Une révolution à la dimension d’un peuple

Depuis que Sadate a fait signer à l’Egypte les accords de Camp David en 1978, le monde arabe a perdu un grand pays frère passé dans les rangs de l’ennemi. Avant cette triste date, les arabes comptaient sur l’Egypte et puisaient leur force de la sienne comme l’Egypte puisait sa force de la leur. L’Egypte, Misr, Oum Dounia , Ard al kinana, autant de noms de grandeur et de majesté pour désigner un grand pays : grand par son histoire millénaire ancrée dans un passé reculé et riche ; par son vaste territoire ; par ses hommes politiques, ses poètes et écrivains, ses musiciens et chanteurs ; tout est grandiose en Egypte et mérite admiration et recueillement : ses pyramides, son Nil, son phare, son delta, son canal de Suez, son Caire, son emplacement géographique à la croisée des nations arabes, entre le levant le couchant. L’Egypte est le fer de lance de toute la nation arabe et sa force de frappe en temps de guerre ; elle est son âme en temps de paix.
Depuis les accords de paix imposés à l’Egypte par les Etats Unis et son allié Israël, l’Egypte se replie sur elle-même, s’enferme à l’intérieur de ses frontières, s’isole du monde arabe à qui elle servait de leader. Elle se rapproche de plus en plus d’Israël avec qui elle signe des traités de paix et à qui elle fait de multiples concessions connues ou secrètes. Pour sa bonne conduite et ses bons et loyaux services, l’Egypte reçoit des aides des Etats Unis. Elle mendie le pain de ses enfants, elle qui a le Nil et le delta, un grenier capable de nourrir tout sa population présente et exporter l’excédent. Elle qui a le gaz qu’elle cède à Israël pour le tiers de son prix réel, elle qui a le tourisme qui constitue une source de revenus en devises. L’Egypte donne plus que ce qu’elle ne reçoit, en quantité et en qualité. L’Egypte s’est isaraëlisée. Elle se prostitue.
Le peuple d’Egypte, un peuple de poètes, de chanteurs, de compositeurs, d’écrivains, de réformateurs et d’hommes de sciences reconnus à l’échelle de la planète, est réduit au silence par la machine policière du régime ; il se résigne de parler par crainte de subir les représailles du pouvoir. Il endure dans la honte de filer doux, la queue entre les pattes et l’échine basse. Il a perdu la considération des citoyens des autres peuples arabes qui voyaient en lui le modèle auquel il faut emprunter le pas et le chef de file. Le voici perçu comme un traître et un corrompu réduit à manger et à dormir comme mangent et dorment les bêtes de somme quand on n’a plus besoin d’elles. Le peuple d’Egypte ne pense plus, ne réagit plus : il porte sur lui le lourd fardeau de la honte, du mépris et de la terreur.
Erreur.
Le peuple d’Egypte est demeuré pur, digne et grand. Sa grandeur, sa pureté et sa dignité, il les a manifestées le jour du 25 janvier 2011, sur le champ de l’émancipation ’’Maydane attahrir’’ en élevant haut et fort la voix contre le tyran qui l’a avili et asservi pendant si longtemps. Malgré la machine policière et les contingents de ‘’baltagia’’ à la solde du pouvoir en place, malgré les longues années de domestication pendant lesquelles il a semblé hiberner, le peuple d’Egypte se réveille et fait éclater sa révolte contre ses tyrans.
Une grande révolution à la dimension d’un grand peuple.




1 Comment
SALAM,Si Zaid,permettez-moi de vous adresser mes sincères félicitations pour la profondeur et la pertinence absolument remarquables, de vos analyses si jiducieuses et si cohérentes.
Cher collègue,vous honorez la plume pédagogique dont la vision politique de notre site, bien-aimé,avait tant besoin.
Vive la vraie liberté!Vive la vraie démocratie!
Bien cordialement.
DE VIVE VOIX:Mohammed ESSAHLAOUI