Le parlementaire (5)

– Tu es venu encourager nos hommes pour qu’ils prennent d’autres épouses…ça m’étonnerait que tu puisses passer à l’acte pour leur donner le bon exemple, « Lallak », ton épouse t’extraira les yeux des orbites, d’ailleurs tu ne peux même pas y penser en sa présence… Et vous (se retournant vers les autres femmes qui suivaient la prêche, silencieuses et soumises) vous allez encore écouter ces balivernes !

Toutes les femmes se levèrent en un seul sursaut, la suivirent, et quittèrent la salle dans un brouhaha qui couvrit totalement les paroles du prêcheur qui perdit son contrôle et faillit même se relever pour aller les rejoindre et s’en excuser, comme s’il avait peur qu’elles allassent dare-dare le dénoncer auprès de sa femme.

– Rien que pour ça qu’on nous a réunis ici ! Qu’Allah maudisse les hommes ! Ils ne pensent qu’à leurs dards !, lança à la cantonade la dernière femme qui quittait la salle.

Seules quelques vieilles filles maugréaient leur colère en silence et restaient collées à leurs chaises. Elles suçaient l’espoir de ses paroles qui venaient leur chatouiller les parties les plus intimes.

Cette manière de militer ne plut pas à notre parlhumanoïde. Pour lui, militer c’était limiter la dépravation comme l’avait bien dit ce maître de la vérité, la vraie vérité, la vérité absolue. Il devait donc se venger de sa femme qui l’avait réprimandé rien que pour cette malheureuse trace de ce bisou, laissée par son image… Et voilà qu’à cause d’elle, il venait de la perdre, et fut atteint d’une cécité singulière. Son image l’obsédait. Il n’arrêtait pas d’y penser. Il fit une dernière tentative pour la retrouver. Il éteignit la lumière, une manière de balayer ou d’effacer cette réalité génératrice de cette guigne matinale. Il resta un bon moment dans le noir, priant et récitant les versets d’incantation pour chasser le « chitane » s’étant infiltré dans sa salle de bain. Puis il ralluma la lumière qui envahit de nouveau le lieu et sauta devant la glace comme pour surprendre son image qui, croyait-il, était toujours là et ne faisait que le narguer…

Aucune image n’apparut sur le tain bien astiqué (était-elle le vrai « chitane » qu’il venait de maudire et contre qui il venait de réciter les trois célèbres incantations afin qu’il fût chassé de son royaume où gisaient les merveilles de la cuisine ?!). Seule, celle de sa femme qui venait de faire irruption dans la salle de bain, envahit la surface du miroir et apparut très en colère…. ( A suivre)

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