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COLONEL MOHAMED MELLOUKI : MA RENCONTRE AVEC OUFKIR

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COLONEL MOHAMED MELLOUKI
LE JOURNAL : LA 2ème LECTURE :
20/11/2014

MA RENCONTRE AVEC OUFKIR

C’est, donc, à Fes- voir l’article précédent : ‘ L’image grise de Medbouh’-, entre 1965 et 1967, que je vais servir, d’abord durant une première période, sous les ordres du commandant de région, le capitaine A.M. C’était un des officiers de la Gendarmerie de la première promotion et des plus en vue. Mais souvent tant qu’une médaille brille, tant que son revers est terne, si ce n’est du toc. Ma relation avec lui a commencé sous de bonnes auspices, jusqu’au jour où assurant son intérim à la suite de son congé annuel, je reçois un appel téléphonique du ‘patron’, le colonel Hammou Hassan qui s’enquérait de la position du capitaine Aberrahman Lahrizi que je connaissais de vue seulement comme l’un des aides de camp du Roi, sous la coupe du général Gharbaoui. Je lui réponds que je ne l’ai pas vu. Il m’apprend, alors, que cet officier viendra passer un stage chez nous. Dans la même matinée, celui-ci débarque en effet dans mon bureau, précédant de quelques heures le Cdt de région, revenant promptement de Meknes, sa ville natale, et qui me demande de passer le voir dans sa villa attenante à mon bureau. Il était, déjà, au courant de l’arrivée du capitaine Lahrizi. Il me dit abruptement : ‘…Je ne veux pas le voir, tu le prends en charge et tu t’en occupes !.’ J’ai essayé d’en savoir un peu plus, mais il est resté ferme et mystérieux. Je n’en ai jamais parlé au capitaine Lahrizi à qui j’ai fait partager mon bureau pour mieux l’associer à toutes mes activités, en lui expliquant pour chaque chose les textes et le processus adéquats
Ayant repris son travail, le Cdt de région a continué, à l’exception d’un ou deux contacts froids et limités, à faire de son mieux pour bouder le capitaine Lahrizi pendant les trois mois de stage, que celui-ci a passés avec nous. A.M. était heureux de le voir partir. Pas pour longtemps. Un mois après environ, le capitaine Lahrizi réapparaît, cette fois-ci, officiellement en qualité de Cdt de région, à la place du capitaine A.M, et donc, aussi, comme mon chef direct. Il n’était personnellement pour rien dans cette surprenante situation. Je ne tarderai pas à en connaître la raison : La sécurité des déplacements royaux et de la famille royale, étant assurée, pour l’essentiel, par la gendarmerie, le Roi a décidé de nommer à la tête du commandement régional un de ses hommes de confiance, assez introduit dans le sérail.
J’ai fait de mon mieux pour convaincre le capitaine A.M, par ailleurs parfaitement informé de la raison de son remplacement, de ne pas en vouloir à son successeur. C’était ‘prêcher dans le désert’. Il lui voua une haine noire, et collatéralement il me prit, moi aussi, définitivement en grippe. C’est ce qui expliquera sa réaction à mon égard quand il me lancera plus tard le fameux ‘ Débrouille-toi !’- voir l’article correspondant- J’ajouterai qu’il avait tellement mal ‘avalé’ son remplacement qu’il l’a assimilé à une sorte de limogeage, au point de refuser longtemps le poste d’Inspecteur, fonctionnellement prééminent- 3ème rang de la hiérarchie- et ce, malgré une considération manifeste que lui portait le patron de l’époque, le colonel Hammou Hassan, lui-même proche familier du palais.
C’est pendant cette deuxième période, sous les ordres du capitaine Lahrizi, que je vais rencontrer le général Oufkir. Lors du décès, je ne me rappelle plus si c’était en 1966 ou 1967, de l’oncle du Roi, qui avait titre honorifique de Khalifa du Sultan, et après avoir raccompagné jusqu’à la sortie de la ville, en direction d’Ifrane, le prince Mly Abdellah venu assister aux obsèques, nous nous sommes retrouvés chez le capitaine Lahrizi qui avait offert un déjeuner en l’honneur du général Oufkir et sa suite : son Secrétaire d’État à l’Intérieur, Mr Ben Alem, et le commandant Housni Benslimane, à l’époque Directeur général par intérim de la Sûreté nationale, en remplacement du colonel Dlimi, incarcéré à la prison de La Santé à Paris à la suite de l’affaire Ben Barka. Il y avait également Mr M’hamed Tadlaoui, commissaire divisionnaire, chef de la Sûreté régionale, nouvellement affecté- futur préfet de police- et le commissaire central B….
