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Lecture dans le projet de la nouvelle charte d’investissement

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hicham saber*

Comme reporté dans certains médias nationaux, le Maroc est en phase de réformer la charte d’investissement de 1995.  En effet, selon  le quotidien Leconomiste (Edition  n°4123 du 30/9/2013), le projet de la charte d’investissement et son décret d’application sont  actuellement au Secrétariat général du gouvernement,  et seront bientôt introduits dans le circuit législatif, d’où l’intérêt d’une lecture à priori des principales modifications que subirait l’actuelle charte en vigueur depuis 18 ans, l’une des plus longues périodes d’application d’une loi fondamentale de l’investissement privé depuis le code  de 1958.

Parmi les principales nouveautés du projet, on cite la réintroduction des contrats d’investissement sectoriels,  concept  déjà connu au Maroc dans les codes de 1973 et 1983,  abandonné en 1995 par la promulgation de l’actuelle charte unifiée. Toutefois, le nouveau projet de charte prévoit que ces contrats d’investissement sectoriels ne peuvent être conclus que dans les secteurs disposant d’une stratégie et d’un contrat programme, une manière pour les pouvoirs publics d’encourager en priorité les secteurs identifiés comme stratégiques pour le Royaume. La deuxième grande nouveauté consiste en la possibilité offerte à la  région de conclure des contrats d’investissement et apporter une contribution financière au projet d’investissement, ce qui représente un prélude du nouveau rôle en avant garde de la régionalisation avancée  que le législateur réserve à la région en tant qu’acteur directe et intervenant dynamique de développement régional.

En ce qui concerne les conditions d’éligibilité des projets aux avantages de la charte, Il est utile de rappeler que le régime contractuel de 1995 en vigueur ne s’est pas limité pour l’octroi des avantages à  l’importance financière du projet, mais il a institué des critères dont il a défini exhaustivement par décret les termes et la signification précise, chose que le projet de la charte en cours de préparation a reconduite dans la définition des projets éligibles au régime contractuel. Ainsi, Il parait clairement que les pouvoirs publics retiennent l’importance du programme d’investissement comme condition  principale  d’éligibilité au régime. Toutefois, le seuil d’éligibilité aux conventions avec l’Etat est revu à la baisse,  150 millions au lieu de 200 millions DHS, une disposition permettant une meilleure couverture des projets d’investissement par le régime contractuel et une attention particulière du gouvernement à leur égard  en dépit de leurs montants.

L’autre nouveauté du projet qui aura surement une incidence positive sur le volume des investissements directs étrangers est la fixation du montant de 100 millions DHS  pour les investissements en devises, ce que la charte de 1995 n’a pas traité de manière spécifique. En effet, l’utilisation du terme « investissement en devises » au lieu d’« investissement étranger » exclut la condition de la nationalité ce qui fait que cet avantage est profitable aussi bien  aux investisseurs étrangers qu’aux nationaux et notamment  aux Marocains Résidents à l’Etranger.
Le critère de création d’emploi  reste dans le nouveau projet comme condition d’éligibilité au régime contractuel. En effet, le seuil  de 250 emplois stables prévu par la charte de 1995 n’a subi aucun changement, c’est aussi le cas de la condition de transfert de technologie. Toutefois, et en attendant les éclaircissements apportés par la publication au Bulletin officiel du nouveau texte, de l’expression « statut prioritaire » et «  les activités ciblées », on ne pourrait se prononcer sur les nouveaux apports en matière d’éligibilité, tout en n’écartant pas que ces nouvelles dispositions concernent , comme c’est le cas dans la charte de 1995, les programmes d’investissement installés dans l’une des préfectures ou provinces objet du décret n°2-98-520, ainsi que les investissements préservant l’environnement selon la définition retenue par le décret 2-00-895, renforcés par les secteurs objets des nouveaux métiers du Maroc (aéronautique, industrie automobiles, énergies renouvelables, …)

