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Le Haïku : import ou emprunt ?

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L’écriture poétique n’est-elle pas destinée à plaire et à impressionner ?  A plaire par son aspect esthétique qui glorifie le beau, à impressionner par la force du verbe et sa puissance à traduire par la langue ce que l’on ressent par les sens et qui flotte dans l’esprit.  De la conjugaison savante  de ces deux pôles, naît l’art poétique. Nous n’avons qu’à considérer les grands poètes de la période préislamique  comme Imrou’l Qays,  Zouhair Ibn  Abi Selma…, postislamique comme Al Moutanabbi, Al Bouhtouri …, ou moderne comme Ahmed Chaouki, Al Baroudi… pour nous rendre à l’évidence qu’à la lecture de ces grands poètes nous pouvons en conclure sans hésitation qu’ils ont marqué leur époque et la langue arabe par la qualité de leurs poèmes.

Mais la langue arabe a connu une récession due en grande partie à la prédominance de la culture et de la langue françaises ou anglaises sur la culture et la langue arabe. Notre identité s’en est trouvée occultée, bafouée  et jamais nous ne nous sommes trouvés dans une nudité aussi veule et aussi dégradante que pendant l’époque moderne.

De là est née, en partie, la recherche d’une forme nouvelle d’écriture  légère et accessible, affranchie des règles classiques de versification basées sur l’alternance ‘’dynamique/statique’’ (haraka/soukoune), soumises à la ‘’taf’ila’’ et sur les rimes de fin de vers, considérées comme des tares dont il convient de se libérer. Certains poètes marocains et non des moindres ont abandonné la forme du poème arabe pour celle du Haïku. Quelques questions s’imposent, toutefois. Peut-on considérer le Haïku comme un produit d’emprunt pour l’apparat ou un produit d’import destiné à la consommation ? Si c’est un emprunt, il est donc un accessoire et par conséquent assimilé à un corps étranger enté sur la culture arabe et comme tout greffon exposé au rejet, si, au contraire, le Haïku est un produit d’import compatible avec la langue et la culture arabe, il va se faire adopter en se faisant une place parmi les autres formes poétiques premières. Toutefois, dans le Haïku, la verticalité du japonais (la langue) s’oppose à l’horizontalité de l’arabe (la langue) et le blanc de la première au noir de la seconde, le plein de celle-ci au vide de celle-là. Mais le volume du texte poétique a-t-il un quelconque rapport avec sa consistance? La réponse à cette dernière question nécessite un examen profond qui mette dans les plateaux de la balance du jugement et de l’analyse le Haiku et les autres formes d’écriture poétique propres à la langue arabe. Les haïkistes de chez nous, qu’ont-ils emprunté (au) ou importé du Haïku japonais? Le corps, l’âme ou l’habit ? Si le Haiku est la forme, il est donc un corps et un corps sans vie, le contenu l’âme et la langue l’habit. L’habit convient-il donc au corps de cette forme d’écriture poétique étrangère à ce qui est commun, admis et partagé par tous?

De plus, à quelles règles obéit le Haiku dans sa verticalité comme mouvement linéaire descendant converti en un mouvement linéaire horizontal ? Peut-il être soumis à la ‘’taf’ila’’ et par conséquent à la dualité dynamisme et statisme qui gouverne la poésie arabe classique et à la rime qui clôt ses vers ? Ou bien il obéit à d’autres règles moins contraignantes mais également aux frontières floues et peu précises ? A ce que je crois, du moins. S’il en est ainsi, le Haïku serait une révolte contre la rigueur de ce qui gouverne l’ordre et la symétrie. Toutes les révoltes commencent par l’anarchie avant que celle-ci ne se fasse admettre comme mouvement de substitution . Le Haïku serait donc aux formes classiques de la poésie arabe ce qu’était à sa naissance le romantisme au classicisme, si toutefois il réussit à traverser avec bonheur son examen d’entrée dans le système poétique arabe.

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