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De la mort par l’eau à la mort par le feu

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Combien de vies humaines ont péries englouties par les eaux des mers et des océans ? Partis dans des embarcations de conception primitive à destination de pays, disait-on, où il ferait bon vivre, ils ne verront jamais poindre à l’horizon la terre de leurs rêves et de leurs espoirs. Ils voguaient dans les épais brouillards et les eaux houleuses et écumeuses. Ils voguaient dans le noir dans un liquide à ne pas boire, enveloppés d’un manteau blanc. Des jeunes garçons dans la fleur de l’âge, sains d’esprit et de corps, destinés pour une longue vie, se font avaler par les eaux salées et grouillantes d’une mer en furie, après que leur frêle embarcation, surchargée de chair à poissons, chavire, se retourne et vide sa cargaison humaine, loin des leurs à qui ils auraient arraché des gémissements de chagrin et des lamentations de douleur, loin des regards qui les auraient vus disparaître, le temps d’un plouf, les yeux révulsés, et les mains au ciel. Et les eaux se referment emportant avec elles leurs dépouilles. Sans deuil.

Que voulez-vous? Leur avait-on demandé avant qu’ils mettent le pied dans la barque et la barque à l’eau ?  Errer, misérables,  dans les rues à la recherche d’un passe-temps ? Trimer à quatre pattes pour quatre sous ? Mourir pour un idéal ? C’est sans appel. Ils ont considéré les termes du dilemme et ils ont choisi la noyade dans les glouglous des eaux sans fond de la mer, à la vie dans l’étouffement de la misère et de l’indifférence générale de ceux qui président à la destinée du pays et par conséquent à celle de ses habitants qui possèdent la force dans le bras et l’intelligence dans la tête. Deux atouts non cotés dans un pays où les uns s’en mettent pleines les poches pendant que les autres n’ont pas petite miette à se mettre dans la bouche. Aussi se jettent-ils dans les eaux avec le mince espoir de se retrouver de l’autre côté. Et ils se retrouvent toujours de l’autre côté. Du mauvais. Leur périple durait déjà depuis très longtemps et leur mort ne faisait pleurer plus personne sur la terre ferme.

 Depuis quand les jeunes se jettent-ils, le cœur gros et les ressources maigres dans les eaux pour y mourir? Leur mort a-t-elle éveillé les consciences des responsables ? A-t-elle apporté des changements pour leurs camarades de misère restés en vie? Tout juste un fait divers relaté dans un mince filet dans les feuilles intérieures d’un journal.

La mort par l’eau se fait sans cérémonie car loin des spectateurs. Alors les jeunes, plus entreprenants, plus imaginatifs et plus inventifs que les responsables qui demeurent sourds aux appels de détresse qui leur parviennent des profondeurs de la mer- Ah ! Si la mer parlait ! Que de récits de drames elle raconterait !;  ils demeurent insensibles à la misère des jeunes qui vagabondent par les rues, les mains dans les poches et la tête dans les nuages, beaux dans leur mise, laids dans leur intérieur ; ils demeurent opposés à toute volonté de changer pour les vivants ce que les morts ont entrepris par leur mort. Aussi les jeunes entreprennent-ils de faire changer par le feu ce qu’ils n’ont pas pu changer par l’eau, en s’immolant en public et en grande cérémonie sur les places des petits villages et sur les places des grandes villes . Le spectacle d’hommes transformés en boule de feu, en torche mouvante, est plus tragique que tout ce que l’œil de l’homme a pu voir de tragique jusqu’alors. L’homme que le feu dévore, avance, titube, chancèle et tombe, sous les regards ahuris et impuissants de la foule, devient un philosophe par la sagesse de l’entreprise et la folie de sa mise en exécution. La foule que le spectacle du feu réveille de sa longue léthargie, s’humanise alors et prend conscience de la prise en main de son destin que d’autres avaient manipulé pour servir leurs ignobles intérêts, ceux de leurs proches et ceux de leurs rejetons encore. La foule se donne rendez-vous pour le soir, et se fait plus nombreuse le lendemain, et plus menaçante et plus agressive les jours suivants. La foule contamine : elle  donne la force de vaincre la peur instaurée par les régimes policiers en place. La foule prend conscience de sa force et de son pouvoir. La foule envahit les rues, les places publiques. Elle crie. Elle ouvre enfin la bouche pour dire quelque chose, elle qui n’ouvrait la bouche que pour boire et manger.

Soudain, les responsables  prennent eux aussi la parole, demandent la réduction des prix des denrées de base, promettent de faire travailler les sans emploi, augmentent les salaires, appellent à des changements…Trop tard, la parole est au peuple et les décisions aussi.

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