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Une cigarette fumée sur 10 provient de la contrebande

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1,4 milliard
de cigarettes sont écoulées de manière illégale. A peine 30 millions sont
saisies par l’Etat.
Le marché de l’informel se chiffre à 1,5 milliard de DH : 1 milliard de DH
de manque à gagner pour l’Etat et 446 MDH pour Altadis.
La frontière avec la
Mauritanie devenue le principal point de passage des
trafiquants.
Les Marlboro représentent 54% de la consommation des cigarettes de contrebande.

Elles sont blondes, grecques ou américaines,
et elles nous viennent du Sud. La cigarette de contrebande n’est pas près
d’être éradiquée au Maroc. Le niveau du prix de ce produit comparé à celui des
cigarettes vendues sur le circuit «officiel» et l’importance du marché national
aiguisent l’appétit des trafiquants. En atteste l’évolution des quantités
saisies par les différents corps de contrôle. Les éléments de la Gendarmerie royale,
des Forces armées royales (FAR), de la Direction générale de la sécurité nationale
(DGSN), des Forces auxiliaires et de la Douane ont saisi, à travers tout le pays, plus de
24 millions de cigarettes de contrebande, entre le 1er janvier et le 10 octobre
courant, un volume en hausse de 13% par rapport à la même période de l’année
dernière.

Fait marquant, le gros des saisies a été opéré dans le sud du pays, qui
semble être désormais un point de passage privilégié pour ce trafic. Les
services de contrôle ont saisi un peu plus de 17 millions de cigarettes dans
cette région, principalement au niveau du poste-frontière de Gargarate situé à 300 km au sud de Dakhla où
les services de la Douane
ont intercepté, à eux seuls, 7,27 millions de cigarettes. Dans un autre point
qui jouxte aussi les frontières de la Mauritanie, Bir Guendouz (relevant de la province
de Aousserd), les éléments des FAR ont empêché 3,2 millions de cigarettes de
pénétrer sur le territoire national, les autres saisies ont eu pour lieu des
villes comme Laâyoune ou encore Tarfaya. Toujours dans le sud, la frontière
avec la Mauritanie
n’est cependant pas le seul passage «préféré» des trafiquants vers le Maroc.
Leurs tentatives se multiplient également à travers l’Algérie. A Foum Lahsen,
au sud de la région frontalière avec le voisin de l’est, et pas loin de Tata,
quelque 1,25 million de cigarettes ont été saisies durant cette période de
2009. Ailleurs, les prises ont totalisé un peu plus de 1,2 million et 1 million
de cigarettes respectivement à Errachidia et dans l’Oriental (est, centre et
nord) notamment dans les localités d’Ahfir (Berkane), Beni Drar (Oujda) et
Jerada. Si le trafic se développe plus par voie terrestre, il y a aussi la voie
maritime. Au port de Casablanca, la police et la douane ont démantelé début
octobre une grosse opération dont les auteurs voulaient introduire 5,34
millions de cigarettes de contrebande.  

Même lorsqu’ils parviennent à franchir la frontière, les trafiquants sont
parfois débusqués par les agents de contrôle à l’intérieur du territoire
national. A Casa-Anfa, la police judiciaire a saisi, au cours de plusieurs
opérations de contrôle menées toujours entre le 1er janvier et le 10 octobre,
un total de 704 340 cigarettes de contrebande rien que dans l’ancienne médina.
La police d’Oujda, elle, a intercepté, au cours de la même année, 436 800
cigarettes et celle d’Al Hoceima 16 020 cigarettes. Les douaniers de l’aéroport
Mohammed V de Casablanca ont saisi, quant à eux, 37 000 cigarettes.

Marlboro domine le marché parallèle
C’est American Legend qui figure en pôle position des marques de cigarettes
que les trafiquants ont tenté d’écouler illégalement sur le marché national et
qui ont fait l’objet d’une arrestation. Avec un peu plus de 19,5 millions
d’unités, cette marque fabriquée en Grèce représente 80% des quantités saisies.
Les Marlboro viennent en deuxième position avec un peu plus de 3 millions
d’unités saisies. Suivies par la marque Euro, peu connue sur le marché
marocain, et les Fortuna de fabrication espagnole avec respectivement 493 600
et 296 360 cigarettes saisies.

Une précision, toutefois : quand les saisies d’une marque de cigarettes
quelconque sont importantes, cela ne veut pas automatiquement dire qu’elle est
la plus répandue sur le marché informel. Avec 80% de quantités saisies,
American Legend, par exemple, n’est pas la marque la plus commercialisée sur le
marché informel. On souligne auprès de sources officielles autorisées que
Marlboro domine, et de loin, le marché parallèle. Cette marque représente 54 %
des 1,4 milliard de cigarettes «clandestines» consommées annuellement par les
Marocains, selon «les résultats des études réalisées par des cabinets
spécialisés auprès des consommateurs de cette catégorie de produits dans toutes
les régions du pays». Autrement dit, la marque américaine arrive mieux que les
autres à passer à travers les mailles des filets des contrôles marocains.

Aussi importantes soient-elles, les saisies ne reflètent donc qu’une partie
de l’ampleur de la contrebande des cigarettes qui, semble-t-il, a repris de
plus belle ces deux dernières années. Environ 10% des cigarettes vendues
officiellement, soit 14 milliards unités, proviennent de la contrebande,
explique-t-on. Le chiffre d’affaires de la contrebande est évalué à plus de 1,5
milliard de DH. Le manque à gagner pour l’Etat serait ainsi de l’ordre de 1,02
milliard de DH et celui de Altadis Maroc de plus de 446 MDH. Les 20 000
propriétaires de bureaux de tabac sont également lésés par ce trafic qui les
prive ainsi de quelque 77 MDH.

