Le Maroc moderne fascinant et surprenant
Mustapha HMIMOU
Le Maroc moderne fascine chaque jour davantage. Dans l’urbanisme, les infrastructures, l’industrie, les énergies renouvelables, le numérique ou la diplomatie, le pays avance à un rythme qui surprend autant le commun des mortels que les observateurs les plus avertis. Les villes se modernisent, les projets structurants se multiplient rapidement, l’économie s’affirme, et partout, l’on ne peut s’empêcher de ressentir, avec satisfaction, émerveillement et fierté, qu’il y a derrière tout cela des compétences 100 % marocaines, pleinement capables de mener à bien des transformations d’envergure.
Certes, à l’inverse des seniors, à même de comparer le passé avec le présent, les jeunes générations ne mesurent pas tout naturellement l’ampleur de cette métamorphose. Pour elles, et à juste titre, tout n’est pas si rose. Et elles ont donc parfaitement raison de ne voir que la partie vide de la coupe pour être si exigeantes face aux problèmes qui subsistent encore et les touchent directement, comme l’emploi, la qualité des services publics, le pouvoir d’achat ou la justice sociale, aspirant ainsi à un avenir plus équilibré et plus inclusif.
Ceci dit, l’on est quand même en droit de se demander avec étonnement comment un pays qui se plaint depuis des décennies de la faiblesse de son système éducatif peut produire autant de ressources humaines capables de réussir dans les sciences, le numérique, l’ingénierie, l’entreprise ou la diplomatie. Le paradoxe est réel, profond, et mérite d’être compris à travers une lecture attentive de ce que le Maroc a réellement formé génération après génération, depuis l’indépendance.
La génération de l’indépendance (1956–1975) rassembla les premières élites formées à l’étranger, qui ont posé les bases de l’État moderne : institutions, administration, grands barrages et premières grandes écoles marocaines. La génération de la massification scolaire (1975–1995) a bénéficié d’un système éducatif élargi, produisant malgré tout une élite de professeurs, de médecins, d’ingénieurs, entre autres, pour la plupart formés localement et capables d’une véritable ascension sociale. La génération de l’ouverture et de la mondialisation (1995–2010) a profité de l’essor des écoles étrangères, des formations mixtes et des partenariats internationaux. Cette période a fait émerger un esprit entrepreneurial inédit, particulièrement visible dans la technologie, la finance et la montée en puissance des PME.
Depuis 2010, une génération pleinement numérique s’autoforme massivement grâce à Internet, crée des startups, du travail libre et indépendant et accompagne l’accélération de la digitalisation dans les secteurs public et privé. Mais comment un enseignement si souvent critiqué peut-il produire des élites aussi performantes ?
Ce paradoxe n’est d’ailleurs pas propre au Maroc : on le retrouve dans bon nombre de pays émergents, où des systèmes éducatifs, quoique fragiles, parviennent pourtant à former des élites scientifiques, techniques et entrepreneuriales de haut niveau. Le système éducatif marocain présente un profil en « pyramide » où la majorité des élèves se situe entre moyens et faibles, comme le confirment les programme d’évaluation internationaux : PISA, PIRLS et TIMSS, tandis que la proportion normale de 5 à 10 % d’élèves les plus performants rivalise pleinement avec leurs pairs internationaux.
Et c’est cette élite qui, quand les conditions favorables sont réunies, représente la locomotive qui tire tout le reste de l’avant. Cette élite, formée dans les grandes écoles locales ou étrangères, se retrouve à la tête des postes à fort impact dans l’ingénierie, les infrastructures, la finance, le numérique ou la diplomatie.
La performance marocaine ne dépend pas seulement de la qualité de l’enseignement : elle repose aussi sur un atout culturel majeur. La famille valorise fortement l’éducation et la mobilité sociale, si bien que même dans les milieux modestes, réussir à l’école équivaut à réussir sa vie, une dynamique héritée du rôle central du livre, du savoir religieux et du cursus traditionnel diversifié de l’université d’Al-Qarawiyyin. S’y ajoute une culture de débrouillardise, où les jeunes développent hors de l’école des compétences pratiques, l’autodidaxie, des réseaux et de la créativité, comme le souligne la sociologie du travail au Maroc.
L’esprit entrepreneurial marocain possède aussi des racines historiques bien antérieures au système éducatif moderne. Il s’est nourri du commerce caravanier, de la diaspora, des traditions de souk, de l’artisanat et du négoce, ainsi que du rôle central des familles marchandes dans l’économie du pays surtout dans les grandes villes impériale comme Fès et Marrakech, bien avant Casablanca. Cette culture d’entreprise profondément enracinée continue d’influencer les générations actuelles.
Les réformes de l’État ont considérablement amplifié l’impact des ressources humaines marocaines. Les investissements massifs dans les infrastructures (Tanger Med, LGV, ports, autoroutes, zones industrielles) ont multiplié les opportunités pour les ingénieurs et entrepreneurs. L’ouverture internationale, à travers les investissements directs étrangers, les zones franches et les accords de libre-échange, a imposé des standards élevés et favorisé la formation des ressources humaines sur le tas. Enfin, la centralisation stratégique des projets a permis d’éviter la dispersion et de donner une direction claire au développement du pays.
Et conformément à l’esprit de sa propre génération et de son époque, le rôle du souverain dans toute cette dynamique est capital. Sa Majesté Mohammed VI définit la vision stratégique du pays, catalyse les réformes institutionnelles et mobilise les acteurs. Garant de la stabilité politique du pays et de la cohérence de ses projets structurants, il inspire confiance aux investisseurs locaux et étrangers, crée un environnement propice à l’expression des compétences marocaines, oriente la formation, encourage l’innovation et l’entrepreneuriat, et incarne le symbole de l’unité nationale, permettant aux talents de se déployer pleinement.
Finalement, en dépit des lacunes dont se plaignent encore, et avec raison, la jeunesse et les couches défavorisées et qu’il est urgent d’y remédier, le Maroc moderne fascine et surprend néanmoins, grâce à une combinaison unique de facteurs humains, culturels et institutionnels. Les générations se sont succédé, compensant les limites du système éducatif par le travail, l’autodidaxie, l’esprit d’entreprise et une culture familiale profondément attachée à l’éducation. L’histoire, la tradition, la débrouillardise et l’ouverture sur le monde ont forgé des élites remarquables, capables de relever les défis du XXIᵉ siècle, grâce aux réformes étatiques cohérentes qui ont offert un terrain fertile et propice à l’expression et à la valorisation de ces talents.
Le véritable secret du succès marocain ne réside donc pas dans un enseignement parfait, mais dans la capacité d’un peuple jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, génération après génération, à mobiliser ses forces, à innover, à s’adapter et à transformer ses ressources humaines en résultats concrets, dans un climat de confiance et avec une bonne dose d’optimisme. Et tout indique que l’horizon 2030 s’annonce prometteur, espérons-le inchaallah.





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