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L’Unesco mesure les conséquences du gel du financement américain

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Le couperet est tombé deux fois. Les Etats-Unis ont suspendu, lundi 31 octobre, leurs versements à l’Unesco – 60 millions de dollars (43 millions d’euros), soit 22 % de son budget régulier, ainsi que 20 millions de dollars pour des programmes spéciaux – quelques heures après que la Palestine est devenue le 195e membre à part entière de cette organisation des Nations unies. Trois jours plus tard, Israël a gelé ses versements, à hauteur de 2 millions de dollars (1,45 million d’euros), pour le même motif.
La fébrilité est devenue franche inquiétude au siège parisien de l’Unesco, jeudi 3 novembre, lorsque le bruit a couru que le Canada, septième plus gros contributeur, allait revoir, lui aussi, ses engagements à la baisse. Rassérénée par les assurances données par Ottawa – sur le court terme au moins -, la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, considère que son organisation ne traverse pas une « crise », aucun membre n’ayant quitté l’Unesco comme le firent les Etats-Unis et le Royaume-Uni en 1984, mais de « sérieuses difficultés », qu’elle espère « passagères ».
« La situation est paradoxale », nous a-t-elle déclaré. D’un côté, les Etats-Unis sont liés par deux lois de 1990 et 1994 interdisant tout financement d’une agence de l’ONU qui accepterait l’adhésion de la Palestine en l’absence d’un accord de paix au Proche-Orient ; d’un autre côté, l’administration de Barack Obama « souligne, dans sa déclaration de suspension, l’importance de son engagement envers l’Unesco ». Ce qui encourage Mme Bokova à penser que la Maison Blanche va tenter de négocier avec le Congrès « pour changer ces lois ».
La porte-parole du département d’Etat, Victoria Nuland, n’a-t-elle pas indiqué vouloir trouver une solution avec les parlementaires ? Redoutant que le même scénario ne se reproduise avec d’autres organes des Nations unies, Mme Nuland a déclaré : « Le fait de ne pas payer notre écot pourrait gravement réduire notre capacité d’influence et notre capacité d’action. Nous pensons que cela va affecter les intérêts de Etats-Unis. »
Mme Bokova est prompte à fournir des exemples. Sans les financements américains sont directement menacés « les programmes de soutien aux médias libres en Irak, en Tunisie et en Egypte, la révision des ouvrages scolaires incitant à l’intolérance en Irak, l’alphabétisation de milliers de policiers en Afghanistan, dans le cadre d’un programme éducatif visant 600 000 personnes dans ce pays, le système d’alerte aux tsunamis mis sur pied au mois d’octobre en Asie, si vital pour les pays de ce continent ». Sans les versements israéliens et américains, la promotion des programmes scolaires sur l’Holocauste, là où le besoin s’en fait sentir, tombera aux oubliettes. Au-delà, c’est toute la lutte contre les extrémismes qui sera mise en péril, estime-t-elle.
D’où l’appel lancé, mardi, par Mme Bokova « à l’administration américaine, au Congrès et au peuple américain ». L’Unesco affirme avoir reçu des centaines de messages de citoyens, américains notamment, demandant comment contribuer, à titre individuel, à combler le trou. « C’est très touchant, commente Mme Bokova. Nous acceptons volontiers et comptons nous adresser davantage aux gens qui, dans le monde, s’intéressent à nos missions et apprécient notre travail. »
Techniquement, il est impossible que d’autres Etats se substituent aux Etats-Unis et à Israël sur les contributions au budget régulier de l’Unesco, relativement faible (653 millions de dollars pour deux ans, la moitié de celui de l’Unicef) et inchangé depuis plusieurs années. La seule compensation envisageable passe par les fonds dits « extrabudgétaires ».
Les Etats financent alors les programmes spéciaux de leur choix, en cohérence avec leurs priorités – ou leurs intérêts politiques. Ces fonds ont progressivement augmenté, jusqu’à dépasser, depuis 2003, le montant du budget régulier. Plusieurs Etats, que Mme Bokova ne souhaite pas nommer, ont fait savoir qu’ils étaient disposés à augmenter leurs versements à ce titre.
Il n’en demeure pas moins que la conférence générale doit voter, avant la fin de sa session, le 10 novembre, un projet de budget 2012-2013 qui ne sera vraisemblablement pas révisé. Depuis son élection, fin 2009, à la direction, la Bulgare Irina Bokova, première représentante des pays de l’est de l’Europe à ce poste, a poursuivi les efforts de son prédécesseur, le Japonais Koichiro Matsuura, en matière de rationalisation des services, de réduction des coûts et de recentrage des priorités. L’angoisse se lit soudain dans le regard de la directrice générale quand il s’agit d’imaginer d’autres coupes, si aucune solution n’est trouvée.
D’autant qu’avec deux nouveaux membres, la Palestine et le Soudan du Sud, l’Unesco s’expose à de nouvelles demandes, pas seulement au chapitre des sites à inscrire sur les listes du Patrimoine mondial de l’humanité. Son bureau de Ramallah, ouvert depuis quelques années, lui permet d’oeuvrer en Cisjordanie et à Gaza, à travers des programmes éducatifs, journalistiques ou culturels.
« L’Unesco est devenue une plate-forme importante de dialogue et de négociations, y compris sur certains aspects du conflit au Proche-Orient », assure Irina Bokova. A ses yeux, il faut absolument qu’elle le reste.
Le deuxième forum international après l’ONU
Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.
Créée le 16 novembre 1945, l’Unesco a pour mission de « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde en resserrant, par l’éducation, la science, la culture et la communication, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ».
195 Etats membres et 8 Etats-îles associés. C’est le plus gros forum international après l’ONU.
Finances. Le budget biennal régulier est de 653 millions de dollars pour 2010 et 2011. Les plus grosses contributions sont assurées par les Etats-Unis (22 %), le Japon (12,5 %), l’Allemagne (8 %), le Royaume-Uni (6,6 %) et la France (6,1 %). Israël ne contribue qu’à hauteur de 0,384 %.
A ce budget s’ajoutent les fonds extrabudgétaires dont le montant dépasse celui du budget régulier, consacré pour plus de la moitié aux seuls salaires.
Effectifs. 2 000 personnes travaillent au siège de Paris et dans 57 bureaux hors siège.
Fonctionnement. Instance suprême et « parlement » de l’Unesco, la conférence générale (équivalent de l’Assemblée générale) en cours (jusqu’au 10 novembre) rassemble tous les deux ans les représentants des Etats membres, afin de voter le budget et le programme. Le conseil exécutif est composé de 58 membres élus par la conférence générale.

 

envoyé par / Ahmed BOUGHABA
Journaliste et critique de cinéma

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