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Les aspects du passé simple

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L’étude des temps des verbes de la langue française repose sur trois critères : le critère du mode, du temps et de l’aspect. Si les deux premiers n’ont pas de secret pour les praticiens du français, le dernier, lui, leur oppose quelques résistances.

Dans le système verbal français, il y a huit modes et chaque mode comprend autant de temps simples que de temps composés correspondants par la conjugaison ou la forme de l’auxiliaire.

Mais il faut compter également avec l’aspect du verbe conjugué qui se mesure avec « achevé/accompli vs non achevé/non accompli ». La règle selon laquelle un aspect est dit accompli ou non accompli se réfère à la conjugaison du verbe et elle est ainsi formulée : tous les temps composés sont accomplis et tous les temps simples non accomplis. Cela ressemble à une évidence que nul n’ose transgresser s’il n’y avait pas au sein de cette règle un temps qui dérange par sa présence et par sa complexité à savoir le passé simple. Cependant, certains classent ce temps parmi les temps à l’aspect accompli, suivis en cela par beaucoup de manuels et d’enseignants qui continuent à le considérer comme tel, enfreignant ainsi la règle énoncée précédemment (Passerelle Français ; Troisième année du cycle secondaire collégial, page 52/53 : « une action accomplie dans un passé défini ») : il convient de signaler les deux erreurs contenues dans cette phrase : la première concerne l’aspect du passé simple dont il est dit à tort qu’il est accompli, la seconde l’emplacement du passé simple dans un passé « défini ». Nul n’ignore que le passé simple est un temps coupé du moment de l’énonciation et par conséquent relégué dans un passé aux frontières indéfinies, à l’inverse du passé composé qu’un « je, ici, et maintenant » clôturent.

Nous nous demandons ce qui peut distinguer le passé simple de l’imparfait. Tout les distingue me direz-vous, ce qui les réunit cependant c’est qu’ils sont tous deux des temps du passé. Pourquoi l’aspect du premier est –il dit achevé alors que celui du second non achevé ? Cela parait incompréhensible et inacceptable à la fois. Vous objecterez sans doute que le passé simple entretient une relation de similitude avec le passé composé, que, comme celui-ci est classé parmi les temps à l’aspect achevé, il doit être de même pour celui-là, vu que le second est le temps du discours, le premier celui du récit. Comme le passé composé gouverne le discours et le passé simple le récit, l’un et l’autre seraient donc des temps accomplis.

Ce qui n’est pas juste.

Le passé simple doit recevoir un traitement spécial.

Considérons les exemples suivants :

« –Quand il eut fini, il sortit. »

« -Après avoir salué l’assistance, il remit son chapeau sur la tête. »

Je considère que l’action exprimée par le passé simple n’a rien d’une action achevée, elle est en attente d’achèvement. Et son accomplissement ne débutera qu’une fois que l’action exprimée par le passé antérieur « eut fini » ou l’infinitif passé« avoir salué » aura pris fin. Donc, dans ce cas l’aspect du passé simple n’est pas accompli comme certains le pensent et continuent à l’enseigner.

Considérons à présent un second exemple où l’imparfait, également un temps du passé, est non accompli dans le passé tout comme le passé simple dans les deux exemples que j’ai donnés plus haut.

« -Quand il avait fini d’extraire la balle de sa jambe, il se mettait à gémir. »

L’imparfait est également un temps du passé tout comme le passé simple à une différence près que le premier a un aspect sécant. Comme l’action exprime une certaine durée, on peut la couper ou envisager en elle un début, et probablement un milieu et une fin car elle s’étire sur l’axe chronologique, à l’inverse du passé simple qui est une action envisagée comme globale et par conséquent non apte à être coupée, donc non sécante ; le passé simple est un point sur la ligne de l’axe chronologique, c’est pourquoi il est impossible de couper l’action ou d’envisager son début, son commencement.

On ne doit pas s’arrêter là, car le passé simple peut s’employer avec l’imparfait qui lui sert de toile de fond. Considérons l’exemple suivant :

« -Il marchait la tête entre les épaules quand il entendit le bruit d’une dispute. »

L’imparfait est une ligne sur laquelle est venue se greffer le passé simple qui est un point sur cette ligne. En plus de son aspect non sécant comme on l’a montré plus haut, le passé simple a un aspect sécant puisqu’il coupe l’imparfait. L’action « entendit » coupe celle de « marchait » et arrête, ne serait-ce que pour quelque temps, son accomplissement. Rien cependant n’empêche l’action de « marcher » de reprendre son cours, ni celle « d’entendre un autre bruit hors de l’ordinaire » de la couper une seconde fois.

Récapitulons : a- Employé avec des temps composés ou avec des indicateurs de temps qui expriment l’antériorité, le passé simple est un temps non accompli par rapport à eux, car ils lui sont antérieurs. Comme les actions s’agencent sur l’axe chronologique qui est une ligne plate, elles doivent obéir à un ordre de priorité.

b- Employé avec l’imparfait, il a un double aspect par rapport à ce temps qui l’accompagne et lui sert de toile de fond :

1-Il peut avoir l’aspect non sécant car, constitué d’un point, il forme un tout indivisible, à l’inverse de l’imparfait qui a l’aspect sécant car son action s’étire sur l’axe chronologique et est par conséquent susceptible d’être coupée.

2-Il peut surtout avoir l’aspect sécant ; s’il ne peut être coupé comme son caractère de non sécant le laisse entendre, il sert à couper l’imparfait. En effet, le rôle du passé simple est de couper l’imparfait.

Zaid Tayeb 25-11-2007

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1 Comment

  1. hassan
    02/12/2007 at 21:10

    j’ai été heureux de retrouver les leçons du professeur Zayed Tayeb, bien que je n’ai pas pu le reconnaitre au début, si ce n’était pas son nom affiché.
    avec vous on a aimé la langue et la littérature française, un grand merci, professeur.

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