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l’affaire Mc donald Oujda vue autrement

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 La commune d’Oujda a cédé une parcelle de 5360 m² de son patrimoine communal à la Sté First Rest International (Mc Donald). Le prix de location estimé à huit mille Dh (8.000,00) par mois est jugé inférieur à la valeur de ladite parcelle. Le contrat de bail programmé dans l’ordre du jour de la dernière session du conseil communal de la ville, et comme on peut l’imaginer, a suscité un débat houleux et un certain émoi auprès des élus locaux, plus spécialement chez certaines associations locales, et naturellement, aux candidats qui s’estiment avoir été irrégulièrement évincés.

La polémique a pris la dimension d’un débat social compte tenu du prix de location proposé, vu l’importance du lieux choisi pour l’installation dédits restaurant (la place 03 Mars) et compte tenu également de la fréquence de ces cessions des biens communaux et des pratiques paraissant désormais devoir être ainsi censurables ou contestables, mais semble avoir obtenu le feu vert, jusque-là, de la part des administrations centrales et des autorités de tutelle. Pour mettre un peu de lumière sur les soubassements de cette affaire et discuter quelques points de droit qu’elle évoque, il est souhaitable de chercher dans la jurisprudence administrative comment le juge administratif a qualifié ce genre de cession et qu’il est son apport en la matière. En fait, les points de droit discutés dans cette affaire peuvent être résumé en deux : le point principal étant celui de savoir si une commune peut légalement, et dans le but de faciliter l’installation d’une entreprise sur son territoire, céder un bien faisant partie de son patrimoine, pour un prix inférieur à sa valeur. le point annexe, mais, en fait, complémentaire du précédent, étant de savoir quelle est la qualification juridique de cette « aide » et, partant, le rôle des collectivités locales dans le développement économique et social comme ordonné par l’article 36-2 de la charte communale et qui stipule que « Le conseil communal (…) initie toute action propre à favoriser et à promouvoir le développement de l’économie locale et de l’emploi. A cet effet : (…) il engage les actions nécessaires à la promotion et à l’encouragement des investissements privés, notamment la réalisation des infrastructures et des équipements, l’implantation de zones d’activités économiques et l’amélioration de l’environnement de l’entreprise… »

Pour commenter ces deux points, on va se référer à la jurisprudence du conseil d’Etat français vu la qualité et la clarté de son argumentaire et aussi, vu que la construction jurisprudentielle nationale n’est pas encore assez élaborée, néanmoins en cette matière, où les solutions faisant jurisprudence restent clairsemées et lacunaire. Dans une affaire similaire, le Conseil d’Etat a rendu son verdict dans l’affaire Cne de Fougerolles (AJDA 1997, p. 1010, note L. Richer ; RFDA 1998, p. 12, concl. L. Touvet ; JCP 1998, II, n° 10007, note R. Piastra). Cet arrêt tant attendu, a suscité beaucoup de débats de la part de la doctrine et a fait l’objet de beaucoup de commentaires dont celui du Pr. J.F. Davignon, publié à la revue AJDA et auquel nous allons  revenir dans cette article, vu sa brillante analyse juridique. Dans cette affaire, le préfet du département de la Haute-Saône avait estimé devoir déférer au Tribunal administratif de Besançon une délibération par laquelle le conseil municipal de la ville de Fougerolles avait décidé de céder, à une SARL et aux conditions très avantageuses, une parcelle de 3 600 m2. Le Tribunal de Besançon a prononcer l’annulation de la délibération contestée en se référant à une décision du Conseil constitutionnel affirmant que « la Constitution s’oppose à ce que des biens… faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé, pour un prix inférieur à leur valeur, que la décision de vendre un terrain communal pour un prix symbolique méconnaissait « un principe constitutionnel » ; « sans que l’entreprise puisse y opposer des créations d’emploi sur le site »…

