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La zone du Maghreb : un espace de préoccupation américain dans un Grand Moyen-Orient instable

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La zone du Maghreb : un espace de préoccupation américain dans un

Grand Moyen-Orient instable

Bien que les États-Unis déclarent que les initiatives qu’ils prennent dans l’Espace Méditerranéen sont complémentaires avec d’autres formes de coopération en la matière, il n’en demeure pas moins que l’on assiste à une volonté américaine de contrôler le dialogue sur la sécurité dans cet espace par le biais du dialogue méditerranéen de l’OTAN dont les États-Unis contrôlent l’évolution et l’ordre du jour.

L’objectif de cette étude est d’analyser, à travers plusieurs questions, les aspects politiques et sécuritaires de l’OTAN et des États-Unis et de comprendre dans quelle mesure l’intégration des pays méditerranéens non membres de l’OTAN dans les mécanismes de cette institution valorise le dialogue méditerranéen. Quelle est la portée géopolitique de ce dialogue ?  Quel est l’impact de ce dialogue sur les relations avec l’Union Européenne en termes de complémentarité et de concurrence[1] ? Quels sont-les facteurs qui déterminent la participation de ces pays au DM de l’Otan.

Une vision américaine du Maghreb influencée par la guerre contre le terrorisme

L’objet de cette étude n’est pas de se situer au niveau de l’ensemble des PSEM, mais plus particulièrement d’étudier le cas du Maghreb Arabe. Ce cas est cependant fort significatif et largement révélateur de nombreuses questions communes à l’ensemble des PSEM.

A la fin des Années 1990, les mutations politiques régionales et internationales, et surtout l’évolution des rapports de forces dans la partie Occidentale de la Méditerranée ont conduit les États-Unis à réviser leur politique dans la région.

Il importe dans le cadre de cette section, analyser ce nouveau contexte, voir quels sont les changements induits dans cette partie de la Méditerranée  pour en pouvoir dresser un bilan serein.

Il semble inutile de rentrer dans les détails des aspects géographiques de l’Afrique du Nord dans sa relation avec les USA. Ce qui importe en invoquant cette question c’est de savoir que chaque État composant cette entité présente une physionomie particulière et propre et donc des interlocuteurs différents, concurrents et adversaires, dans leurs relations avec les États-Unis. Ces derniers et selon plusieurs analystes, n’ont pas toujours perçu le Maghreb comme une entité à part entière, mais préfèrent en général traiter avec les États pris individuellement.[2]

Historiquement, la région attire l’attention des décideurs de la politique étrangère américaine dans la mesure où elle peut affecter la sécurité de l’Europe notamment la rive Sud, et cela de fait de son emplacement géographique stratégique.

Durant la Guerre Froide les États-Unis cherchaient à contrer l’influence des soviétiques,  à offrir la protection occidentale aux États alliés de la région (le Maroc et la Tunisie) et  à mener une politique de Containment autour de Kadhafi. Il faut signaler que bien que l’Algérie avait un penchant pour le soutien des soviétiques durant la guerre froide, les États-Unis n’ont pas rompu leur relation avec cette dernière surtout en matière économique. Dans ce domaine leur rapport semble basé sur le pragmatisme pour ne pas laisser leur divergence idéologique assombrir leurs relations commerciales.

Durant les années 1980 l’Administration américaine ne se souciait pas de la montée de l’intégrisme religieux que ce soit en Tunisie ou en Algérie, elle n’accordait pas non plus beaucoup d’attention au processus de démocratisation en Algérie notamment en 1989-90, rôle qu’elle préférait laisser à l’Union Européenne[3] et particulièrement à la France traditionnellement ancrée dans la région par son histoire coloniale, et se focalisait plutôt sur l’évolution de la situation en Europe de l’Est.

En ce qui concerne l’Union du Maghreb Arabe (UMA)[4], les USA étaient favorables à l’intégration de cette entité qui regroupe les cinq pays de la région, mais vu qu’ils ne voulaient pas que la Libye soit partie intégrante de ce regroupement, étant donné que le leader Kadhafi était perçu comme une menace vis –à-vis des États-Unis, cette attitude a fait capoter le projet de développement autant économique que politique de la région.

Après la chute du mur de Berlin, des éléments de la politique américaine vis-à-vis du Maghreb commencèrent à émerger, en effet pendant cette période les États-Unis avaient un objectif stratégique global de libéralisation qu’ils essayer de répandre et de promouvoir partout dans le Monde, ainsi une intégration régionale sous forme d’UMA devrait être un marché potentiellement important et attractive pour les investisseurs américains. Deux rôles ont donc pu être joués.

