Grâce à sa position stratégique,le cinéma Vox d’Oujda était il y a une bonne trentaine d’années(ou un peu plus),le lieu de prédilection des bédéphiles. C’était là qu’ils se rencontraient,les dimanches matin,vendaient,achetaient ou s’échangeaient les mythiques BD(Blek le Roc,Miki le ranger,Zembla,Akim,Tartine…..) et même des romans-photos ou des revues spécialisées dans le 7ème Art.
A des amis qui étaient des accros des bulles j’ai demandé quand était née cette foire aux BD,ils ne purent me répondre .Cela pouvait ressembler à une génération spontanée parait-il. Toutefois,une chose est sûre c’est que le Vox était le cinéma de la communauté juive d’Oujda ce qui veut dire probablement que c’étaient les jeunes israélites qui avaient inauguré cette activité puis ils l’avaient passée en douce aux oujdis de confession musulmane.En plus, je ne crois pas qu’il ait eu d’autres cinémas dans d’autres villes du Maroc qui avaient connu ce genre
d’activité.

Les BD tel qu’elles étaient conçues à l’époque,ne pouvaient plaire à tout le monde surtout dans une société qui voyait en tout ce qui était Roumi de la dépravation voire de l’ obscénité ou carrément du HRAM. Grand-mère,par exemple, ne pouvait supporter mon frère aîné lire et relire ces Bni Kalboun*(c’est ainsi qu’elle surnommait les BD).Mon frère était un friand des BD.Un jour,alors que nous étions encore gamins,nous nous promenions sans but apparent.Tout d’un coup,son attention fut attirée par quelque chose par terre et qui brillait très fort.Il la ramassa :c’était une bague d’alliance . « Si cette bague s’avérerait qu’elle est en or et que nous réussissions à la vendre sans problème,je te paierais un bon sandwich dont tu te souviendras toute ta vie! » Nous écoulâmes notre trouvaille d’or chez un bijoutier de l’arrière rue Mazouzi à 2 dh de l’ époque. Mais au lieu de m’emmener là où on vendait des sandwichs,mon frère préféra un autre endroit , celui où on vendait les « artistes » : LE VOX.Avec ces 2 Dh,il réussit à faire emplette d’une vingtaines de bonnes BD tout titres confondus qu’il lut avidement, je crois, le jour même…De deux autres faits marquant cette période de BD je m’en souviens encore.Le premier,c’est le cas intriguant de ce sympathique sourd-muet(frère ainé dAméricanos,notre basketteur) qui avait appris à lire,et sans doute à écrire,la langue française grâce à sa passion pour ces personnages des BD que nous avions adoptés et dont nous connaissions les noms et les surnoms plus que nous connaisssions ceux programmés dans nos manuels et nos leçons

.Le 2ème fait marquant,c’est quand le défunt M.Beriah,notre instituteur du CM2,nous suggèra l’idée de créer une bibliothéque de classe composée exclusivement de BD qu’on devait lire,du moins s’y familiariser, puis ,une fois terminée leur « lecture », aller au VOX pour les échanger…L’histoire a donné raison à ce brave enseignant….car une vingtaine d’ années plus tard, on a eu recours à la BD pour secourir l’apprentissage du français alors qu’il était ,cet apprentissage,à la portée des mains et presque gratuit sousformede BD ,sous l’ombre des kharroubiers qui bordaient joliment le pourtour du cinéma VOX !!!

NB:
*SELON LA LEGENDE LES BENI KALBOUN ETAIT UN PEUPLE QUI CONSOMMAIT LA VIANDE DE CHIEN