Le Saint Pape

En dehors de la mission pour laquelle les cardinaux l’ont investi en faisant fumer les toits du Vatican, le Pape a d’autres vocations dissimulées sous sa soutane. La dernière en date est à caractère soi disant humain. Sa Sainteté s’est beaucoup inquiétée pour un groupe d’évangélistes débarqués dans un pays qui n’est pas le leur en vue d’évangéliser ses habitants qui ont d’autres chats à fouetter que des évangélistes à écouter. Au lieu de se laisser faire, les habitants de ce pays les ont retenus prisonniers. Ce qui, semble-t-il, est contraire aux principes moraux qui gouvernent les conduites des gens policés, principes élaborés par les grands de ce monde pour les petits de ce monde et auxquels il faut se plier et aux règles d’hospitalité qui régissent les rapports entre les peuples. J’ai dit que Sa Sainteté était inquiète et elle l’a fait savoir haut et fort et j’ignore si c’est le côté é humain qui l’a emporté chez-elle sur le côté religieux ou l’inverse. Le Pape est-il inquiet pour ces gens parce que ce sont des êtres humains ou parce que ce sont des évangélistes ?
Pourquoi le cœur du Pape ne palpite-t-il pas pour d’autres êtres humains pourchassés dans leur pays par d’autres humains venus, à la force de l’arme, s’installer confortablement dans leur pays où ils sucent à la paille le jus noir de leur sol et piquent les richesses de leur sol à la pointe de leurs fourchettes. Les habitants de ce pays, traqués, courent dans les montagnes trouver refuge, dorment dans des grottes ou sous des arbres où ils doivent s’abriter au rythme des saisons, contre le soleil ou la pluie et la neige, réduits à manger les racines ou l’herbe et à boire dans le creux de leurs mains l’eau de pluie. Leurs montagnes sont aplanies par les bombes, leurs forêts réduites en cendre, leurs rivières asséchées, leurs femmes réduites à des ombres errantes et leurs enfants mendiant sur les routes leur pain aux étrangers devenus les nouveaux maîtres de leur pays. A l’envahisseur les villes, les plaines, les vallons et les vallées, les richesses du sol et du sous sol ; aux habitants, les montagnes réduites à des amas de pierres et de roches, les grottes, la faim et la soif.
Pourquoi le cœur du Pape ne bat-il pas pour d’autres êtres humains, arrêtés dans leur pays, embaluchonnés comme de la fripe et envoyés dans un autre pays qui n’est pas un pays mais un camp de détention comme ceux pour lesquels ont été jugés et condamnés d’autres personnes à une époque non loin de la nôtre dans un procès célèbre par sa tristesse que nos enfants étudient dans leur livre d’histoire. Ceux-là avaient droit à un triste procès, pas ceux-ci. Ceux-là avaient le droit de mourir même au bout d’une corde, pas ceux-ci. Les porteurs de bonnes paroles finissent le plus souvent pendus au bout d’une corde ou courant dans les montagnes. Le monde va à cloche-pied.
Pourquoi le Pape ne s’inquiète-t-il pas pour ces êtres humains qui s’entredéchirent entre eux bien qu’ils soient frères, voisins ou concitoyens ? Ils s’entretuent pour la bouchée de pain que ceux chez qui vous logez leur ont ravie. Pleins de haine,ils se regardent dans les yeux pour mieux voir l’endroit où porter le coup fatal , le coup de fin de vie à s’asséner et ignorent qu’ils luttent pour la mort et leurs pieds foulent un trésor que seule la poussière que soulève leur haine leur cache. Ceux qui leur ont pris la becquetée, attendent, déjà la paille à la bouche et la fourchette à la main, prêts à se mettre à table.