Une fois à demeure, le général et sa suite s’assirent autour de la table à manger. Nous trois autres sommes allés à l’autre bout du salon. Aussitôt, Oufkir nous enjoint de les rejoindre. Le planton vient servir des boissons. Au général et à Mr Ben Alem il verse de l’alcool. Housni Benslimane, ne buvant pas, prit, me semble-t-il, de l’eau minérale. Mr Tadlaoui demande lui aussi de l’eau, mais Oufkir ordonne de lui servir de l’alcool ; et s’adressant à l’autre commissaire, il lui dit :’ Toi, tu ne vas pas me jouer la comédie, je sais que tu es un soûlard !’. À mon tour, il intervient aussi. Je lui réponds que je ne buvais pas. Il insiste, je refuse de nouveau. Le capitaine Lahrizi s’en mêle, disant : ‘ Mon général, n’insistez pas, il ne boit pas’ et Oufkir de répondre allègrement : ‘ Va, donne-lui de l’eau, puisqu’ il veut de l’eau !’.
Après déjeuner, les deux commissaires et moi-même avons pris nos verres de thé et sommes revenus à notre position initiale. Quelques instants après, Oufkir nous rejoints et dit au Divisionnaire : ‘ Ecoute, je ne veux pas que tu passes ton temps dans le travail de bureau, tu te décharges au maximum sur tes collaborateurs et tu te consacres à ce qui se passe dehors, quitte à prendre ta voiture et aller déambuler pour voir du monde’. À l’autre commissaire, il ordonne de se faire plus discret dans sa conduite et d’éviter les bars – où il était un des familiers des lieux, pratiquement journellement jusqu’à l’ivresse, au point de se faire chaque fois raccompagner par son chauffeur qui l’attendait à la sortie. Au demeurant, comme souvent pour les ‘ ivrognes’, de nature agréable une fois à…jeun -. S’adressant à moi, il m’interpelle : ‘ Mon lieutenant, tu es d’où ?’. Je lui réponds : ‘ De Berkane’. Il ajouta si je connaissais quelques familles de la ville et des environs, je lui réponds par l’affirmative. Aussitôt, il enchaîne : ‘Tu as besoin de quelque chose ?’ ; je lui rétorque négativement. Il reprend : ‘ Non, non, pas toi…tu fais partie de nous, je veux parler de tes parents !’. J’ai décliné de nouveau son offre ; il s’énerve et me lance : ‘ Mais, alors, tu es…con, qu’est-ce tu en sais, demande-leur d’abord !’. Sans attendre ma réaction, il se tourne vers le capitaine Lahrizi et lui ordonne : ‘ Ecoute Abderrahmane, tu vois avec le lieutenant le cas de ses parents, et tu m’appelles aussitôt !’. Après son départ Lahrizi me dit : ‘ Qu’est-ce qui t’arrive ?, les plus grosses pointures du pays baissent culotte devant lui juste pour le saluer et lui parler, et donneraient leur cul pour lui manger dans la main ; et voilà que c’est lui qui se propose de te rendre service, et tu trouves moyen de le lui refuser. Je n’aurais pas cru mes yeux et mes oreilles si je n’étais pas témoin ; alors s’il te plaît, ne me mets pas dans l’embarras avec lui, il ne va pas oublier et risque de rappeler !’ Lahrizi ne m’apprenait, en fait, rien. Même de nos jours beaucoup rompraient le jeûne, boiraient de l’acide et mangeraient du cactus juste pour être à la table…de moins qu’Oufkir. Ce que Lahrizi ne savait pas, et je me suis bien gardé de le lui dire, c’est que fils de Résistant, je détestais Oufkir et j’imaginais, déjà, mon père hurler de colère si je lui avais fait part de sa proposition, pour cause de positionnement politique remontant au Protectorat. Cela est une autre et longue histoire. J’ai demandé au capitaine Lahrizi d’oublier l’affaire. Une circonstance va s’en charger…À SUIVRE

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