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Le parlementaire (fin

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La fatigue s’empara de lui. Il décida de regagner malgré tout la falaise et se laissa bercer par le roulement lointain des vagues et les cris des mouettes dont la blancheur imitaient les ourlets blancs des vaguelettes. Il se ferma les yeux pour ne plus voir ces mains des victimes de l’affaire « annajat » qui se tendaient vers lui à chaque fois qu’il scrutait l’horizon de la mer. Sa pensée, il la réservait en ce moment à Tarnoun qui venait de tout savoir. Il le connaissait bien. Il savait qu’il allait colporter son histoire parmi les gens de sa circonscription qui lui en voulaient déjà. Mais de temps en temps il pensait à son coup de téléphone qu’il attendait de lui pour qu’il le rassurât à propos du rendez vous avec El Mekki. Il appuya sur le bouton de la radio cassette. La fin d’une information l’accrocha : « …Le cycliste est dans un état désespéré, quant au chauffard, il avait pris la fuite ou ne s’était même pas rendu compte qu’il avait renversé quelqu’un… Cycliste, prenez garde la nuit, les chauffards, de plus en plus jeunes, sèment la terreur sur les routes, voire dans les rues… ». Il eut une pensée pour sa fille et son fils, puis une musique détourna sa pensée… Il se laissa emporter par le violon de l’atlas… Le sommeil s’empara de lui, tant il se sentait fatigué ! Dans son rêve, son image lui parut. Elle portait toujours le sparadrap qui cachait la trace du baiser. Elle avait un air grave et lui dit : « Tu m’as chassée par tes comportements dictés par tes intérêts personnels, faisant fi des principes que tu défendais, et au lieu d’être au service du peuple, comme tu le prônais, tu le trahis… Voilà pourquoi je t’ai quitté ! Je ne pouvais plus me voir en toi… Car moi aussi je me voyais en toi quand tous les matins tu venais te voir en moi dans la glace. Et comme je fais partie de toi, mais n’ayant pas ton pouvoir, je m’exilai là où tu ne peux l’imaginer. Je sais que tu veux me retrouver. Ton égoïsme est plus fort que toi. Tu veux te servir de moi seulement pour que tu te soignes au niveau de l’apparence… Comme ajuster ta cravate ou te rassurer de la blancheur de tes dents, ou te raser et te papoter les joues… En plus de ça tu veux que je te souris et t’embrasse, alors que tu me répugnes, tu me dégouttes ! Tu te sens aveugle, hein Narcisse ! Amoureux de ton image qui t’a fui ! Mais ne t’en fais pas ! Tu me retrouveras, tu me reverras… Tu es mon image, je ne peux hélas me séparer de toi, mais je te laisse la surprise… Reviens chez toi ! Tu me retrouveras… Inutile d’aller voir ce charlatan, lui-même est à la recherche de son image… Il ne peut rien pour toi. « Si le gingembre guérissait, comme diraient tes aïeux, il se serait guéri lui-même ! ». Reviens chez toi, tu me retrouveras ! C’est un ordre…ordre…dre… ». Ce furent les dernières paroles de l’image qui se perdirent dans les méandres du rêve en une redondance d’échos qui réveillèrent notre parlhumanoïde en un sursaut de quelqu’un qui aurait rencontré le diable. Il était tout en sueur avec la chaleur étouffante qui sévissait à l’intérieur de la voiture. Il sortit de la voiture pour humer un peu d’air éventé au loin par les vaguelettes. Mais en même temps il se sentit un peu soulagé. Ce rêve qui ressemblait à la réalité lui donna beaucoup d’espoir. Une fois rafraîchi, il rentra dans sa voiture, jeta un regard dans le rétroviseur, espérant que la surprise dont il était question dans le rêve, se réaliserait, bien qu’il fût convaincu que la surprise l’attendait chez lui. En effet, il ne vit rien au fond du ain. Alors il démarra et prit le chemin du retour. Le téléphone ne cessait de sonner. Il ne répondait pas, car sur le cadran, c’était le nom de Tarnoun qui clignotait. Il n’avait plus envie d’aller voir ce charlatan, du moins pour le moment. Il se fiait à son rêve. Cela ne pouvait qu’être vrai. Il avait confiance en son image. Il brûlait d’envie de se retrouver chez lui. Il était tout près…

Une fois à l’intérieur, il remonta deux à deux les escaliers qui menaient à la chambre à coucher et à la salle de bain. Une envie folle de revoir son image ainsi que l’envie de se soulager la vessie, le faisaient cabrer tel un caprin sur les versants d’une falaise. Sa femme et ses enfants ne se trouvaient pas à la maison. Ils étaient sortis. Quand il se trouva dans la salle de bain, l’envie folle d’uriner eut le dessus et le guida vers la cuvette des toilettes. Il se tint debout et, tout en se fermant les yeux, se mit à ouvrir sa braguette. Quand il eut baissé la tête, il rouvrit les yeux pour mieux ajuster son tir, il vit alors son image qui lui souriait du fond de l’eau retenue par le goulot de la cuvette…Grande était sa surprise ! Paniqué, ne pouvant se retenir et ayant peur d’éclabousser son image et la perdre peut être pour toujours, il se soulagea sur son pantalon et arrosa le sol. Tout en se vidant la vessie, il admirait son image qui, du fond de la cuvette, lui lança un bonjour en un sourire narquois : « Salut ! Narcisse des toilettes ! ».

FIN

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