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RAMADANIYAT *** 2

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                                                  RAMADANIYAT *** 2

Je m’excuse auprès des chères lectrices et lecteurs d’avoir fait supprimer cet article momentanément pour quelques modifications et ajouts faits au profit de l’amélioration du sujet dont voici une nouvelle édition.

LES IMAGES CI APRES ILLUSTRENT :

1/ L’AVENUE HASSAN II du côté du marché ( la ville de  TAOURIRT sous la neige un jour du mois de RAMADAN de l’année 1965 (?).

 2/ LE MARCHE CENTRALE du côté du quartier arabe et mellah (photo prise au début des années soixante-dix).

3/  UN CAFE BAR RESTAURANT ET DISTRBUTEUR DE CARBURANTS au quartier européen (photo prise quelque temps avant l’indépendance). 

 

1-L’APPEL AU F’TOUR (2).

Pour enchainer sur ce qui a été dit précédemment à ce sujet et comme convenu, faisons un tour d’horizon aux alentours de la mosquée en examinant un peu dans cette partie qui va suivre quelques situations particulières qui précédaient cet appel :

Avant de regagner la mosquée, les épiciers qui géraient leurs modestes boutiques plus loin et dont la plupart étaient des FAGUIGS (originaires de la ville de Figuig), tel qu’on les appelait, fermaient presque au même instant leurs boutiques alignées sur une même façade d’un double tour à grande clé sous un vacarme de verrous, en plaquant les portes en vieux bois mal peint à l’aide d’une transversale en fer plat formant une médiane, tout en sécurisant par un gros cadenas et encore par deux autres moins grands au seuil pour dormir tranquillement. Un ou deux d’entre eux, à moitié assis devant leur magasin, les manches de leur djellaba retroussés jusqu’aux coudes, avant de partir, devaient faire leurs ablutions en se rafraichissant d’une eau recueillie dans un petit récipient réservé à cette fin, de la borne fontaine de la PLASSA où plusieurs groupes de mômes trouvent le plaisir de se perdre librement dans le jeu. La vendeuse de pain rond qu’elle avait préparé chez elle avait tout vendu et quitté les lieux avec son couffin vide. La RUE GENERAL LYAUTEY qui venait de l’axe routier et allait au camp, l’actuelle MOULAY EL HASSAN, les séparait du marché central. Ils habitaient presque tous à proximité.

 

Les quelques petits artisans éparpillés çà et là sur la façade d’en face et à proximité, afin de contraindre la lourdeur du reste de leur journée de travail et la soif, avaient arrêté pour piquer une sieste dans leurs petits ateliers dans le but de récupérer leurs forces. Ils  avaient l’air très fatigué par le labeur de toute une journée et avaient quitté leur lieu de travail après avoir sécurisé nonchalamment leurs portes. Certains d’entre eux étaient déjà partis chez eux avec un quelque chose sous le bras pour compléter le F’TOUR.

Les braves légumiers qui occupaient ce marché, majoritairement des Bouzeggaouis (originaires de la tribu des BENI BOUZEGGOU , d’où je descends ) et des Koulalis ( de la tribu des BENI KOULAL), -les deux situées dans la région -, couvraient sur des étalages à l’aide de vastes pièces de jute qu’ils imbibaient d’eau pour conserver leur fraicheur leurs marchandises naturelles provenant de la rive du ZA, bio, fraiches et odorantes, et s’apprêtaient à partir.

Ils laissaient le soin au gardien, que l’un des habitants des parages nourrira sur place au F’TOUR, de verrouiller les deux grilles opposées, alors que les fillettes s’approvisionnaient en eau potable de cette borne fontaine appelée SEQQAYA se trouvant contre le mur. Elle coulait dans un bassin encastré sous une forme voutée (la majorité des habitants de ce quartier n’avait pas encore connu de réseau d’eau courante dans les maisons). Pieds nues, légèrement vêtues et crieuses, ces gamines se bousculaient avec leurs ustensiles en métal qui étaient des sceaux, des bouilloires, sans penser former une file d’attente pour aller mieux et vite et sans dégâts. Certaines d’entre elles trouvaient le plaisir de s’arroser mutuellement pour se rafraichir.

