La Planète des Singes: Une double agression
A- Première agression.
A peine débarqués sur l’une des quatre planètes du système de Bételgeuse à laquelle ils donnent le nom de Soror en raison des similitudes qu’elle a avec sa sœur la Terre, les voyageurs de l’espace, et après deux années d’une navigation paisible dans les profondeurs du lointain cosmos sont reçus par un groupe d’êtres humains semblables à ceux de la planète Terre. Mais La similitude s’arrête au seul aspect physique « C’étaient tous de solides, de beaux échantillons d’humanité, hommes, femmes à la peau dorée… » (page 32). Ces hommes sont en effet tout nus et semblent ignorer l’usage de la parole, plus grave encore, ils ignorent toute forme de langage articulé. Ce sont des bêtes à forme humaine car il semble qu’ils sont dépourvus d’âme pensante et intelligente « Je leur adressai des baisers avec la main. Aucune de ces manifestations n’éveilla le moindre écho. Aucune lueur de compréhension n’apparut dans leur prunelle » (page 32)
Les trois voyageurs de l’espace sont attaqués par les hommes de Soror, mais cela n’a rien d’une agression où il est fait usage de la force d’une manière brutale, où sont utilisées des armes dont disposent ces hommes. Et l’arme la plus primitive demeure une arme redoutable car le rapport de force ne joue pas en faveur des Terriens malgré les quelques armes à feu dont ils disposent et qu’ils n’utilisent d’ailleurs pas.
Les sauvages de Soror agressent les terriens de la manière la plus pacifique mais la plus anarchique en leur arrachant les vêtements, en cassant les armes, en détruisant la chaloupe spatiale et tout ceci, sans s’aider d’une quelconque arme. Pourtant les armes ne manquent sur aucun endroit de la planète : tout moyen de défense ou d’agression utilisé pour se défendre ou pour attaquer est une arme. Les armes varient en fonction du dommage queleur utilisateur cherche à provoquer chez la personne qu’il agresse ou contre laquelle il se défend. Les armes dont disposent tout guerrier même le plus primitif d’entre les guerriers sont les armes contondantes, perforantes ou tranchantes.
Ces hommes, bien qu’ils aient une forme humaine, sont encore au premier stade de l’évolution si l’on en croit le célèbre biologiste Darwin. C’est-à-dire qu’ils sont au stade de l’homo erectus : en effet, dans leur attaque contre les Terriens, ils n’ont utilisé aucun outil comme auxiliaire.
Quel est le but de cette agression ? « Ils n’en voulaient pas à notre vie, mais à nos vêtements et à tous les accessoires que nous portions » (page 35). Les sauvages de Soror n’avaient d’autre but que celui de ‘’ rendre à la raison et à la nature’’ leurs semblables travestis en singes.
B- Deuxième agression
Les voyageurs de l’espace ne sont pas au bout de leur peine puisque juste après la première attaque menée contre eux par les hommes de Soror, les voici pris en chasse par des singes. Ce qui caractérise cette agression c’est son caractère à la fois violent et organisé. Violent par le massacre perpétré par les singes contre les hommes de Soror et dont Ulysse Mérou est à la fois témoin et victime. Violent par le nombre des victimes et par la terreur qu’elle inspire : « Je fus le témoin terrible de ses soubresauts. Je m’aperçus alors que l’allée qui coupait la forêt était parsemée de corps humains » (page 46)… « Les cadavres nus, troués, en des postures ridicules, ensanglantaient le sol » (page 46)… « Le coup de feu parut le couper en deux et il s’écroula, ajoutant son cadavre à tous ceux qui jonchaient déjà le sol » (page 48).
L’attaque est également organisée et de manière savante. En effet, la distribution des tâches est régie de manière ordonnée et hiérarchisée. C’est beaucoup plus une partie de chasse dont les chasseurs sont des singes et le gibier des êtres humains qu’une attaque qui suppose une riposte de la partie adverse.
