L’homme n’est pas un animal
Mustapha HMIMOU
Il a plu à de nombreux philosophes de présenter l’homme comme un simple animal un peu évolué. Aristote le qualifiait d’animal politique, Hobbes et Darwin le voyaient comme un animal rationnel, tandis que Nietzsche et Freud insistaient sur sa part instinctive et bestiale. Mais réduire l’être humain à un animal n’est ni anodin ni innocent.
Cette vision a souvent servi de prétexte aux pervers pour relativiser, voire ignorer, les normes du bien-vivre ensemble que l’homme s’est lui-même données, et afin de les transgresser sans scrupules pour leur seul bon plaisir. Peu importe alors le besoin vital de cohésion sociale dans une société civilisée. Or, l’être humain n’a jamais été un animal et ne le sera jamais, sauf à vouloir vivre en cynique notoire. Comment donc ?
L’animal n’est fragile qu’à la naissance, puis il se suffit parfaitement à lui-même. L’être humain, lui, demeure fragile toute sa vie. Si fort ou sain soit-il, il peut déchoir à tout instant. Pour bien vivre, il doit sans cesse s’occuper de lui-même ou être pris en charge. C’est pourquoi il est doté, non seulement de l’instinct, mais surtout de la raison.
À la différence de l’animal, il naît nu, sans défense. Il doit fabriquer ses vêtements, produire sa nourriture, apprivoiser le feu, bâtir son abri. Il doit s’adapter à tous les milieux, ce qui signifie travailler, inventer, construire et transformer. En somme, il est le seul être vivant qui, pour vivre, doit œuvrer non seulement à sa survie, mais à l’amélioration de son existence : inventer l’artisanat, le commerce, la cité, l’école, l’hôpital, la barque, la voiture, l’avion… L’être humain n’est donc pas un animal.
Certains animaux vivent en société, certes, mais selon des normes instinctives, ni réfléchies ni perfectibles. L’homme, lui, doit inventer ses règles pour bien vivre ensemble, car sa liberté peut nuire à autrui. Ainsi naquirent les lois, fruits du bon sens et du consensus, pour protéger, punir et dissuader. La civilisation est née de cette conscience de la fragilité humaine et du besoin de justice.
Contrairement à l’animal, l’être humain demeure longtemps dépendant de ses géniteurs après sa naissance. Il a besoin du giron d’une famille, d’un père et d’une mère unis par le lien sacré du mariage pour veiller sur lui. Et ce, autant qu’il a besoin de connaître son ascendance et ses ramifications, ce fil qui le relie au reste de l’humanité.
Et cette union parentale requiert l’existence d’une sexualité régulée par sa limitation stricte au cadre du mariage, que l’être humain a adoptée de par sa nature saine, puis les religions sont venues la confirmer et lui conférer la sacralité nécessaire pour le bien, la stabilité et la sérénité de toute la société civilisée, et notamment pour y protéger les plus vulnérables : les femmes et les enfants.
Par conséquent, la sexualité limitée strictement au cadre du mariage n’est pas seulement sacrée par la doctrine religieuse, pour que les hédonistes athées l’attaquent et la violent afin d’assouvir leurs désirs débridés, mais c’est une nécessité sociale. L’être humain, par sa nature saine, n’a donc jamais été et ne sera jamais un animal, au point que l’intégrité de sa dignité et de son honneur, soient violées sous quelque prétexte que ce soit.
Le règne animal n’a pas besoin d’une telle régulation : sa sexualité suit l’instinct sans troubler l’ordre naturel. L’être humain, en revanche, ne peut vivre selon la « vie de chien« , dite cynisme. Diogène, surnommé en son temps « le chien », par sa conduite hors normes, en fit une provocation contre les nécessaires règles du bon vivre ensemble . Vouloir remettre à la mode ce cynisme hédoniste n’est qu’une perversion morale, une révolte contre les convenances patiemment établies par nos ancêtres pour la dignité humaine.
L’homme n’a donc jamais été un animal, et ne le sera jamais, à moins de le vouloir pour vivre en pervers cynique notoire. Et quiconque désire et aspire à vivre une « vie de chien » au vu et au su de tous, même dans des sociétés où le cynisme a malgré tout prévalu, il y restera à jamais l’objet de mépris et affublé de toutes sortes d’épithètes infamantes, manifestement ou en secret. Ces anathèmes n’ont jamais disparu et ne disparaîtront jamais, mais ont plutôt conservé et conserveront leur acuité, malgré tous les efforts déployés pour les réprimer sous quelque prétexte fallacieux que ce soit, notamment la prétention que l’être humain n’est qu’un animal, simplement un peu plus évolué, afin de le dépouiller de son humanité et de sa dignité légitime, et de l’exploiter à volonté selon des désirs hédonistes pervers.





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