Le parlementaire (4)

Ah ! là les yeux de notre parlhumanoïde brillèrent de mille feux. Il avait raison de penser que le mot militer sonnait bien avec limiter. Mais c’était pour limiter la dépravation et l’égarement de la société dont pouvaient être responsables les femmes non mariées, et non le nombre de femmes. Donc son devoir était de militer. D’ailleurs c’est en militant par l’offrande des pins de sucre et même par l’offrande de certains litres de « Tinto » et de colle que les zonards de la ville sniffaient à longueur de journée, qu’il devint parlhumanoïde, se souvint-il. Ou du moins devait-il s’y mettre davantage. Et le plus vite possible. Il devait militer cette fois-ci par l’offrande de sa virilité à ces jeunes filles sans époux et joindre l’utile à l’agréable, pour limiter le dévergondage et non le nombre de femmes. D’ailleurs qui peut limiter leur nombre ? Personne. Tous les moyens de contraception n’y sont jamais parvenus. Ceux qui interprétaient le mot limiter en le liant au nombre restreint, c’est-à-dire à une seule femme comme épouse, n’avaient rien compris au mot militer. Ils devaient redresser leur logique pour ne pas dénaturer le mot et le vider de son vrai sens. Car militer, c’est toujours au niveau de la société que ça se passe. Et limiter la dépravation, le dévergondage et le libertinage en prenant comme épouses plusieurs femmes, sans limiter leur nombre, enfin presque, puisqu’il ne faut pas quand même dépasser quatre, cela revient à dire militer pour débarrasser la société des vices. Veiller à ce que tous les citoyens, ou plutôt les sujets assouvissent leur besoin le plus naturel dans les normes. Ce raisonnement plut beaucoup à notre parlhumanoïde (il lui plut tellement qu’il commençait à gesticuler de ses deux mains comme s’il était dans l’hémicycle parlementaire, mais il ne pouvait se voir dans la glace pour se corriger ou améliorer sa plaidoirie, ne serait-ce qu’au niveau du gestuel). Mais se souvint-il, ce raisonnement ne plut pas à plusieurs femmes qui se trouvaient parmi l’assistance lors de cet exposé. L’une d’elles, d’ailleurs, irritée par les propos de l’exposant qui louchait de temps en temps vers son assistance féminine, affichant un petit sourire presque narquois, se releva et jeta ces quelques mots à la figure du mastodonte qui prêchait la polygamie, assis sur la scène devant une table embellie de quelques fleurs : (A suivre)