Bruno DUMONT démystifie la fabrication de l’image et confie son parcours initiatique

A l’ouverture des Master class 2013, Bruno Dumont, réalisateur français à la fois atypique et l’un des plus doués de sa génération en France, a parlé un langage du cœur qui va au-delà de la raison ; celui qui laisse dévoiler une part de soi avec générosité et amour du partage. Sa leçon à Marrakech a été particulièrement riche et constructive, puisqu’il a abordé le changement qui a touché sa manière de tourner des films. Il a accepté de mettre en scène sa propre mutation dans la conception de la fabrication de films ; en ce sens qu’il a reconnu avoir reconsidéré de fond en comble, la place de l’acteur dans la capture de l’image.
Bruno Dumont a ainsi avoué sans complexe, avoir remis en question sa propre expérience en reconnaissant que l’essentiel parfois dans le jeu d’un acteur, se passe dans les moments furtifs non capturés par la caméra et donc non filmés. A trop vouloir saisir l’instant, il dit avoir remarqué que l’emplacement de la caméra n’était pas toujours bon et que de ce fait précisément, l’on ratait des choses importantes. Dans mes anciens films, confie-t-il, la caméra n’était pas « souvent au bon endroit ».
Désormais, cette situation a changé, et « je préfère focaliser sur les raccords », c’est-à-dire ce travail laborieux qui consiste à réfléchir après coup sur les séquences tournées les unes après les autres, vu qu’il ne prend pas plus de trois ou quatre plans au maximum par séquence, devait-t-il résumer. Dumont qui est arrivé au cinéma à partir du champ multidisciplinaire de la philosophie, a rappelé une réalité que d’aucuns feignent d’oublier ; on ne devient pas réalisateur en apprenant le métier dans un institut des arts cinématographiques…
En parlant de l’art de faire des films, il invite à explorer autre chose que les simples émotions qu’un acteur peut manifester brillamment, vu que c’est son métier. En allant plus avant, il arrive à la conclusion inattendue selon laquelle ce n’est pas important que « l’acteur joue bien », ce qui m’intéresse maintenant « c’est que la caméra filme bien !» Partant du postulat qu’il a posé dans sa manière de faire des films ; à savoir qu’il soit lui-même « étonné de ce qu’il a filmé », il considère que ce qui compte, c’est cette capacité immanente à susciter la curiosité et le questionnement sur celui qui reçoit le défilement de ces images ; « il faut que le spectateur soit étonné pour regarder ».
Quelques séquences soigneusement choisies de sa filmographie, ont tour à tour illustré ses propos comme le changement dans sa manière de filmer dans « Hors Satan » (2011) et « Camille Claudel 1915 ». Dans ces deux films, il avoue volontiers que « la caméra domine » comme dans un plan-séquence dans lequel Juliette Binoche s’est livrée intégralement à la caméra, sans rien épargner de son jeu qui pouvait se passer hors-champ. D’autres séquences ont également mis en avant sa manière singulière de fabriquer l’image et de susciter l’émotion chez le spectateur, comme dans « L’humanité »(1999) ou encore dans « Hadewijch » (2009).




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