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LE DEUXIÈME VIOLON

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COLONEL MOHAMED MELLOUKI :

LE DEUXIÈME VIOLON

Le 30 janvier 2012, le prince Mly Hicham a développé, au cours d’une conférence donnée à HEC à Paris, une perspective qui, dans l’ordre actuel des choses, ne manquera pas d’empreindre les relations entre le Palais et le PJD, que je résumerai en quelques points, à savoir que :

1)-l’éventualité d’une confrontation entre le PJD et le Palais est fort probable, d’autant que celui-ci reste quelque peu méfiant à l’égard de l’autre, en raison de la divergence d’intérêts respectifs.

 2)-le Palais tient à ce que tout le monde sache que l’arrivée du PJD au gouvernement répond à sa stratégie d’ouverture politique, tout en évacuant sur ce dernier la pression qui s’exerce sur lui.

 3)-le PJD s’emploiera, de son côté, à se présenter comme étant la force politique incontournable dans les conditions actuelles, bien qu’il ne dispose que d’une étroite marge de manœuvre, en raison de la puissance du pouvoir régalien qui continue de disposer de l’autorité décisionnelle et exécutive.

4)-néanmoins tant le Palais que le PJD souhaitent transcender les confrontations : le 1er ne voudrait pas être taxé de  compliquer la tâche du gouvernement, et accusé de freiner les réformes. À l’inverse si le PJD s’aventurait à exercer une pression sur le Palais, celui-ci mettrait fin à l’expérience, ce qui mettrait le PJD en situation difficile devant l’opinion publique pour avoir surestimé, au départ, la confiance en le Palais. De plus, ce scénario renforcerait la position du M20.

 5)-pour juguler cette méfiance, le PJD se trouvera contraint de faire preuve de fidélité et même de soumission à l’égard du Palais.

 6)-le Maroc est entré dans une phase d’instabilité qui n’entraînera que des solutions provisoires et superficielles ne pouvant résister devant les difficultés structurelles que ni le Palais ni le PJD ne peuvent surmonter dans le contexte actuel, compte tenu du Printemps arabe et l’apparition de nouvelles tendances militantes tendant à renforcer la société civile. Du fait, la relation entre le Palais et le PJD entrera dans une triangulaire avec l’expansion de la mouvance populaire, avec à sa tête le M20, et de nouvelles forces de gauche et islamistes.

J’ai pris du recul à l’égard de cette analyse pendant plus de deux mois pour mieux voir venir les choses et éviter de commenter à chaud. Cette analyse est sûrement d’une perspicacité désarmante, obéissant à une logique apparemment difficile à contrecarrer. Néanmoins, si le piège de la triangulaire n’est pas à écarter totalement, cela suppose que le PJD pourrait échafauder une vision politique qui pourrait hérisser la Monarchie ; or ce n’en sera pas le cas.  Son chef  ne cesse de développer, apparemment sans état d’âme, une rhétorique de gouvernance embrouillée qui a déjà démontré qu’il n’était pas à un retournement près. Il ne semble pas s’embarrasser de l’exiguïté de son champ de compétences gouvernementales. Il continuera à faire le dos rond, comme par exemple, en cédant, déjà, des platebandes entières de ses prérogatives, apparemment sans gêne. Il s’est satisfait du minimum, et dans le cadre de ce minimum même il continue de se référer au Palais même pour des décisions de moindre importance, comme les nominations des agents de l’Etat dont il détient seul le monopole constitutionnellement. Son problème est d’une autre nature et tient d’une double motivation à la fois personnelle et partisane. Se coltiner une législature dans une des pires conjonctures que traverse le pays et partir sur la pointe des pieds, sans lendemain qu’une retraite de chef de gouvernement, sera pour lui-même un cuisant échec d’ego, puisqu’il est censé être la véritable motrice du PJD et qu’il ambitionne de plus de faire la leçon aux autres Frères ( et non Frères), et aussi sûrement une évacuation mortelle du PJD d’un champ politique que la mouvance islamiste arabe, vent révolutionnaire en poupe actuellement , tient à occuper pour les quelques décennies à venir. Pour ne pas faire figure, dans ce contexte géopolitique, d’outsider, le PJD cherchera, naturellement, à s’inscrire, lui aussi, dans le facteur temps. Pour consolider sa position, il sera amené à opérer dans deux directions :

 1)- tenter de tracter, à défaut de fédérer, les autres tendances islamistes en prévision de la prochaine échéance électorale, ce qui l’affranchirait, le débarrasserait de la coalition contre nature dans laquelle il se fourvoie actuellement et appelée nécessairement à évoluer contre lui.

 2)- emprunter la voie royale, c’est-à-dire cheminer le plus longtemps possible aux côtés de la Monarchie. Ses récurrentes références à celle-ci et à la Commanderie des Croyants, souvent dans des cas incongrus, comme si ces dernières étaient contestées ou menacées même, incitent à croire qu’il ambitionne de se présenter en fer de lance de l’Institution. Comme en politique rien n’est gratuit, il va de soi qu’un engagement du genre induit, naturellement, une contrepartie qui permettrait au PJD de s’incruster dans le giron du monarque, de s’adosser à lui dans une relation binaire, durable, de sympathie et d’intérêts réciproques et s’assurer un rôle de deuxième violon, pour contrer à la fois toute menace venant de l’opposition laïque ou islamiste récalcitrante, et l’influence des Conseillers royaux et des lobbys affidés au Pouvoir.

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1 Comment

  1. MEKKI KACEMI
    12/04/2012 at 15:45

    Ex-colonel, même à supposer que c’est avec sérieux que tu prétends que ton « analyse est sûrement d’une perspicacité désarmante, obéissant à une logique apparemment difficile à contrecarrer. », une telle auto- appréciation ne concernerait que toi-même. Ce pour la simple mais évidente raison que tous les « arguments » que tu propose ne sont au fait que des hypothèses/souhaits combien ré exprimés par les poches de résistance, via leurs « activistes » de plume, comme de langue. Mon souhait, de ma part, est que ces poches se calment et se raisonnent assez pour arriver à comprendre que leur rêve de voir le palais et le gouvernement Benkirane en discorde est pratiquement irréalisable ; l’objectif final chez les deux parties étant le même : la réforme réelle. En fin, question : N’es-tu toujours pas convaincu que les Marocains, excepté les corrompus, évidement, ont tous « pris le train de la réforme réelle(lmaakoul) ? »

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