Le Conseil d’Etat n’a pas suivi le juge administratif et il a cassé ce jugement. Il a trouvé que le tribunal de 1ere instance avait écarté, un peu vite, l’examen de la « valeur » des contreparties fournies par l’entreprise comme justification de la cession du terrain au prix symbolique. Le jugement du tribunal administratif se contentait en effet de dire – sans autrement développer – que la création d’emplois ne saurait, par principe, en quelque sorte, s’opposer à l’invocation de la règle constitutionnelle…Il eût, certes, été plus convaincant d’analyser beaucoup plus en détail la valeur de la contre-prestation ; pour y trouver, éventuellement, matière à sanctionner une « erreur manifeste d’appréciation »… Cette éventualité était, en l’occurrence, plausible ; Le Conseil d’Etat juge donc – et cela constitue le principal apport de cet arrêt – qu’il convient de prendre en ligne de compte, dans ce type d’affaires, les « motifs d’intérêt général » de semblables cessions ; ainsi que la « valeur » des contreparties offertes et acceptées. A vrai dire, ces deux éléments sont, dans la réalité, très interdépendants l’un de l’autre…… Selon le Pr.J.F.Davignon, dans toute cession de patrimoine public, la question du « prix » ou celle de la valeur des contre-prestations offertes (ce qui revient assez souvent au même), présente, presque toujours, une spécificité marquée par rapport à la façon dont se pose la même question, dans des opérations de même ordre, concernant des éléments de patrimoine privé.

Dans la gestion des patrimoines publics (la cession étant d’ailleurs, et plus que jamais, l’une des modalités d’une gestion dynamique de tels patrimoines), le « prix » se « mesure » par référence à des déterminants qui relèvent (a priori tout au moins) d’une stratégie de promotion d’un intérêt public. On peut dès lors admettre – sans états d’âme – la régularité d’une cession au prix symbolique, s’il apparaît que c’est le meilleur moyen (voire le seul) qui permette de faire se réaliser une opération interférant, au second degré parfois, avec des préoccupations d’intérêt général ; mais qui, en tout cas, milite dans l’immédiat en faveur d’un abaissement des sommes que le bénéficiaire de la cession devra de toute façon mobiliser, pour que l’opération soit effectivement « productive » à terme, y compris pour le bénéfice de l’intérêt général… Le « prix symbolique » au temps t peut être, dans un souci de « bonne gestion des affaires publiques », le moyen de provoquer pour le temps t + 1 un « retour sur investissement », sous forme de taxe professionnelle bien sûr, mais aussi sous des formes moins évidemment quantitatives, mais qui s’apprécient aussi, et tout autant, en termes de « finalités » d’intérêt général (finalité, est, notons-le, le terme même ici choisi par le Conseil d’Etat). On peut raisonnablement s’attendre à ce que le contrôle exercé à l’avenir par le juge soit donc bien, dans ces situations-là, un contrôle de « l’erreur manifeste », et non pas un « plein contrôle », comme celui qui a pu intervenir dans d’autres situations donnant lieu, elles aussi, à l’évaluation d’un prix. Cet arrêt avait, bien sûr, le mérite d’une très grande clarté, mais aussi celui de tolérer des aménagements au principe, au profit de personnes publiques d’abord, mais ensuite, et le cas échéant, au profit de personnes privées… « Poursuivant des fins d’intérêt public »…
Revenant à notre affaire, (l’affaire Mc Donald Oujda) ! Il faut bien admettre que l’entreprise qui a créé un certain nombre d’emploi, a bel est bien participé à agrémenter la région de Oued Nachef et elle a apporté une touche de gaieté à cette partie de la ville. Il faut aussi reconnaître que pour nos ressortissants marocains résidents à l’étranger, et loin de tout ce tourment juridique, manger un Burger King halal chez Mc Do à Oujda, constitue un apport inappréciable qui a façonné de fond en comble leur séjour dans la capitale de l’Oriental ! Donc, vu également les transactions que cette entreprise peut générer et son apport dans l’élargissement de l’assiette fiscale locale (taxe professionnelle, taxe sur les débits de boissons, redevance d’occupation temporaire du domaine public communal par des biens meubles et immeubles liés à l’exercice d’un commerce, d’une industrie ou d’une profession,…) peut on alors s’aliéner sur la position du Conseil d’Etat et dire que cette cession du patrimoine communal constitue un « intérêt général » et justifie qu’elle soit louée à un prix inférieur à sa juste valeur ?