Les bouchers, eux aussi  se débarrassaient de leurs tabliers tachés de sang et baissaient en verrouillant les portes de leurs boucheries juxtaposées au marché. Par manque de réfrigérateurs, ils emmagasinaient le peu de viande qui leur restait de la journée dans une sorte d’armoire encastrée au fond de la boucherie , munie de porte grillagée pour lui assurer un peu d’air et de fraicheur  et la mettre hors de portée d’éventuelles visites importunes de petites bestioles.

Leurs boucheries en forme de stands mitoyens,  rassemblaient en face quelques chiens vagabonds, rodant en face depuis la matinée, attirés par l’odeur forte des viscères et des têtes exposées dehors  sur de vieilles tables en bois noircies par le temps et par le sang, devant lesquelles étaient déclenchées de brèves petites guerres entre chats ou entre chats et chiens.

 

Ces bêtes qui faisaient partie du milieu, seront attirées juste à côté vers le quartier européen par deux ou trois gargotiers mitoyens du coin, assistés par des gosses, chacun dans sa sombre garrotte en train d’attendre l’arrivée de leurs fidèles clients mais qui ne sont point très fidèles de DIEU.

 

Tantôt notre petit restaurateur remuait dans une grande marmite la HARIRA cuite à point, gardée au chaud sur les restes de braises de charbon de bois presque éteintes et survivant dans un gros brasero circulaire en fer à moitié plein de cendre, l’ultime plat qu’il veut absolument réussir afin de répondre à la satisfaction des habitués du coin, tantôt il passait à accomplir avec agilité une autre étape de la préparation de deux menus différents dans des marmites respectives en cours de cuisson réservées au S’HOR, tout en dictant des consignes à son assistant. L’une pouvait contenir des haricots secs avec des petits débris de viande et sutout de graisse pour lui accorder plus de gout, l’autre les pois chiches aux pattes de moutons gélatineux avec beaucoup de sauce. Ces deux délices sont les plus préférés chez les pauvres et sont les moins couteux.

Il avait distribué au préalable sur de vieilles tables en bois devant ses clients, au visage pâle et ayant l’air affamé, pour chacun les moitiés de pain rond et un couvert qui se résumait en une cuillère et des carafes pleines d’eau pour tous, ils boiront à même l’ustensile et apaiseront leur soif. Ce sont des célibataires  sans famille, habitant dans des cafés maures de la ville et dans des fondouks ou dans des boutiques donnant sur les rues du village. Ce sont des croyants non totalement pratiquants mais très attachés à faire le CAREME pour lequel, chez nous, la violation est sévèrement condamnable par la loi. L’un des clients inconnus pourrait être de passage par erreur dans cette ville, un autre qui, ayant l’air fauché a du faire une escale forcée en espérant trouver un  sauveteur. Ces derniers attendaient avec impatience l’appel du muézin pour absorber d’un air gourmand sans  savourer le fluide chaud et glutineux qui va être à la fois comme entrée et comme plat de résistance et qui sera servi dans un grand bol en terre cuite (L’GHORFIYA) et passer vite au tabac ; certains l’ont déjà fait après avoir avalé en premier lieu quelques gorgées de café turc pour se faire adoucir le gosier et conjuguer nicotine et caféine afin de retrouver leurs nerfs. Ils doubleront la mise pour combler leur faim et accompagneront ce besoin primordial en clôturant par un thé à la menthe pour « refumer » afin d’atteindre un équilibre psychique et moral (L’GANA dans notre jargon). Ce sont des drogués du tabac. Les plus riches avaient ramené une demie livre de dattes de chez l’un des épiciers du quartier ou trois ou quatre pièces de CHEBBAKIYA(ou ZLABIYA) de chez le petit pâtissier du coin pour qui ce métier est temporaire à l’occasion du mois de Ramadan, car initialement c’est un marchand de beignets, car les beignets comme vous le savez ne sont préparés que les matins pour les prendre chauds avec du thé au petit déjeuner. Ils n’oublieront pas d’inviter les autres à partager ce délice, dont  certains accepteront d’un air timide et répondront par un petit sourire. Ils paieront moins de deux cents francs qui furent quarante ronds – RABAIIN DORO – (deux dirham actuellement) et déguerpiront pour rejoindre leurs milieux d’ambiance nocturne et revenir prendre leur dernier repas au S’HOR.

