Quand le bon vieux temps ôte le plaisir de vivre le présent
Mustapha HMIMOU

Inspirent pitié les gens qui se plaisent à se rappeler le « bon vieux temps » avec nostalgie et regret, tout en fermant les yeux sur toutes les qualités de la vie présente qui surpassent, de très loin, celles de ce passé idéalisé. C’est une double insatisfaction gratuite et illégitime, parce qu’elle engendre un mal-être absolument injustifié.
Il suffit d’ouvrir les yeux pour constater à quel point les gens, toutes catégories confondues, vivent mieux qu’hier. Même le pauvre d’aujourd’hui, certes encore misérable à bien des égards, vit mieux que celui d’autrefois. Au-delà, tout le reste s’est considérablement amélioré : la santé, l’espérance de vie, la nourriture, l’habillement, le logement, les commodités domestiques, les moyens de transport, les communications numériques instantanées et accessibles à tout moment et à toute distance presque gratuitement, l’accès large et facile au savoir, et bien plus encore. Ce qui hier relevait du rêve ou du miracle est devenu une banalité quotidienne. Et pourtant, combien préfèrent soupirer sans raison en se persuadant tout le temps que « c’était mieux avant ».
La vérité est simple : la coupe n’a jamais été pleine, et elle ne le sera jamais. Celui qui compare toujours son présent à un idéal intengible finit par se condamner à une souffrance endémique et gratuite. La sagesse, au contraire, consiste à comparer la moitié vide du passé à la moitié pleine du présent. Mieux encore, pourquoi pas fermer les yeux sur les deux moitiés vides, pour joindre au plaisir de se rappeler le « bon vieux temps » celui de prendre conscience du bon temps présent ? Le présent qui, à y bien regarder, est infiniment meilleur dans presque tous les domaines, dans l’attente d’un avenir avec moins de désagréments. Alors seulement, on peut goûter à une double et pleine satisfaction légitime et durable.
Les sages de l’Antiquité l’avaient bien compris. L’un écrivait que nous ne vivons jamais, nous espérons vivre, et c’est ainsi que la vie nous échappe. Un autre rappelait que le bonheur ne dépend pas des événements extérieurs, mais du regard que nous portons sur eux. Celui qui tient à nourrir ses regrets injustifiés sera tout le temps malheureux et misérable même au milieu de l’abondance.
Voilà pourquoi il faut apprendre aux nouvelles générations, dès leur jeune âge, à cultiver la bonne et juste comparaison de la vie présente à celle d’antan. Sinon, le stress gratuit prendra la place du bien-vivre réel, et l’insatisfaction endémique deviendra leur lot quotidien.
Peut-être qu’au fond, le défi majeur de notre époque n’est pas technologique mais psychologique. La technique nous a donné plus que ce que nos ancêtres n’auraient jamais osé rêver. Ce qu’il nous manque, c’est d’apprendre à regarder ce présent avec gratitude, au lieu de l’écraser sous le poids d’un passé enjolivé ou d’un futur idéal, toujours à jamais intangible. Un futur meilleur, oui, mais jamais parfait : nature humaine oblige.





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