En fait, avec cette affaire, on touche à un aspect très important des prérogatives des collectivités locales. La réponse doit être discutée dans le cadre de l’intervention économique des collectivités locales qui se fonde de plus en plus sur leur compétence à régler les affaires locales pour assurer le développement économique sur leur territoire. On observe, en effet que cette matière même de l’action économique locale est, dans son ensemble, caractérisée par un décalage quasi permanent entre un cadre juridique assez ambigu, et puis des pratiques de contournement de ce cadre ; pratiques bénéficiant, fréquemment, d’une certaine tolérance de la part de ceux qui sont, en principe, en charge de les dénoncer ou de les sanctionner. Les interventions en matière économique et sociale doivent être mises en œuvre sous réserve du respect de la loi en vigueur, du respect du principe d’égalité des citoyens devant la loi, ainsi que des règles de l’aménagement du territoire définies par la loi. Les collectivités locales ne doivent pas établir de discrimination entre les entreprises et les citoyens qui sont placés dans des situations étroitement comparables et par conséquent, ne doivent pas fausser le libre jeu de la concurrence afin d’instaurer un environnement d’investissement transparent et prévisible. Sur un autre volet, et afin de provoquer le temps t+1 discuté en dessus, « L’intérêt général » suppose et exige que la Sté Mc Donald qui a bénéficié de ces encouragements, s’acquitte spontanément de tous les impôts et taxes dont elle est redevable. Un « comportement » fiscal correct et un esprit de civisme fiscal pour ladite Sté sont obligatoires et c’est le seul moyen qui pourra atténuer la tension provoquée par cette cession litigieuse.
 En parallèle, les services de contrôle fiscal de la Division financière de la Commune et ceux de la Direction des impôts sont appelés à s’assurer de la sincérité et de l’exhaustivité des déclarations faites par cette Société.

Le Conseil communal, quant à lui, son rôle est d’allouer à la structure de contrôle fiscal les moyens susceptibles de réaliser les objectifs visés, a savoir, un contrôle efficace et de qualité qui assure la cohésion sociale. Parce que l’objectif et de mettre une politique publique de contrôle fiscal qui consiste a s’ouvrir sur les contribuables locaux en vue de leur faire adopter un comportement conforme au respect du système déclaratif, à l’acceptation et à la collaboration et par là même, créer un environnement favorable à la régulation sociale. Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que pour qu’une commune cède un bien communal, public soit-t-il ou privé, elle doit être dans la mesure d’assurer le suivi d’un tel acte et d’être à la hauteur de compenser et d’exploiter le bien fondé de son choix. Au-delà de la question du « prix », il faut alimenter une réflexion profonde afin d’identifier certains fondements économiques qui peuvent aider la commune à mener à bien sa politique d’investissement et son action économique locale. Il faut aussi clarifier le débat sur La gestion de « l’espace public », qui est, aujourd’hui plus que jamais, le centre de tensions extrêmement fortes qui, inévitablement, viennent un jour à être traduites dans les perspectives et les formes du débat juridictionnel.

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9 Comments

  1. jamila
    25/08/2010 at 18:39

    Bravo, voila la qualité d’articles qu’on aimerai lire dans nos journaux locaux..
    Félicitation Oujdacity

  2. Resumé
    25/08/2010 at 18:40

    Le juge administratif a considéré que la cession par une commune d’un bien faisant partie de son patrimoine privé, pour un prix inférieur à sa valeur, ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé, lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes, ces contreparties pouvant se traduire notamment par l’engagement de créer des emplois ou, à défaut, par l’obligation, pour l’acheteur, de rembourser à la commune le prix du terrain évalué par le service des domaines  » (CE 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles).