Mais le danger de ce phénomène n’est pas seulement financier. Il est
également, et surtout, sanitaire. Bien que la cigarette en général présente un
risque sérieux pour la santé, celle qui provient de la contrebande l’est
davantage. «Les produits écoulés officiellement passent par des laboratoires
qui en contrôlent les qualités et les dosages… Alors que les cigarettes de
contrebande sont de composition et d’origine inconnues et on ne sait pas non
plus si elles respectent les dates de péremption», prévient un spécialiste. Il
donne l’exemple de la marque grecque, American Legend, dont le fabricant «n’est
pas connu sur le marché mondial et donc il n’a pas peur pour sa réputation et
son image de marque». En plus, les Chinois sévissent également dans cette
filière. «Il y a plusieurs ateliers clandestins en Chine qui fabriquent des
cigarettes destinées à la contrebande à grande échelle, et cette production
échappe à toutes les formes de contrôle que subissent les cigarettes légales;
et donc elles sont beaucoup plus dangereuses», alerte ce spécialiste.

Les frontières de Sebta et Mellilia
bien maîtrisées

En fait, l’évolution de la contrebande de cigarettes au Maroc a été
irrégulière durant ces dernières années. Ainsi, au lendemain de la
privatisation de la Régie
des tabacs en juillet 2003 le phénomène était plus florissant. La part de
marché de la contrebande était alors estimée à 25 %. Ce qui équivalait à un
manque à gagner de près de 6 milliards de DH dont près de 4 milliards de DH
pour l’Etat. Autrement dit, sur les 13 milliards de cigarettes consommées
annuellement par les Marocains durant la période 2003 et 2005, près de 3,25
milliards provenaient de la contrebande, soit une cigarette sur quatre.

La cause ? La dissolution des brigades de contrôle de la Régie des tabacs y est pour
beaucoup. Puisant leur légitimité du statut d’opérateur public de la compagnie,
ces unités effectuaient des patrouilles de contrôle régulières et musclées chez
les vendeurs de cigarettes au détail et de contrebande. Leurs actions
s’avéraient très efficaces dans la lutte contre et la contrebande et la revente
au détail. Après la privatisation de l’entreprise, celle-ci a été privée de cet
instrument efficace de répression. Résultat : une recrudescence de la
contrebande. Pire, Casablanca s’est transformée, en quelques mois, en une
véritable plaque tournante où presque toute la marchandise de contrebande
transitait avant d’être dispatchée partout au Maroc. Plusieurs hangars de
revente au gros de la cigarette de contrebande et tout un réseau de
distribution y ont été installés.  

Le problème a fait tellement de dégâts chez le nouvel opérateur qu’il a
appelé les pouvoirs publics à la rescousse. Il a ainsi obtenu l’engagement de
l’Etat à mettre en place une commission nationale de lutte contre la
contrebande de cigarettes. Présidé par le directeur général de l’Administration
des douanes et impôts indirects, cet organe qui comprend également des
représentants de l’Intérieur, de la Gendarmerie royale, la DGSN et la Justice, a élaboré un plan
d’action concerté pour la lutte contre le phénomène. Les actions de cette
commission et les opérations de saisies effectuées par les différents services
de contrôle (FAR, DGSN, Forces auxiliaires et Douane), ont vite donné leurs
fruits. La part de marché des cigarettes de contrebande est progressivement
descendue de 25% à 10%. Les actions de lutte contre ce phénomène menées
«individuellement» par Altadis y ont été également pour quelque chose. Après
son installation au Maroc, l’ex-opérateur franco-espagnol (aujourd’hui racheté
par le britannique Imperial Tobacco) a fait fonctionner ses réseaux et
multiplié les pressions pour mettre un frein aux flux importants de cigarettes
de contrebande en provenance du voisin ibérique. Le résultat a été immédiat :
les autorités espagnoles ont fermé les magasins de vente de cigarettes qui se
trouvaient dans le quartier industriel à l’entrée de Sebta et Mellilia et qui
servaient de transit pour un important réseau de trafic de cigarettes de
contrebande vers le Maroc.

Focus :Marocains : 411 cigarettes par an, et des Marquise de
préférence

Contrairement à ce qu’on aurait pensé, le Maroc n’est pas un pays de grands
fumeurs. Selon le cabinet international de statistiques ERC, la consommation
nationale par habitant et par an y est de 411 cigarettes, contre 524 en
Algérie, 621 en Arabie Saoudite et 933 en France. Mais la consommation des
cigarettes est surtout très élevée au pays des Pharaons. Les Egyptiens fument
en moyenne 1 046 cigarettes par habitant et par an. Il y a pire : les Tunisiens
qui consomment en moyenne 1 385 cigarettes par habitant et par an. Le triste
record est détenu par nos voisins ibériques qui consomment en moyenne 2 231
cigarettes par habitant et par an. Si on fume moins que nos voisins, on a de
plus en plus une préférence pour les cigarettes blondes locales. En 2009, la
marque Marquise représente 61% des cigarettes commercialisées sur le marché
officiel, toutes catégories confondues, avec près de 8 milliards d’unités. En
2003, ce pourcentage était de 36 %.

Abdelhakim
Challot

19-10-2009

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