L’alcool est interdit de commerce et de consommation pour les Musulmans. Le Coran le dit à maints endroits. Le tabac est également interdit. Les oulémas sont unanimes là-dessus. La médecine n’arrête pas de mettre en garde contre les méfaits qu’elle énumère un à un du tabagisme et de l’alcoolisme. Leur nocivité n’est un secret pour personne. Elle l’est encore moins pour les consommateurs eux-mêmes. Pourtant, ces deux fléaux, qui ont fait des ravages et continuent à en faire se vendent librement et publiquement même dans les pays musulmans. Il suffit d’avoir une autorisation de l’Etat pour pouvoir ouvrir un bureau de tabac, un bar ou une épicerie. Pire, pendant que les buveurs vident leurs coupes ou leurs bouteilles de bière tout en tirant la nicotine et le goudron de leurs cigarettes qu’ils envoient dans leurs poumons, un agent de la sûreté nationale, payé par la caisse des citoyens, veille sur eux. Sur les trottoirs, des montagnes de cageots de bouteilles vides, vidées la veille pendant la longue nuit de beuverie, attendent, au vu et au su de tous, d’être emportées pour revenir pleines aux bars ou dans les épiceries le soir-même. Dans les cafés, des cendriers de toutes les formes, de toutes les matières et de toutes les couleurs sont déposés sur les tables pour recevoir les cendres et les mégots des cigarettes consumés par des consommateurs avides de fumée. Des vendeurs ambulants de cigarettes au détail proposent aux attablés des cigarettes américaines au-dessus du pouvoir d’achat de la plupart des tabagiques. Pratique nouvellement entrée en usage : le long des plages où les baigneurs viennent rafraîchir leurs corps grêles et frêles , un nouveau produit venu de l’est, que seuls les mordus des feuilletons égyptiens à quatre sous avaient coutume de voir sur leurs petits écrans, fait son apparition sur les plages. En effet, des porteurs de narguilés (chicha), vont et viennent sur le sable brûlant de la grève pour offrir les tuyaux à sucer de leurs narguilés à d’éventuels consommateurs en mal de fumée exotique.

Au rythme où vont les choses, nous ne sommes pas très loin de l’époque où des marchands ambulants d’alcool au détail, la gourde ou l’outre gonflée du liquide de l’ébriété sur le dos, proposeront au public le contenu enivrant de leur peau de chèvre doublement tannée. Nous ne sommes pas non plus loin de l’époque des marchands ambulants de joints roulés par des mains de maître, ou de seringues remplies par des connaisseurs assermentés par Bélzébuth, dosées à une convulsion près, ou encore des poudres blanches finement travaillées pour des fosses nasales forées pour l’inhalation des poudres blanches. Nous ne sommes pas loin enfin de l’époque où des marchands ambulants de diluant, chiffons imbibés, ni trop secs pour blesser les parois externes du nez déjà endommagées par l’usage, ni trop dégouttants pour les poumons pourris et en décomposition, proposeront à des consommateurs de basse échelle, leurs chiffons à renifler pour quelques sous, pour quelques minutes, le temps d’un voyage dans l’obscurité du coma.

Et ce sera pour nous tout à fait rassurant d’entendre les appels des marchands ambulants crier par les rues l’éventail de leurs produits. Et ce sera pour nous chose normale de voir des citoyens appeler les marchands ambulants pour leur demander une carafe de bière bien fraîche, un joint bien roulé, un chiffon bien imbibé de diluant, comme nous les voyons à présent les appeler des terrasses des cafés pour leur demander une cigarette américaine à griller, ou un tuyau de narguilé à sucer.

Les pays pauvres cultivent et produisent des drogues qui sont dangereuses pour la santé, il ne faut pas le nier, mais ils n’ont pas le droit de les commercialiser. C’est un produit interdit de culture, de commerce et de consommation. Et l’argent qui en est tiré est sale qu’il faut blanchir. Si les pays développés produisaient des drogues, ils trouveraient bien le moyen de leur trouver des vertus curatives, thérapeutiques ou autres qu’on ne leur soupçonnait pas. Ils produiraient alors ces drogues à une échelle industrielle : les joints seraient roulés par des machines et vendus en paquet avec ’’produit dangereux pour la santé’’, les seringues pré remplies et dosées maison avec’’ abus dangereux’’, la poudre blanche certifiée conforme aux normes internationales avec mode d’emploi pour les non initiés, et les chiffons à usage unique(jetables) vendues dans des emballages comme ceux des kleenex, prêts pour l’emploi .Et l’argent qui en sera tiré sera propre à la source. Si au contraire, c’était les pays pauvres qui produisaient l’alcool et le tabac, les pays développés les auraient prohibés il y a bien longtemps pour leur caractère dangereux, que nous connaissons, pour la santé. Ils auraient déclaré une guerre aux pays producteurs de ces produits auxquels ils auraient donné le nom de poison.

Je crois que les échanges commerciaux qu’entreprennent les pays producteurs de drogues et les pays producteurs de tabac et d’alcool doivent être redéfinis. Ou bien les derniers doivent partager avec les premiers les bénéfices honteux de ce commerce de la mort, ou bien l’alcool et le tabac doivent être prohibés, ou bien encore on ouvrira une ère nouvelle dans les échanges commerciaux du type : commerce de tabac et d’alcool pour commerce de drogue, commerce de poison pour commerce de poison.

Dans l’état actuel des choses, le commerce du tabac et de l’alcool est profitable aux Etats alors que celui de la drogue, il n’est profitable qu’à une poignée de narcotrafiquants. L’Etat devrait donc prendre en main, et sans rougir, ce commerce juteux en devise au lieu de le laisser entre les mains d’une poignée de patrons de la drogue qui se remplissent les poches pendant qu’il les regarde faire ou leur déclarer une guerre, comme le lui suggèrent d’ailleurs les pays développés, dans laquelle il a beaucoup à perdre qu’à gagner.