Le parlementaire (20

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Une véritable colle ! Aurait-il dit au fond de lui-même. C’est une véritable pie et elle est d’un caractère très difficile. Il ne pouvait souffler que lorsqu’il se trouvait loin d’elle, surtout en compagnie de celles qu’il considérait comme des masseuses, qu’il allait rejoindre dans un centre d’ergothérapie. Du moins considéré comme tel. Les plus avertis, aimaient lui coller le nom de « centre d’orgasmothérapie ». Là, il pouvait côtoyer intimement celles ayant le don de l’élever au septième ciel, par une simple touche, un simple soupir, un simple regard… Ce soir, son ami, nommé récemment premier ministre, l’attendait. Il attendait lui aussi cette occasion. Il mourait d’envie de briguer un poste ministériel comme on le lui avait promis. C’est pourquoi d’ailleurs ce matin, il avait succombé à la tentation de son image. Il voulait s’assurer qu’une figure comme la sienne allait bien avec la figure d’un ministre. Une forte joie interne voulut qu’il fît cette bise aux conséquences fâcheuses. Mais cette joie qu’il voulait partager avec sa femme, bien qu’elle ne la méritât pas, selon lui, fut troublée par cet évènement bizarroïde. Il était attendu par son ami, mais il ne pouvait le rejoindre qu’après cette visite chez El Mekki dont il attendait beaucoup, et en qui il avait confiance ; une confiance nourrie par les commérages des journaux qui avaient fait de lui un être au pouvoir surnaturel, capable de guérir de toutes les maladies et d’annihiler tous les effets des sortilèges, grâce à ses dons mirifiques et exceptionnels. Une publicité qui finit par aboutir sans aucune difficulté, vu la vulnérabilité d’une société déjà rodée par une forte croyance aux mystères et aux charlatanismes, huilée par cette culture aux racines millénaires se nourrissant des obscurités ataviques et flétrissant au moindre soupçon de lumière de la raison les atteignant à peine.
Il commençait déjà à s’impatienter. L’attente de Tarnoun ou plutôt de son appel, semblait s’éterniser. Il roulait sans un but précis. Il préféra faire demi-tour pour retourner sur la falaise qu’il avait quittée. Il avait besoin de calme et, seuls les cris des mouettes et les roulements des vagues pouvaient lui en procurer. Mais les mains des « naufragés », victimes d’ « Annajat » réapparurent de nouveau sur le pare-brise et même dans le rétroviseur. Il fut obligé de s’arrêter pour chasser cette vision qui ne cessait de le hanter. Il se rangea sur le côté, alluma une cigarette et se mit à tirer bouffée après bouffée. Ses yeux toisèrent de biais le rétroviseur. Il vit les mains des « naufragés » puis, les voitures qui arrivaient de loin. Il vit aussi la fumée de sa cigarette. Son cœur battit fort. Il eut l’impression qu’il allait sauter hors de sa poitrine. Etait-ce un signe qu’il pouvait enfin revoir son image ? Il se mit en face du rétroviseur, les yeux bien fermés. Il attendit un bon moment durant lequel il fit toutes les prières et fit appel à tous les saints pour qu’ils le délivrassent de cette malédiction, due peut-être à un mauvais œil ou à un envoûtement qui lui aurait été jeté par l’un de ses nombreux envieux. Enfin il rouvrit les yeux. Mais rien n’apparut au fond du tain du rétroviseur, hormis les mains des « naufragés ». Effrayé, il se dégagea du champ visuel du rétroviseur. Une grande déception vint lui confirmer à nouveau qu’il avait bel et bien perdu son image… et peut-être pour toujours. (A suivre)




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Ou dans un centre de thalassothérapie…