La guerre civile algérienne a forcé les Américains à prévenir une éventuelle expansion de la crise vers les deux pays voisins, à savoir le Maroc et la Tunisie, et à long terme une déstabilisation de la région tout entière dont les conséquences seraient l’enclenchement d’un flux migratoire en direction de l’Europe. Cette perspective d’un Maghreb instable due à la combinaison d’une envolée démographique, de détérioration des conditions socio-économique, et du conflit du Sahara occidental constituait les principales causes de l’affaiblissement de l’intégration régionale[5], et autant un souci  pour les États-Unis en Europe, qu’au sein de l’OTAN.

Le deuxième objectif des États-Unis était à la fois d’empêcher le régime libyen de développer des armes de destructions massives, et de maintenir des sanctions mises en place depuis 1986 et celles des Nations Unies mis en place depuis 1994 après l’affaire de Lockerbie.

Durant les années 1990, les États-Unis ont eu une approche coopérative en ce qui concerne le Maghreb, excepté la Libye, mais tous les observateurs s’accordent sur le fait que jusqu’à 1998 les États-Unis n’ont pas eu de politique étrangère vis-à-vis du Maghreb.

Cependant, les Américains commencent à avoir conscience que le Maghreb est négligé dans la politique étrangère américaine, qu’il faudrait se mettre à la développer en favorisant la stabilité. A cet effet il faut encourager le développement économique dans la région à travers des réformes. Que les États de la région développent une politique de coopération, notamment politique, afin de capter d’éventuels investissements américains dans la région, car les économies nationales ne pourraient pas faire face aux capitaux de ces derniers.

C’est dans ce contexte que les États-Unis ont lancé en1999 le partenariat économique USA Afrique du Nord, ou l’initiative Eisenstadt. Cette initiative fut perçue comme un changement et une ébauche dans la politique américaine à l’égard du Maghreb.

De ce fait le projet présenté par le sous-secrétaire américain au Trésor Stuart Eisenstadt, en visite au Maghreb au mois de juin 1997, consiste dans un partenariat entre les États-Unis, d’une part, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie de l’autre, dans une zone de libre-échange américano maghrébine.

Les Américains semblent déterminés à mettre cette démarche en œuvre. D’où les nombreuses visites de responsables et le « partenariat » développé avec les pays de la région, notamment l’Algérie[6]. .Surtout : les firmes US sont omniprésentes sur les champs pétroliers algériens depuis le début des années 1990 et raflent d’importants marchés, souvent au détriment de leurs homologues européens.

Une aptitude qui laisse certains, au Maghreb, perçoivent cet engagement américain comme un moyen de rééquilibrer les relations Euro-maghrébines trop favorables à l’UE,  et puis une zone de libre-échange américano maghrébine permettrait aux produits maghrébins d’accéder non seulement à l’immense marché américain mais, à celui de l’ALENA ( Les États-Unis, le Canada et le Mexique).

De leur part, l’Administration Américaine voyait d’un bon œil l’initiative Euro-méditerranéenne, car elle aide à la libéralisation des échanges, à la coopération régionale  et à la suppression des barrières douanières ; A leur tour les États de la région se sont lancés  dans un réajustement de leur politique, tout en tenant compte de l’arrivée d’un nouvel acteur sur la scène régionale.

Avec l’arrivée du Président Mr Bouteflika en Algérie, les relations entre les deux pays ont été améliorées, A ce propos et afin de rendre cette relation plus particulière, les deux pays ont signés nombreux accords militaires et dans le domaine de l’antiterrorisme avant et après les événements de 11 septembre 2001. Une coopération est actuellement en voie de développement avec la visite des officiers hauts gradés des USA ainsi que de l’OTAN en Algérie et la manœuvre conjointe des militaires américains et algériens.

En ce qui concerne le Maroc, après la mort d’Hassan II en 1999, le régime politique est devenu plus proche encore des États-Unis et se positionne comme un allié irremplaçable dans la région, ce que veulent les américains. En échange le Maroc espère recevoir un soutien de la part des États-Unis quant au conflit sur le Sahara.

La même stratégie a été adoptée pour la Tunisie et dont le soutien américain du régime reste fondamental surtout pour contrer la prétendue menace islamiste.

Quant à la Libye, et Après 25 années d’embargo drastique, Washington rétablit ses relations diplomatiques et commerciales avec Tripoli. La Libye, guidée par Kadhafi depuis 1969, passe ainsi du stade d’État voyou et terroriste à celui d’un pays neutre et pacifique.

A l’aube de 11 septembre 2001 la présence américaine dans la région fut plus importante que jamais et ses objectifs furent formulés dans la National Security Strategy. De ce fait ce qui est très important à remarquer, c’est que les relations États-Unis Algérie, ne sont plus cantonnées dans le secteur d’hydrocarbure, mais se sont étendus vers le militaire.