Certains singes, munis de gourdins, servent de rabatteurs : ils repoussent le gibier vers les chasseurs armés de fusils, qui, postés à des endroits convenus, attendent que le gibier soit à découvert pour lui tirer dessus : « C’était un énorme gorille, qui tapait au hasard avec un gourdin, en hurlant de toute la force de ses poumons » (page 47)…. « Il était là, debout, un peu penché en avant, dans la posture du chasseur à l’affût, serrant un fusil dans ses longues mains » (page45). D’autres singes, des subalternes, dirons-nous dans le langage de chez-nous, suivent les gorilles chasseurs pour recevoir d’eux le fusil déchargé et leur tendent celui qui est rechargé : « Le chasseur venait de lui tendre son fusil. Le chimpanzé lui en passa un autre, qu’il tenait à la main. Puis avec des gestes précis, utilisant les cartouches qu’il portait autour de la taille et que les rayons de Bételgeuse faisaient étinceler, le petit singe rechargea l’arme. Ensuite, chacun reprit son poste. » (page 46).
Ceux parmi les hommes qui ont réussi à échapper à la tuerie tombent dans les filets que leur ont tendus les singes pour les capturer vivants. Même l’homme le plus intelligent et le plus entreprenant, venu de l’autre côté de l’univers, se fait prendre comme un lapin.
Quel est le but de cette agression ?
C’est une partie de chasse et une partie de plaisir comme celle qu’organisent dans les pays développés les grands seigneurs, surtout en Grande Bretagne où des hommes d’une certaine condition se livrent à la chasse à courre, qui se termine par une fête commémorée par des prises de photos pour célébrer la victoire de l’homme sur la bête : « C’était un chimpanzé. Je reconnus vite en lui le photographe qui devait fixer le souvenir de ces exploits cynégétiques pour la postérité simienne….Les gorilles se faisant d’abord prendre individuellement dans des postures avantageuses,certains posant le pied d’un air triomphant sur une de leurs victimes, puis en groupe compact… » (page 52).
Cette battue sert également à alimenter les zoos en sujets pour divertir la population simienne : « …c’était à celui des hommes, adultes aussi bien qu’enfants, qui réussirait le meilleur tour- escalade des grilles, marche à quatre pattes, marche sur les mains- pour obtenir la récompense … » (page115) et les laboratoires en cobayes : « Vous constaterez que nous insensibilisons les sujets,ici aussi ; un anesthésique léger, sans quoi les résultats seraient faussés, mais le patient n’endure aucune douleur » (page 167).
C- Conclusion
Il est indéniable que les singes ont évolué au rang de l’homo sapiens ou pour reprendre Pierre Boulle au rang du simius sapiens (page 94). Que cette évolution ait été le fruit d’un apprentissage ou d’une imitation, cela ne change en rien la condition de l’homme qui a dégénéré au rang de l’homo erectus. En effet, cette dégénérescence ne s’est pas seulement effectuée sur la seule et lointaine planète Soror mais également sur la planète Terre. A son retour, Ulysse Mérou est accueilli à l’aéroport d’Orly par des singes’’ C’est un gorille’’ (page 190) et non par des hommes , comme l’attendaient le reporte et le lecteur, ce qui l’a contraint à faire demi tour et à revenir dans l’espace où il est condamné à errer dans l’attente d’une planète d’accueil où il pourra atterrir et faire souche avec sa femme et leur fils, à la manière d’Adam et Eve.
Plus grave encore, tout l’espace est occupé par les singes, ce qui laisse augurer la fin du règne humain au profit du règne simien’’…tandis que Phyllis, ayant chassé un dernier doute en secouant énergiquement ses oreilles velues, sortait son poudrier et, en vue du retour au port, avivait d’un léger nuage rose son admirable mufle de chimpanzé femelle’’ (page 191).
Les numéros des pages renvoient à l’édition POCKET
2 Comments
tréé tré bien la planét des singes
je veux vous dire que c’est génial et magnifiqe ça meeeeerci beaucoup