  3. zaza
    25/08/2010 at 18:41

    chercher des arrets du conseil d’état alors que le probléme de mc donald oujda semble à mon humble avis relatif à la conclusion d’un contrat par le président de la CU sans délibération du conseil et approbation des autorités de tutelle et par la suite l’octroi d’une autorisation de construction apres la fin des travaux et sans que la situation foncière du biens immobiliers ne soit assainis. en fait beaucoup d’irrugilarités juridiques et d’infraction aux lois. avant de faire l’analyse de la jurisprudence et étrangére il faut tout d’abord verifier la conformité aux lois et réglements.

  4. Abou Malak
    30/08/2010 at 02:50

    Mr Zaza, je ne vois pas où est le problème si l’auteur de l’article s’est référé à la jurisprudence étrangère d’autant plus que le droit marocain est très largement inspiré (quasi copier coller) du droit français dont il a retenu de nombreuses solutions en matière de droit administratif, contractuel, droit des sociétés…
    Il faut noter également que ce n’est pas la Cour Suprême qui a inventé le droit administratif marocain comme en France où les juridictions administratives ont crées ce droit en appliquant à l’administration des règles spéciales dérogatoires aux textes généraux. Le droit administratif marocain est composé de règles juridiques établies par le protectorat et dont une partie est toujours en vigueur. D’ailleurs, parmi les conséquences directes de ce mimétisme, le décalage frappant entre les textes et la pratique. Les textes ((copiés)) sont souvent inadaptés à notre réalité sociale et donc difficilement applicables.
    Quant aux autres régularités évoquées, certes elles constituent des infractions aux lois en vigueur, mais l’article a traité l’affaire dans son cadre juridique et théorique, a savoir si une commune, en exerçant ces prérogatives économiques, peut t-elle céder une parcelle de son patrimoine à un prix inférieur à sa juste valeur afin d’encourager des Stés à investir dans son territoire…

  5. zaza
    31/08/2010 at 02:25

    merci pour la réponse Mr Aboumalak c’étais juste un avis qui veut dire que l’analyse d’un problème juridique passe d’abord par l’étude de la législation puis la doctrine viens en fin la jurisprudence mais jamais l’inverse.

  6. juriste
    05/09/2010 at 01:23

    drole de réaction aboumalak: denigrement de nos textes de lois et de notre chère cour supreme. alors que vous parlé d’un doit admministratif marocain établi par la protectorat. eh bien vous avez à revoir vos idées il reste certe quelques régles anciennes mais la majorité des textes du protectorat sont abrogés. un conseil commencant par aimer notre pays et tous sera réglé d’autant plus que mondialisation oblige le modèle français semble disuéte

  7. Oujdi
    05/09/2010 at 01:24

    Une remarque sur la marge du problème en plus de la procuration du terrain pour Mc Donald en plus du joli parking. Je me pose la question suivante, ou trouve-t’on une gare routière sans parking dans le monde ? tjr le citoyen de la ville d’Oujda si il veut stationner prés de la gare il doit jouer le joue de la souris (la voiture) et le chat (le dépannage). Tjr nous vivons la merde avec ces élues de merde.

  8. MRE
    07/09/2010 at 15:42

    pour Mac donalds ou quiconque il faut respcter la loi nul n’est censé d’etre au dessus de la loi SM le roi a demandé à son gouvernment=assarama fi tatbik al kanoune=discour du trone 2010.pourquoi quand il s’agit de nos chers investisseurs M.R.E vous les faites courrir avec vos procedures jusqu’à ce qu’ils desistent. la honte à vous Brahimi,HADOUCH et surtout HJIRA et vive le PJD qui ne demande que le respect de la loi.Prière me publier merci

  9. OUJDI QUI AIME SON PAYS ET SA VILLE
    12/09/2010 at 01:20

    pourquoi vous ne m’avez pas publié mon article d’hier signé oujdi qui aime son pays et sa ville.Pourtant j’étais sérieux et il n’y avait ni injures,ni vulgarités…Alors messieurs faites le nécessaire car ça contient des données réelles et d’après moi tres importantes pour les intérressés je vous remercie

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