2. Les pays du Maghreb face au défi posé par le 11 septembre : Opérations et manœuvres antiterroristes

Il s’agit ici de voir comment cette région se situe dans l’environnement géostratégique actuel. Cette place a été conditionnée dernièrement par deux facteurs principaux :

-Les effets du 11 septembre 2001 et de la guerre d’Irak de 2003

La question qui nous importe de traiter ici est de savoir quelles ont été les conséquences de cet événement dans la zone ? Il existe en effet une porosité de la zone méditerranéenne dans la circulation de l’activité  du terrorisme radical islamique, et dont la guerre d’Irak n’est qu’une réponse parmi d’autres aux attentats du 11 septembre[7].

À partir de la guerre d’Irak, un certain nombre de phénomènes majeurs se sont cristallisés, en particulier la présence définitive et essentielle des États-Unis dans la zone  Moyenne  orientale  et Méditerranéenne. Ceux-ci sont devenus un pôle central à la fois de stabilité et d’instabilité. Cette présence pèse d’un poids massif sur la réalité géostratégique locale.

Dans cette perspective, il existe deux types d’effets. Tout d’abord, l’influence de la guerre d’Irak sur les sociétés d’Afrique du Nord et sur les gouvernements, ensuite, la « périphérisation » de cette dernière par rapport à l’enjeu majeur que représente désormais le Moyen-Orient.  Il s’agit dans ce sens d’un déplacement de grandes masses stratégiques : le cœur du sujet est désormais le Moyen-Orient avec l’Irak comme point central, et également avec l’Iran, dont  les problématiques sécuritaires s’étendent jusqu’en Asie du Sud-ouest.

L’Afrique du Nord, en dehors de la dimension pétrolière et des hydrocarbures, se retrouve en périphérie.  En d´autres termes les conséquences immédiates des attentats de 11septembre 2001 et de l´intervention américaine en Irak étaient une tentative des élites en place de réaffirmer le pacte de stabilité qui les relie à l’Occident, avant tout aux États-Unis, dans un effort commun de lutte contre l’islamisme assimilé au terrorisme et cela en contrepartie d’un soutien politique de la Maison blanche, dont le rôle au Maghreb se voit indirectement renforcé.

Pour certains États, la guerre mondiale contre le terrorisme constituait une « occasion d’or » au service des intérêts de leur politique intérieure mais aussi une occasion de consolider leur rapport sécuritaire, non seulement avec les États-Unis mais également avec les voisins Européens.
Conclusion

Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak – des événements qui se sont déroulés dans la périphérie de la Méditerranée – ont façonné l’approche et le caractère de l’engagement américain dans la région. Les grands changements de la politique étrangère américaine, y compris le bouleversement des relations transatlantiques et les incertitudes quant à la politique à appliquer face à la crise palestino-israélienne, ont aussi des effets très  prononcés sur le comportement américain en Méditerranée.

Les assomptions de longue date concernant les intérêts  et  la politique des États-Unis ne peuvent plus être considérée comme étant acquises, et cela  a des  implications importantes sur la manière dont Washington traitera l’Europe du Sud, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient.

Globalement, comme cela a été le cas au cours du vingtième siècle, les USA sont encore une puissance méditerranéenne considérable qui touche de nombreuses sociétés méditerranéennes, mais sans une conscience ou une stratégie méditerranéenne en soi.

[1] MORATINOS Miguel Angel, « le Maghreb entre la Méditerranée et l’Atlantique » Revue Afkar/Idées ; décembre 2003 ; p.27.

[2] ZARTMAN William LEVEAU et Rémy, « Maghreb 1998, Approches Françaises et Américaines, différentes et complémentaires », Rapport de synthèse, Paris, French- Américain foundations, 5 mai 1998, p.8.

[3] SCHMID Dorothée et BARRADA Hamid, « Le Maghreb, une chasse gardée européenne ? » In « L’influence des États-Unis et de l’Europe sur le Maghreb », version Internet, http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=566

[4] Organisation sous régionale maghrébine composée de 5 pays fondateurs, Le Maroc, l’Algérie, la Tunisie la Libye et la Maurétanie, crée le 17 février 1989 lors d’une réunion à Marrakech.

[5] ALAOUI Ben El Hassan Mohammed, La coopération entre l’Union européenne et les pays du Maghreb, Nathan, Paris, 1994

[6] BENANTAR Abdennour, « Le dialogue sécuritaire OTAN-Méditerranée : le partenariat américano-algérien », Questions de l’Orient (en Arabe), n° 83, Mai 1999, p.51-56.

[7] BONIFACE Pascal, « La Guerre contre le Terrorisme ; dérive Sécuritaires et dilemme Démocratique », édition Félin, Année 2007, p.15.

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