Home»Régional»Le parlementaire (18

Le parlementaire (18

0
Shares
PinterestGoogle+

-18-

Tarnoun prit tout son temps quand on vint l’interpeller. Il était habitué à ce qu’on vint le chercher pour un service quelconque. Mais pour mieux se donner de l’importance, puisque c’était son seul souci majeur, du moins aux yeux de son assistance, il prenait cet air de quelqu’un d’incontournable et d’indispensable pour ces personnalités se trouvant dans la nécessité de ses services et prenait tout son temps avant de répondre à l’interpellation. C’est pourquoi il ne parut pas pressé, bien qu’au fond de lui-même, il brûlât d’impatience pour aller rejoindre cette haute personnalité qui allait certainement lui assurer un revenu lui permettant de couvrir les dépenses de quelques journées et affronter la cherté de la vie du mois sacré de ramadan qui n’allait pas tarder à asseoir son règne parmi les croyants qui ne croyaient qu’en « money ». Il fit signe de sa tête à celui qui était venu l’interpeller pour laisser entendre qu’il avait compris, et continua son récit qu’il avait entamé, pour ne pas décevoir son assistance toujours avide de ses histoires, mêmes exagérées, voire invraisemblables.

…Je l’ai alors surpris, disait-il, en train de chercher à saisir les pieds du directeur pour les baiser, et le directeur qui lui criait en retirant ses pieds : « Mais retiens-toi bon sang !.. ». J’ai eu honte. Je voulais refermer la porte et m’éclipser, mais le directeur qui m’attendait, m’a aperçu et m’a appelé : « Tarnoun ! Tarnoun ! reviens !.. Viens voir celui qui se fait passer pour un ange !.. ». J’ai eu honte à sa place. Si le sol sous mes pieds s’était ouvert en ce moment, je m’y serais volontiers laissé engouffrer ! Je ne pouvais pas le regarder avançant sur ses genoux, essayant d’attraper les pieds du directeur qui essayait de le retenir par la tête en faisant des petits pas en arrière pour retirer ses pieds, comme s’il avait peur d’être mordu par un chien. Il ne cessait pas de le supplier : « Monsieur le directeur ! je ne recommencerai plus, je te le jure sur la tête de ma mère !.. ça a été un moment de faiblesse de ma part, je le reconnais, Satan m’a aveuglé, que Dieu le maudisse !.. ». C’est dans cette situation lamentable que j’ai surpris celui qui veut passer pour un homme intègre, un homme d’honneur, un homme croyant… C’était lui Satan. Mais vous ne m’avez pas demandé pourquoi ?

Tous l’interrogèrent :

Pourquoi ?

Parce que le directeur l’avait surpris dans une position pour le moins qu’on puisse dire, douteuse, avec sa secrétaire !, voilà pourquoi !..Et aux toilettes s’il vous plaît !..

Ya latif ! ya latif ! répétèrent-ils tous ensemble d’une voix enrouée par la nicotine, à tel point que celui qui serait entré à ce moment-là dans le café, en plus de l’écho qu’il y avait, aurait certainement cru entendre des bêlements et non une exclamation d’indignation.

Tarnoun se leva, regarda son verre de thé, prit une bouffée de sa cigarette qu’on venait de lui offrir et qui se consumait toute seule entre ses doigts durant le récit, puis sirota une bonne gorgée. La dernière d’ailleurs qui se trouvait au fond du verre et qui s’était refroidie, en tenant à ce que la déglutition se fît entendre et posa le verre en un coup sec, comme pour marquer le point final à ce récit, et par là à cette première rencontre de cette journée. Il rejoignit non sans se presser la voiture qui venait de lancer un klaxon d’impatience et qui était toujours fermée hermétiquement, comme pour bouder ce lieu populaire où la nécessité l’astreignit à faire rouler ses pneus. La portière de droite s’ouvrit comme de manière automatique, et happa Tarnoun. Les cous des clients assis sur la terrasse, s’étiraient autant que faire se peut pour lorgner l’intérieur de la voiture, en vain. Aussitôt que la portière se referma, la voiture démarra dans une joie manifestée par le vrombissement du moteur et les crissements des pneus qui soulevèrent cette fine poussière dont s’abreuvaient à longueur de journées, les verres et les tasses, les narines et les bouches des clients.(A suivre)

MédiocreMoyenBienTrès bienExcellent
Loading...

Aucun commentaire

Commenter l'article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *