Electeurs et élus

Nous avons vécu tout au long d’une semaine au rythme de l’agitation d’une campagne électorale des plus froides. Nous avons été habitués par le passé à plus de chaleur des petites fêtes auxquelles nous conviaient les élus : un verre de thé par-ci, un plat de couscous par-là, poulets aux olives rouges, viande d’agneau aux amandes dorées, agneau rôti au four ; cela dépendait de la qualité et du rang des convives, du degré de certitude des voix à aller à l’urne du maître des lieux ; c’est un investissement hasardeux et incertain il est vrai et l’investissement incertain et hasardeux ignore l’étude du marché car il obéit au flair. Rien de tout cela cette année, la preuve est que ceux qui nous avaient habitués à de telles pratiques ont mal fini car ils ont mal mené leur campagne électorale en l’absence de zrouds. Les citoyens eux,privés des bouillons gras des campagnes d’antan, ne savent plus à qui donner leurs voix car auparavant, les électeurs et les élus avaient l’habitude de se sceller les uns aux autres par les liens d’un engagement réciproque du donnant donnant du type’’ je vous invite à manger chez-moi et à vous faire des promesses contre votre parole de me donner votre voix’’ .Or cette fois-ci,il n’y a pas eu d’accord de ce genre et ce sont les élus qui ont manqué au code qui régissait les campagnes électorales à la manière d’autrefois. Et ce sont encore une fois les élus qui ont perdu étant donné que l’échange n’a pas eu lieu :pas de campagne autour d’un plat , pas donc de voix dans l’urne. Privation pour privation .En conséquence, les électeurs ont été désorientés car ils ne savent plus pour qui voter. D’habitude, ils donnaient leur voix à qui les ferait rentrer chez-eux et leur offrirait à boire ou à manger ou leur ferait une promesse à faire baver plus d’un en cas d’élection. Si le taux d’abstention est élevé c’est parce que les électeurs n’ont pas donné leur parole aux élus de voter pour eux. Les campagnes les plus réussies et les plus chaudes avaient lieu au domicile même des élus qui orientaient les électeurs, autour d’un verre de thé, d’un plat de couscous avec des promesses collectives ou individuelles, glissées directement dans l’oreille des personnes les plus influentes pour fléchir les personnes les plus récalcitrantes. Les élus qui avaient coutume d’user de ces stratagèmes avaient plus de succès aux urnes car leur campagne était organisée non autour d’un programme national réel, réaliste et convaincant mais autour d’un programme local, personnalisé, taillé pour chacun des convives d’une soirée, le temps d’une campagne électorale mais qui ne dépasse pas le seuil de la porte de sortie de la maison de l’élu. Comme les élus ne peuvent pas intéresser leurs électeurs par leur programme économique, social, politique…ils taillaient pour chacun d’eux un programme personnel qui commençait par une bonne pitance et se terminait par des promesses alléchantes. Les choses ont changé mais les mentalités des élus sont restées les mêmes. Il est clair que les élus n’ont pu mener leur campagne électorale sans les artifices dont j’ai parlé plus haut. C’est pourquoi ceux qui avaient l’habitude de compter sur de telles pratiques sont mal arrivés, faute d’un programme aux contours bien définis.
Les électeurs, eux, votent pour des personnes au lieu de donner leur voix à un parti et ils n’ont pas tort d’agir comme ils le font car qu’est-ce que le Parti de L’Indépendance dans un pays où l’ont est indépendants depuis belle lurette ? Qu’est-ce que le Parti de la justice et du Développement quand on ignore ce que l’on cherche à développer chez la citoyen ? Qu’est-ce que le Parti Socialiste à une époque où personne ne veut du socialisme ? Et qu’est-ce que le Mouvement Populaire dans un pays où les citoyens se sentent figés dans un système politique et économique à l’arrêt ? Pour ne citer que ceux-là. Les citoyens ont tout à fait raison de voter pour des personnes physiques car après Aftati père, il y aura Aftati Junior, après Haddouche, Haddouche junior, après Houate, Houate Junior comme pour Hjira père, il y a bien Hjira fils. Ainsi vont les choses dans un pays où ce ne sont pas les partis qui dirigent mais les familles qui sont à la tête de ces partis. Que serions-nous devenus si feu Hjira n’avait pas de descendance et de surcroît mâle ? Imaginez l’orphelinat dans lequel nous serions tombés.
Pour finir, nous souhaitons, nous, les électeurs actuels que Messire Aftati, messire Houate et Messire Haddouche aient des héritiers mâles pour qui nos enfants voteront lorsque nos enfants seront en âge d’élire et les leurs en âge d’être élus. Quant à Messire Hjira, il a une longueur d’avance sur ses adversaires puisqu’il a sans aucun doute un petit-fils qui porte le nom et le flambeau de son feu grand père. Ainsi nous mourrons rassurés de voir que la relève est déjà assurée.
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