Home»Correspondants»Point de vue d’un acteur pédagogique à propos du contenu d’un texte de lecture vivement critiqué par un parent d’élève.

Point de vue d’un acteur pédagogique à propos du contenu d’un texte de lecture vivement critiqué par un parent d’élève.

0
Shares
PinterestGoogle+

Le journal Oujda -city a publié sur ses colonnes le  22 novembre 2014 un article signé par un  parent d’élève au sujet d’ un texte de lecture tiré du manuel de l’élève «pour communiquer en français- 5° année primaire  p : 44»   intitulé  »   la petite fourmi »,  jugé étrange et suscite son interrogation   quand il »  approuve  » un certain mariage entre  une  fourmiguette  et un souriceau , et dont voici l’intégralité :
La petite fourmi
Fourmiguette, la petite fourmi, cherche un mari. Elle s’installe à sa fenêtre et, tout en   cousant et en chantant,    elle regarde ceux qui passent. Voici le taureau ;
–    Oh ! Fourmiguette, comme tu es belle ! Veux-tu être ma femme ?
–    Chante d’abord pour me montrer ta belle voix !
–    Beuh ! Beuh ! Beuh !
–    Oh ! la terrible voix ! Je ne veux pas de toi !, j’aurai peur trop peur !
Et le taureau s’en va. Puis passent un âne, un chat, un coq. Et à chaque fois qu’ils poussent leur cri, Fourmiguette a peur. Heureusement, voici Souriceau qui chante tout doucement.
–    Comme tu  chantes bien ! dit Fourmiguette, je te veux pour mari !
Heures enchantées, éd.Colin-Bourrelier

En écrivant cet article, je n’ai nullement l’intention de critiquer ce parent d’élève, ni le juger,  et encore moins me substituer à la place des auteurs du manuel scolaire ou de l’institution officielle pour donner un quelconque  éclaircissement. Je veux juste exposer  mon point de vue très personnel à propos d’un article qui m’interpelle en tant qu’acteur pédagogique, mais aussi  en tant que parent d’élève. J’avoue que j’ai lu ce texte  plusieurs fois, et qu’effectivement  il y a une part de vérité dans l’interprétation du parent d’élève,  du fait que le mariage entre une petite fourmi et un souriceau parait   » étrange « ,  puisqu’ils ne sont pas de la même  catégorie bien qu’ils soient de la même espèce animale ( mariage d’un rongeur avec un insecte), mais je pense qu’une telle interprétation, même si elle est en quelques sortes compréhensible, ne mènera pas forcément nos élèves de la 5° année primaire jusqu’au  point  d’admettre qu’un tel mariage puisse  avoir lieu dans la réalité, car ils savent bien que ce texte relève  de la pure imagination.
Mais au-delà de cette remarque légitime d’un parent  angoissé, personnellement,  j’ai trouvé ce texte à caractère imaginaire très pédagogique, car  il contribue à la réalisation d’enjeux pédagogiques extrêmement importants.

Il faudra  préciser qu’on est devant un texte  de lecture plaisir, c’est à dire une  lecture à vocation divertissante, évasive, travaillant  l’imagination, et par là,  initiant l’élève à la lecture autonome, autrement dit,  la lecture adulte, la lecture plaisir. Pour attirer d’avantage l’attention des élèves, l’auteur de ce texte a eu recours  à une technique connue dans le domaine de la littérature, notamment la littérature  enfantine, à savoir la personnification qui consiste à faire parler les objets et les animaux, technique  qui a prouvé son effet attrayant  à travers  des chefs- d’œuvre littéraires, comme c’est le cas des  fables de  Jean de La Fontaine. D’ailleurs les études psychologiques et l’expérience pédagogique  confirment bel et bien la tendance des enfants à suivre avec beaucoup d’intérêt ce genre d’histoires  qui recourent à la personnification.

 Un second enjeu pédagogique se profile également à travers  ce texte, il s’agit d’un principe explicitement formulé dans le curriculum  , et largement présent dans ce texte, c’est l’éducation au choix qui est une entrée principale dans la conception du curriculum actuel, et qui s’inscrit dans une approche globale qui n’est autre que les droits de l’homme, et particulièrement les droits de l’enfant. A mon avis c’est sur cette dimension là qu’il faudrait mettre l’accent en lisant / exploitant ce texte. Une petite fourmi qui choisit son futur mari selon un critère bien précis  devrait,  en principe,  amener notre enseignant à lancer un petit  » débat  » au sein de sa classe sur l’importance de faire des  choix réfléchis, raisonnés,  selon des critères bien définis quand il s’agit de prendre des décisions décisives  dans la vie.

En tout cas, qu’on ait raison ou tort, le plus  important pour moi,  c’est que ce parent a eu au moins l’audace de  mettre  le doigt sur un volet très important, mais  qui passe le plus souvent inaperçu. C’est le volet des  valeurs véhiculées dans nos manuels scolaires. Autrement dit,  ce que » consomment »  nos élèves à longueurs de journées dans nos classes scolaires. C’est un dossier  auquel on accorde malheureusement  que peu d’attention, voire peu d’importance, alors qu’ils existent quand même dans nos manuels des valeurs  qui risquent fort bien de porter atteinte à notre identité culturelle, surtout certains manuels étrangers,  utilisés dans le  secteur privé.

Enfin, je pense  qu’à la veille d’une éminente réforme de notre  système éducatif, un débat fructueux et constructif devrait être lancé autour de la problématique des valeurs dans nos manuels scolaires.
Avec tous mes respects  à ce parent d’élève.
Mohammed NASRI.

MédiocreMoyenBienTrès bienExcellent
Loading...

Aucun commentaire

Commenter l'article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *