la petite école avait elle aussi droit à l’existence malgré sa vieillesse. Il en est donc de cette vieille petite école ce qui en est de nos parents et grands-parents. La vieillesse et le manque de place sont-ils donc des raisons suffisantes pour se défaire de cette école et de nos parents et grands-parents arrivés à l’âge de la vieillesse ?

Avec la démolition du poste militaire français dit El Gasir et de la petite école, la commune d’Ain Sfa a effacé à jamais une bonne partie des archives de son histoire et par conséquent de son patrimoine. La petite école était donc une petite fenêtre ouverte sur le passé, avec ses hauts et ses bas, à travers laquelle on regardait dans le passé.

Au lieu de démolir cette petite école, on aurait pu la garder pour plusieurs raisons. L’une d’elles est qu’elle est un héritage architectural et culturel du passé qui pourrait faire fonction de témoignage pour les générations présentes et à venir. La seconde est qu’à partir de cette petite construction on aurait pu fonder des associations : association des anciens instituteurs et/ou des anciens élèves de l’école d’Ain Sfa. Et la petite école aurait pu servir de siège et de lieu de rencontre et de rendez-vous pour les maîtres et les élèves.

Maintenant que la petite école a subi le même sort malheureux qu’El Gasir, que reste-t-il de la mémoire d’Ain Sfa ? Rien. On croirait qu’Ain Sfa n’avait pas de passé et qu’elle est née après le départ des colons français. Qu’avons-nous donc à raconter et à montrer à nos enfants, aux générations post coloniales et aux étrangers qui ne connaissent pas Ain Sfa ?

Ain Sfa serait donc devenue un corps sans âme : il est advenu à la vieille petite école ce qui est advenu à El Gasir.

Zaid Tayeb

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1 Comment

  1. Sara
    21/03/2022 at 17:59

    Manifique!!

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