Rigueur carcérale stricte pour le salut public
Mustapha HMIMOU
Face à l’insécurité croissante dans le monde, il est utile de se pencher sur le système carcéral japonais, comme le montre le documentaire À quoi ressemble la vie dans une prison japonaise ?. On y découvre un univers d’une rigueur extrême : les détenus marchent en rang attachés par une corde, doivent garder le silence absolu en dehors des rares moments de loisirs, et chaque minute de leur journée est minutieusement réglée. La discipline y devient un instrument de redressement moral pour des individus que la société juge dangereux.
Il ne s’agit pas ici de délinquants mineurs, mais de criminels pleinement conscients de la gravité de leurs actes, potentiellement récidivistes et dangereux et qui menacent la sécurité des citoyens et sèment la terreur parmi eux. Ils ne peuvent pas se justifier par une quelconque enfance difficile et prétendre que la société les a injustement traités, comme le font souvent leurs avocats en Occident. Ceux qui les ont opprimés ne sont pas la société tout entière pour qu’on se venge sur ses membres innocents. Et ceux qui se tournent vers la drogue pour oser commettre des crimes aggravent leur responsabilité et sont soumis à une discipline carcérale plus stricte, afin de les réhabiliter.
Ainsi dans le système carcéral japonais, chaque instant est surveillé : travail obligatoire, horaires stricts, respect total de l’autorité. Le silence et la routine invitent à la réflexion, le travail enseigne la persévérance, et la discipline régule les pulsions. L’objectif n’est pas de briser le détenu, mais de le reconstruire. À sa sortie, il n’est pas un automate, mais un citoyen capable de se gouverner lui-même.
Puisque cette rigueur dans la discipline carcérale ressemble à celle de la discipline militaire, elle apparaît normale et ne suscite ni étonnement ni objection dans le contexte japonais. Elle s’appuie sur la culture confucéenne qui respecte, voire sacralise profondément l’ordre et l’autorité, tout en imposant le devoir d’intégrer et d’adhérer aux règles de la vie en société. C’est ce facteur culturel qui distingue le Japon de l’Occident. Grâce à lui, la discipline est acceptée et comprise, et le détenu s’y conforme sans la percevoir comme arbitraire..
À l’inverse, de nombreux pays occidentaux, dont la culture valorise davantage l’individu et les droits personnels, présentent un contraste frappant avec les pays confucéens. Dans ces sociétés, des criminels violents peuvent retrouver la liberté après une peine limitée, parfois mieux nourris et logés que les pauvres SDF innocents mais démunis. Et les prisons engorgées deviennent parfois des écoles criminogènes, où simple détenus de droit commun côtoient criminels endurcis, favorisant la récidive et compromettant la sécurité publique. Les délits graves affichent dans certains pays d’Europe des taux de récidive supérieurs à 50 %, malgré des dépenses considérables pour les éviter.
Aux Etats Unis par exemple, l’article intitulé Dallas County District Attorney John Creuzot says he won’t prosecute some minor crimes, publié par The Texas Tribune, rapporte que le procureur de Dallas a décidé de ne plus poursuivre certains délits mineurs, comme le vol de faible valeur commis par nécessité ou la première possession de marijuana. Il entend ainsi concentrer les moyens judiciaires sur les crimes graves et réduire la surpopulation carcérale, au risque, selon ses détracteurs, d’encourager la délinquance. Cette a depuis été retirée.
Le débat ne se limite pas ici à l’efficacité de la rigueur carcérale, mais s’étend à la valeur accordée à la liberté individuelle face à la sécurité collective. Le modèle japonais fonctionne parce que la discipline y est culturellement acceptée, voire exigée, et conçue pour réformer l’individu au profit de la société, non pour le briser ou le détruire
Le modèle japonais n’est pas universellement reproductible pour obtenir les mêmes résultats. Chaque société doit déterminer, selon sa culture, jusqu’où elle peut appliquer une discipline rigoureuse en prison, surtout pour les criminels dangereux, afin de protéger ses citoyens tout en redressant les comportements déviants.
Dans le Sud global, cela n’est envisageable dans bon nombre de cas que si le pays est suffisamment puissant économiquement et politiquement, comme le Japon, la Corée du Sud ou la Chine, pour ne pas être critiqué ou sanctionné sous prétexte des droits de l’homme à des fins purement géopolitiques, sinon bien des tragédies, comme celles de la Palestine et de Gaza, n’auraient pas du tout eu lieu.
En fin de compte, le Japon démontre une vérité simple : la sécurité a un prix, et ce prix s’appelle la rigueur salutaire de la discipline en prison, appliquée intelligemment, ciblée vers ceux dont les actes menacent gravement la société et rendue efficace par un facteur culturel particulier. Ailleurs, sans cette même rigueur adaptée à la culture particulière, d’autres mesures ne seraient peut être pas aussi efficaces pour la protection réelle des citoyens.





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