Dehors, au pied du mur, des démunis et des mécréants sans-abris attendent quelques passants  leur offrir une pièce ou encore un mécène leur commander un bol de soupe. Ils trimballeront dans les parages un moment pour se nourrir et visiteront les cafés nocturnes pour guetter les fumeurs. Dès l’aube, ils rejoindront leurs gites pour dormir en paix toute la journée sans se soucier de quoi que ce soit. Ils sont complètement déconnectés de notre univers.

La boulangerie des OULED KOUIDER qui donnait sur la place des autocars (BLAST L’KIRAN) et sur le marché en faisant coin, avant de fermer ses portes servait ses derniers clients en pain blanc du boulanger (la baguette de tradition), dont un petit groupe d’ européens qui était rentré en bavardant à voix haute et d’une virulence exaltante, sans dire bonjour, le plus costaud et le plus grand de taille, cigarette à la bouche, sans se soucier des sentiments des musulmans là-bas présents et surtout pour répondre à son instinct, celui du légionnaire-colonisateur exprimant l’immortalité de sa présence dans un pays qu’il avait envahi et qui n’était pas le sien, n’hésitait pas à souffler sans scrupule la fumée de son tabac qui venait aux narines des jeûneurs. Leurs compatriotes, avant de rentrer chez eux, sont à coté chez l’Italien, en train de verser leur breuvage alcoolisé. Ceci est presque tombé dans l’oubli, mais il faut le garder pour mémoire… Passons !

Pour assurer une propreté aux cafés où ils sont serveurs, les garçons de café venaient de laver un peu tôt leur parterre, ranger les tables et les chaises laissées dans le désordre depuis la vaille et aérer les espaces et ce, afin de recevoir les premiers clients qui désireraient compléter leur F’TOUR par une boisson chaude ou fumer tranquillement leur tabac sur la terrasse et par la suite les joueurs de cartes qui s’y retrouveront progressivement. Ces endroits de loisir ont été pollués la veille, comme tous les soirs par ces veilleurs qui sont des fumeurs et des chiqueurs, en laissant derrière eux une odeur nauséabonde, ambiance que j’essaierais de vous décrire dans un ultérieur épisode.

Le dernier car appartenant à  L’BERRY, arrivait d’Oujda au moment propice et trouvait juste le temps de libérer les rares voyageurs arrivés épuisés et aller parquer. Ces derniers sont reçus par leurs gosses qui les aideront à transporter les provisions jusqu’à  chez eux.

L’un des deux fours à pain des SNOUSSI au sein du quartier, où des fillettes sur le trottoir jouent à la marelle tracée à l’aide d’une craie blanche en attendant récupérer leur pain est encore en service. L’autre venait de prendre le service pour approvisionner le lendemain matin les épiceries du village.  Les deux enfourneurs et leurs aides  prendront le F’TOUR sur place offert par les sympathiques voisins.

Les deux ou trois dernières baigneuses accompagnées de leurs gamins insultés, de temps à autre  pincés et incités à accélérer le pas en emportant seaux pleins d’accessoires et balles de vêtements (RAZMA) quittent le bain maure de BENZIDOUR situé en face de la fameuse mosquée et se pressent chez elles. Elles sont enrobées complètement dans leur HAYEK (voile blanc cachant tout le corps), ne laissant qu’un seul œil (LAAOUINA) pour voir. Elles arriveront chez elles essoufflées par le grand bain et ses bagarres et finiront à la hâte, et difficilement, ce qui leur restait à la préparation du F’TOUR.

Aux portes des maisons d’où sentait  un mélange d’odeur qu’on ne peut dissocier, s’arrêtaient les quelques mendiants pour appeler d’une façon affective à les servir de tout ce qui est mangeable, en prononçant des expressions toutes faites et mesurées, formulées dans un jargon familier. Tous les habitants répondaient favorablement en espérant être récompensé par DIEU, la plupart en leur servant le fluide  faramineux récupérés dans des bidons en métal où il formera un panaché et que nous aurons l’occasion de redéfinir ultérieurement et duquel tous les marocains ne peuvent se passer au F’TOUR. Et qui de nous les musulmans ne profiterait pas de ce moment opportun pour nourrir une personne qui jeûne ?  Il a été énoncé par le prophète que :

« Celui qui nourrit une personne qui jeûne , la même récompense lui revient sans que la récompense de cette personne soit diminuée ». (traduction approchée) -HADITH-.

