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MRE, la Hollande va-t-elle annuler la convention sociale ?

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Les ÉCO : Ne pensez-vous pas que la décision du gouvernement
néerlandais de dénoncer unilatéralement la convention avec le Maroc
aura des répercussions négatives sur l’image des Pays-Bas, surtout
que la réduction des retraites est contraire au droit international
?
Lodewijk Frans Asscher : J’aimerais tout d’abord dissiper un
malentendu : l’éventuelle résiliation de la convention de
sécurité sociale entre les Pays-Bas et le Maroc n’aurait aucune
influence sur les retraites. À l’heure actuelle, les Pays-Bas
versent des pensions de retraite (AOW) à 12.500 ayants droit au
Maroc, pour un montant total d’environ 67 millions d’euros par an.
L’éventuelle résiliation de la convention n’y changerait rien.
Par ailleurs, le droit à une pension AOW (jusqu’à hauteur de la
pension pour personne mariée) est indépendant de la convention. Les
personnes qui vivent actuellement aux Pays-Bas mais envisagent de
s’installer à l’avenir au Maroc conserveront les droits à
l’AOW qu’ils ont constitués ou vont encore constituer.

De quoi s’agit-il alors ? Pourquoi les Pays-Bas veulent-ils modifier
la convention de sécurité sociale conclue avec le Maroc en 1972 ?
Au début des années 70, les Pays-Bas ont signé une convention de
sécurité sociale avec le Maroc, comme ils l’ont fait avec de
nombreux pays situés hors de l’Union européenne. Ces conventions
n’ont pas toujours suivi les évolutions en matière de sécurité
sociale aux Pays-Bas. C’est la raison pour laquelle les Pays-Bas ont
engagé le dialogue avec de nombreux pays, dont le Maroc, pour adapter
ces conventions à la situation actuelle.  La décision de déposer un
projet de loi autorisant la dénonciation de la convention n’a pas
été prise à la légère. Les Pays-Bas essaient depuis 2011 de
modifier la convention en concertation avec le Maroc, en vain hélas.
Les multiples entretiens n’ont abouti à aucun résultat. Le
Parlement néerlandais a alors appelé le gouvernement, à défaut
d’accord, à dénoncer la convention. Si le Parlement adopte le
projet de dénonciation unilatérale qui lui a été soumis, la
convention pourra être résiliée au plus tôt au 1er janvier 2016.
En conséquence, les personnes qui perçoivent au Maroc des
prestations familiales ou un complément d’allocation pour enfant à
charge perdraient leurs droits en la matière à compter du 1er
juillet 2016 (soit 6 mois après la résiliation de la convention).
Toutes les personnes touchant, au 31 décembre 2015, une autre
allocation ou une pension AOW conserveront leurs droits. Cela signifie
concrètement que 97% des allocations actuellement versées
continueront de l’être. Ces personnes ne verront pas leur
allocation diminuer suite à une éventuelle dénonciation de la
convention, qui n’aura donc aucun effet pour elles.

Plus que de convaincre les membres du gouvernement néerlandais, quels
autres obstacles  devrez-vous surmonter pour parvenir à la
dénonciation de cette convention ?
Une majorité du Parlement néerlandais a réclamé la dénonciation
de la convention de sécurité sociale en l’absence d’accord avec
le Maroc sur sa modification. Un projet de loi autorisant cette
dénonciation a été déposé. Il revient maintenant au Parlement de
l’examiner et de se prononcer.

Quelles sont les principales raisons qui sous-tendent la décision du
gouvernement néerlandais de réduire le montant de ces prestations ?
Je pense qu’il convient tout d’abord de préciser que les Pays-Bas
souhaitent le maintien de la convention. J’ai moi-même indiqué à
plusieurs reprises que je préférais éviter sa dénonciation, à la
condition toutefois qu’elle soit adaptée et modernisée pour tenir
compte des évolutions des 40 années passées. Les Pays-Bas
souhaitent modifier la convention sur quelques points. Premièrement,
ils veulent mettre fin à l’exportation des prestations familiales
et du complément d’allocation pour enfant à charge pour les
enfants résidant hors de l’UE. Deuxièmement, ils veulent mettre
fin à la couverture mondiale des frais de santé en cas de séjour
temporaire à l’étranger dans le cadre de la loi sur l’assurance
soins de santé, ce qui nécessite aussi une modification de la
convention avec le Maroc. Et, troisièmement, ils souhaitent aligner
le montant des minima sociaux exportés sur le niveau de vie dans le
pays concerné, de sorte que les bénéficiaires reçoivent dans la
pratique, partout dans le monde, le même niveau de soutien financier,
conformément à ce qu’on appelle le principe du pays de résidence.
Il s’agit d’allocations qui ont pour but de garantir un revenu
minimum. Or leur montant est indexé sur le coût de la vie aux
Pays-Bas, alors que celui-ci est plus élevé qu’au Maroc et dans de
nombreux autres pays. En introduisant le principe du pays de
résidence, les Pays-Bas veulent parvenir à une situation plus
égalitaire dans laquelle les bénéficiaires du même type
d’allocations aient un pouvoir d’achat comparable, qu’ils
résident aux Pays-Bas ou dans un pays où le coût de la vie est
moins élevé.