Votre Sainteté, vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi d’autres êtres humains, sous d’autres cieux, meurent de faim ou ne mangent pas à leur faim ? Pourquoi leur peau leur colle-t-elle à l’os ? Pourquoi leurs os se dressent-ils sous le cuir de ce qui leur reste de chair ? Pourquoi dorment-ils, si l’on appelle dormir, s’allonger sur la terre nue et poussiéreuse, sous des haillons que soutiennent quelques branches que le vent du désert leur a apportées ? Que mangent-ils ? Que boivent-ils ? Vous avez vu Monseigneur ce qu’ils boivent et ce qu’ils mangent. Avez-vous pensé à ces gens-là ? Vous êtes-vous demandé pourquoi ceux que vous avez sous votre croix sont roses et rondelets alors que ceux-là n’ont pas de couleur car la couleur vient du sang qu’ils n’ont pas ? Ceux que vous avez sous votre croix ont la main longue et la griffe acérée : ils leur ravissent leur pain.
Avez-vous pensé à ces autres êtres humains qui ont été chassés de leur terre, disséminés çà et là, condamnés à partager le gîte et le pain avec des voisins qui les hébergent ; ceux qui sont restés chez eux, sans avoir un chez eux, doivent accepter le mépris, l’humiliation, l’enlèvement, l’assassinat, la faim, la soif. Au quotidien. Les bombes leur pleuvent sur la tête, n’épargnant ni les femmes, ni les petits ni les vieillards. Les avions, le jour comme la nuit, sillonnent le ciel et lâchent leur haine meurtrière sur les têtes des paisibles civils ; les chars, monstres d’acier, toutes gueules béantes crachent leur feu sur des maisons sous lesquelles de pauvres créatures terrorisées, grelottantes, muettes, se terrent. Vos yeux de saint homme ne voient pas ces êtres humains à la face abominable, votre cœur est fermé à leurs souffrances, vos oreilles à leurs gémissements.
Imaginez, Monseigneur, qu’un beau matin vous vous réveilliez, que vous demandiez vos pantoufles et que l’on vous réponde :’’En voilà UNE, quant à L’AUTRE, elle est dans votre bibliothèque’’.’’ C’est pas rigolo, que vous leur dites, Vous voyez bien que des pantoufles ça ne va pas l’UNE sans L’AUTRE’’. Vos pantoufles sont mobiles, Votre Sainteté, vous pouvez les chercher, les rapprocher, en former une paire et les chausser ; mais deux lopins de terre distants l’un de l’autre ne s’assemblent pas pour faire une patrie. Ainsi en est-il d’un peuple à deux lopins de terre pour patrie.
Vous ne ressentez pas ces horreurs, vous, parce que vous êtes du côté de la crosse. Ah !si vous étiez du côté de ceux que le trou noir du canon regarde ! Vous auriez sans doute mieux compris que le monde ne va pas dans le sens des aiguilles de l’horloge qui pend au mur lambrissé de votre séjour.
Mais Monseigneur, vous avez d’autres tours sous votre blanche soutane. Un Pape doit avoir plus d’un tour dans son sac. Au coup pend la croix ensanglantée d’un sang encore fumant avec l’inscription INRI sur la transversale, sous la soutane couve l’étoile à six branches : l’une ne peut aller sans l’autre, deux jumelles, deux siamoises et deux raisons à cela :
1-Les serviteurs de la croix et ceux de l’étoile à six branches sont des faussaires aux pratiques éhontantes : la parole de Dieu a été contrefaite chez / par les uns et les autres. Ils sont aveugles dans la lumière d’Allah. Qui les guidera vers Sa Lumière ? Vers Son Salut ?
2-Les serviteurs de la croix et ceux de l’étoile de David ont les mains souillées du sang des prophètes de Dieu qu’ils ont exécutés ou laissé exécuter : l’un a été décapité pour une danse de femme par une nuit d’orgie, l’autre mis en croix pour une poignée de drachmes (son sosie pour nous autres).
Une autre croix, à branches cassées celle-là, attend que Votre Sainteté l’exhibe au grand jour. Mais en attendant ce grand jour dont la lumière éclairera sûrement la face du monde, je crains pour vous qu’un jour de grande messe dominicale vous vous trompiez de croix.
P.S : INRI : Jésus de Nazareth Roi des Juifs : au fait, le fils de la Sainte Marie est-il un roi, un fils de Dieu ou un Dieu ? Ou un Prophète de Dieu ?
Que Votre Sainteté daigne bien nous éclairer de sa sagesse.
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