En contrepartie de l’investissement réalisé, la charte de 1995 a prévu un ensemble d’avantages financiers au profit des entreprises du régime contractuel. Ses avantages consistant en l’exonération partielle de certaines dépenses supportées par les entreprises, financés par un compte d’affectation spéciale dénommé  Fonds de Promotion de l’Investissement (F.P.I.). Le nouveau projet a globalement gardé les mêmes niveaux de contribution de l’Etat dans l’effort d’investissement. Ainsi,  l’Etat participerait dans le nouveau projet de la charte  à hauteur de 20% aux frais d’acquisition du terrain et dépenses de constructions nécessaires à la réalisation du programme d’investissement, avec la précision que les terrains subventionnées ne doivent pas être d’origine publique. Cette nouvelle disposition tend à éviter les doubles subventions.  L’Etat  contribuerait aussi aux dépenses d’infrastructures externes dans la limite de 5% du montant global au même titre que l’actuelle charte, ainsi qu’aux frais de la formation professionnelle à hauteur de 20% du coût de la formation, en augmentation du double par rapport à l’actuelle charte.
Le projet de décret d’application de la future charte précise aussi que «les avantages peuvent être cumulés sans que la participation totale de l’Etat ne dépasse 10% du montant global du programme d’investissement, et 15% dans une zone suburbaine ou rurale, ce qui est en nette amélioration par rapport à l’actuelle charte qui ne prévoit respectivement que 5% et 10%. Toutefois, le nouveau projet précise que la contribution de l’Etat  ne peut être supérieure à 30 millions DHS, ce qui parait tout à fait logique en cette situation de rareté  de ressources.

L’actuel régime contractuel fait bénéficier les projets d’investissement éligibles  de l’exonération du droit d’importation et de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation, applicables aux biens d’équipement, matériels et outillages nécessaires à la réalisation de leur projet et importés directement par ces entreprises ou pour leur compte. Les entreprises du régime contractuel bénéficient également d’une exonération de la TVA avec droit à déduction relative aux biens d’équipement, matériels et outillages, acquis à l’intérieur, nécessaires à la réalisation de leurs projets.
Dans le nouveau projet de charte, le projet d’investissement garde globalement les mêmes avantages fiscaux  dans les mêmes conditions que ce soit en matière d’importation  et en équipement en interne.

En ce qui concerne la gouvernance du régime contractuel, le projet de la charte des investissements garde les mêmes  procédures d’instruction actuellement en vigueur depuis 2009 avec la création de l’Agence marocaine de développement des investissements (AMDI)  chargée du secrétariat de la commission des investissements, présidée par le Chef du gouvernement. Les seules nouveautés apportées par le projet tendant à plus d’efficacité et de transparence, consistent  en l’institution d’un comité technique de préparation et de suivi regroupant les représentants de plusieurs ministères ainsi que la publication d’un rapport annuel sur les conventions d’investissement.

En ce qui concerne le régime spécifique accordé aux investissements stratégiques que le nouveau projet de charte appelle « l’octroi du statut de grande envergure », il faut rappeler que l’actuelle charte réserve cette mission au Fonds Hassan II pour le développement économique et social,  établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, administré par un conseil d’administration présidé par le Chef du gouvernement et géré par un directoire composé d’un président et de 2 directeurs. Par les moyens financiers de l’Etat mis à sa disposition, le fonds apporte son concours aux projets de différents secteurs d’activité conformes au programme d’action annuel et aux critères de sélection arrêtés par le conseil d’administration. Le nouveau projet de charte n’a pas précisé l’origine du financement des subventions, il s’est contenté d’instituer un comité ad hoc composés par les départements concernés par l’investissement et qui aura  pour mission de négocier avec l’investisseur les avantages qui lui seront accordés.

La publication au Bulletin officiel et l’entrée en vigueur de la nouvelle charte  permettront évidement une lecture plus  précise  de son contenu et une analyse plus profonde de ses apports, ce que nous ne manquerons pas de faire en temps opportun.

*Cadre administratif, docteur en Droit

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