Toutes les décisions de la justice néerlandaise (Utrecht, Amsterdam
et Haarlem) se sont opposées aux décisions gouvernementales de
réduire les prestations. Qu’adviendra-t-il de ces décisions de
justice une fois la convention résiliée ?
Les Pays-Bas sont un État de droit, ce qui signifie que le
gouvernement néerlandais agit en conformité avec le droit national
et international. Les Pays-Bas respectent les accords passés avec le
Maroc dans le cadre de la convention bilatérale, et le gouvernement
se plie aux décisions de la justice néerlandaise. Cela a toujours
été le cas dans le passé et le restera à l’avenir. Selon la
justice néerlandaise, le montant des allocations de survivant et des
allocations d’incapacité de travail accordées avant le 1er juillet
2012 à des bénéficiaires résidant au Maroc ne peut être diminué.
Il va sans dire que le gouvernement néerlandais se conforme à cette
décision de justice. La dénonciation de la convention n’a aucune
influence en la matière. En revanche, le principe du pays de
résidence continue de s’appliquer aux allocations de survivant, aux
prestations familiales et à ce que l’on appelle les prestations
continues en cas d’incapacité de travail accordées à partir du
1er juillet 2012. Des affaires sont encore pendantes à ce sujet. Dans
l’attente du jugement, ces allocations sont encore adaptées au
niveau de vie au Maroc. Bien entendu, les Pays-Bas respecteront la
décision définitive de la juridiction suprême.

Les échanges commerciaux entre le Maroc et les Pays-Bas sont en
pleine expansion, particulièrement dans l’agroalimentaire. La
résiliation de la Convention de 1972 impactera-t-elle cette dynamique
?
Les Pays-Bas ne souhaitent pas que la question de la convention
s’étende à d’autres domaines de coopération entre nos pays. Le
Maroc et les Pays-Bas entretiennent une relation privilégiée, à
laquelle nous sommes très attachés. À mon sens, cette relation doit
être capable de résister à notre différend sur la convention de
sécurité sociale. En outre, un tel élargissement de la
problématique ne nous rapprocherait pas d’une solution et ne serait
donc ni dans l’intérêt du Maroc, ni dans celui des Pays-Bas.

Est-il exact que le gouvernement néerlandais envisage de ne plus
verser de pensions de retraite et allocations aux ressortissants
néerlandais résidant hors de l’UE ?
Le Parlement néerlandais a récemment légiféré en vue de mettre
fin à l’exportation hors de l’Union européenne des prestations
familiales et du complément d’allocation pour enfant à charge. Il
estime en effet que ces prestations sont en premier lieu destinées
aux enfants qui grandissent aux Pays-Bas et ont un lien avec notre
pays. La fin de l’exportation de ces prestations nécessite la
modification des conventions passées avec un certain nombre de pays,
dont le Maroc. Cette mesure s’applique à tous: autant aux
Néerlandais, d’origine marocaine ou non, installés au Maroc
qu’aux autres bénéficiaires résidant ailleurs hors de l’Union
européenne, quelle que soit leur nationalité.

La diplomatie marocaine a déclaré qu’en cas de dénonciation de la
convention, «des actions sont envisagées sur le plan aussi bien
politique que juridique»…
J’ai bien conscience du fait que l’intention de dénoncer la
convention peut apparaître rigoureuse mais, comme je l’ai déjà
indiqué, nous avons essayé de parvenir à un accord par la
négociation. Cela a malheureusement échoué. Les Pays-Bas
entretiennent de longue date de bonnes relations avec le Maroc. De
nombreux Néerlandais ont des racines marocaines. Le Maroc est un
partenaire majeur en Afrique du Nord, et nous portons un regard très
positif sur notre coopération mutuelle. Bien que la dénonciation de
la convention soit donc loin d’être une décision anodine, les
liens entre nos deux pays vont bien au-delà. Les Pays-Bas veulent
continuer à investir dans les relations bilatérales entre nos pays,
car cela est dans notre intérêt commun. Je souhaite qu’il soit
encore possible de parvenir à un accord. Si les autorités marocaines
acceptent les modifications proposées par les Pays-Bas, nous
stopperons la procédure parlementaire de dénonciation de la
convention.

boualam el ayachi

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