.(مَنْ فَطَّرَ صَائِمًا كَانَ لَهُ مِثْلُ أَجْرِهِ، غَيْرَ أَنَّهُ لَا يَنْقُصُ مِنْ أَجْرِ الصَّائِمِ شَيْئًا)

Quant à quelques habitants, les plus proches, ils sont déjà là à l’intérieur de la mosquée en train de rétracter tout acte mal fait dans le passé en balbutiant des regrets et demander à DIEU des clémences, parmi eux des vieillards ramenés très tôt par leurs petits. Ces derniers sont recroquevillés sur eux même et adossés au mur en somnolant. Ils sont accompagnés de leur chapelet tenu faiblement par leur main droite en essayant de faire de même et de leur canne laissée à côté, tout près à leur disposition. Ils ont dû entre temps perdre leur pureté physiologique en laissant échapper inconsciemment un petit pétard. Ils doivent obligatoirement se purifier. Ils ne peuvent prendre soin d’eux même et se déplacer vers les salles d’eau pour refaire les ablutions. A l ‘appel de la prière, ils sont appelés, comme toute personne malade ou n’ayant pas trouvé d’eau à faire le TAYAMMUM, opération qui consiste à toucher un galet d’Oued (ou de la terre propre)  du plat des deux mains et les passer sur le visage, puis sur les revers des deux mains jusqu’aux coudes en guise d’ablutions. Notre religion, dans plusieurs situations est indulgente. Il a été dit que :

« Si vous êtes malades ou en voyage, ou si vous venez de satisfaire vos besoins naturels, ou si vous avez touché les femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à une terre pure et essuyez-vous-en vos visages et vos mains. DIEU en vérité, est Indulgent et Pardonneur » (Coran – Sourate Les femmes 4/43).

( وإن كنتم مرضى أو على سفر أو جاء أحد منكم من الغائط أو لامستم النساء فلم تجدوا ماء فتيمموا صعيدا طيبا فامسحوا بوجوهكم وأيديكم إن الله كان عفوا غفورا )

En arrivant à la mosquée, à la fin du sacré appel, les croyants interrompaient le jeûne par trois gorgées d’eau comme le dicte la SOUNNA (directive du prophète), une eau de puits recueillie dans plusieurs jarres munies d’une carafe ficelée, mises à la disposition des assoiffés à l’extérieur, devant l’entrée et à l’intérieur aux pieds des piliers, puis atténueront leur soif. Certains avalaient à la hâte une ou deux dattes ramenées dans leur poche. Quant aux retardataires, ils sont en train de finir leurs ablutions dans les salles à côté. Ils rejoindront la JAMAA (le groupe) et se rattraperont. A la fin de la prière tout le monde regagnait le chez soi en se pressant afin de se nourrir, ceux habitant plus loin en enfourchant leurs vieilles bicyclettes laissées en toute confiance à l’extérieur adossées au mur, chacun de ce que DIEU lui a préservé et ce que la maitresse de maison lui a préparé : recettes que j’aurais le plaisir d’aborder au prochain épisode.

A SUIVRE…

Mohammed BOUASSABA /Rabat

e.mail : angadprojets@gmail.com

 

 

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1 Comment

  1. El guir mohamed
    26/06/2016 at 18:09

    Bjr.si Med.il faut dire que tu ne chome pas,le Ramadane t’inspire beaucoup.A travers la lecture de cette 2° édition,j’apprend avec beaucoup d’amertume,l’anéantissement de notre jamae lakbire ou par le passé,j’ai fréquenté.Vraiment un grand dommage.Tu nous as fait revivre avec aisance les soirées ramadanesques haut en couleur vécues à Taourirt notre chére ville natale à laquelle on doit beaucoup./.à bientot

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