Les harkis de la littérature d’expression française

Certains écrivains d’expression française croient à tort qu’en utilisant la langue de celui qui, hier encore les affamait après avoir privé leurs parents de leur liberté et exproprié de leurs terres pour les réduire en fin de compte à s’avilir à ses portes à mendier une bouchée de pain, ils s’approprient sa culture, ses manières, sa pensée, et par conséquent son identité, et se voient déjà considérés comme des Jacques, des Paul ou des Jean. Mais il n’en est rien, tout au plus s’ils contribuent au lent et dégradant déshabillage de leur culture et d’une partie de leur identité de leurs compatriotes, en leur faisant mal endosser celle du colon à qui ils servent de chien de garde qui aboie pour le repos de son maître. Ils se défont avec toute la force de l’ignorance de leurs origines comme on se défait de ses défroques qui font honte. Mais les origines sont si profondément enracinées dans les gènes que toute volonté de s’en défaire est vouée à l’échec. Aussi, ces écrivains, au lieu de se voir considérés comme des Paul, des Jacques et des Jean, comme ils s’évertuaient à le croire et à la faire croire, ils s’entendent se faire héler tout haut par Momo et Abdel quand il s’appellent dans leur état civil d’origine Mohammed, Abdalkader, Abdalilah etc.…et se faire désigner tout bas de bikes, biquets, bicots, ratons, et bougnoules. Des dénominatifs racistes, abjects, immondes, poinçons de rejet, de refus et de mépris.
Les écrivains d’expression française qui glorifient le colon et le colonialisme et les magnifient, sèment chez leurs compatriotes fraichement affranchis du joug de leur ancien maître, les graines de l’infériorité et de la faiblesse qu’ils montrent comme biologiques et par conséquent, ils leur tracent la voie rectiligne de l’aliénation, de l’assujettissement et de la soumission : ils leur font ainsi douter de leur force, de leurs qualités et de leurs compétences pour leur faire accepter que leur survie en tant qu’anciens colonisés dépend uniquement de celle du colonisateur rentré au pays après avoir laissé ses larves éclore et finir ce qu’il a entrepris. Ces écrivains ne peuvent être désignés par d’autres termes que par celui des harkis de la plume qui leur sied si bien.
Les lecteurs peuvent considérer d’eux-mêmes les prises de position de deux écrivains différents, d’origine différente, situés à des époques différentes : un écrivain de langue française sur les Arabes* puis sur la France coloniale et un écrivain français sur les Arabes.
’’ Ce désordre cessa avec l’arrivée des Français, qui mirent au pas les bandits coriaces et les têtes brûlées. Mais seule la peur du bagne eut véritablement raison de cette engeance. A ce souvenir, Bouchaïb sourit et pensa :’’ Après tout, la France nous a apporté la tranquillité. Une paix sublime. Il serait idiot de ne pas reconnaître ses bienfaits, qui sont nombreux. Avant elle, avant sa venue, il n’y avait aucune route dans tout le pays, aucune automobile non plus. Et pas la moindre sécurité. Il y a eu du changement depuis l’arrivée de la France. Ceux qui ne s’en rendent pas compte ou qui ne veulent pas l’admettre, se leurrent…’’**
‘’Ainsi Pierre-Daniel Huet, écrivait dans son ‘’Traité de l’origine des romans’’ que « les romans peuvent être entièrement faux, et en gros et en détail ». A partir de là, il n’y avait qu’un pas à faire pour s’apercevoir de la ressemblance des romans avec les mensonges, avec la parole feinte ; le même Huet voit l’origine du roman chez les Arabes qui seraient une race particulièrement douée pour le mensonge’’***
Autant Mohammed Khaïr Eddine loue la France qui lui a spolié son identité, et l’a dépossédé de son âme, autant Pierre-Daniel Huet réduit les Arabes à une race de fins menteurs.
Les écrivains ne son-ils donc pas les guides éclairés du peuple comme les combattants ses défenseurs implacables ? Il semblerait que pour certains écrivains d’expression française, nous sommes redevables à la France et nous le resterons pour longtemps.
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** Mohammed Khair Eddine : Il était une fois un vieux couple heureux ; Librairie Al Ouma, page 32
***Tzvetan Todorov : Qu’est-ce que le structuralisme ? 2-Poétique ; édition Point, page 35




1 Comment
Pour ma part la France m’a apporté la culture, m’a ouvert le cerveau, je sais lire et écrire (mes parents non) je sais également porter une critique sur telle ou telle chose, je sais aussi que je peux savoir si je veux savoir je sais aussi dire non si je veux dire non L’algérie m’aurais mise au placard car je suis une femme, elle m’aurait bridée. Je suis heureuse d’avoir eu droit à cette option et je la souhaite à toutes et à tous.
Cordialement
Chama