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Le pourquoi du comment de l’alliance PPS – PJD

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Écrit par Ismail Alaoui*
Beaucoup d’observateurs de la chose politique nationale, marocains comme étrangers, s’interrogent sur le pourquoi et le comment de la présence du P.P.S, parti à référence idéologique marxiste, au sein d’une coalition et d’un gouvernement dirigés par le PJD, parti à référence religieuse déclarée.
Comment se fait-il  que le PPS qui a, pendant longtemps, reproché au PJD son double langage lorsque ce dernier était dans l’opposition, de 2000 à 2011 et affirmait, en même temps, son attachement aux libertés et à l’égalité entre les sexes, tout en prenant, en plusieurs occasions, le contre-pied de ses affirmations, se retrouve au sein d’une équipe gouvernementale dirigée par le PJD ?
Pour répondre à ce questionnement, il est bon de rappeler, d’abord, la position du PPS sur l’existence d’un parti à référentiel religieux sur la scène politique nationale.
Le PPS a été, parmi les partis marocains, l’un des rares sinon le seul qui ait, dès le départ, énoncé, en tant qu’organisation politique attachée à la démocratie et défendant les libertés individuelles et collectives, une position de principe : pas d’inconvénient à l’existence d’un parti à référentiel  religieux, à la condition que ce parti respecte les institutions nationales et la démocratie en construction dans notre pays.
Jamais, donc, la référence religieuse n’a été un élément déterminant dans l’attitude du PPS, vis-à-vis de n’importe quel autre parti et a fortiori du PJD.
Il est bon de rappeler ici que le PJD, lors de la formation du premier gouvernement d’alternance, dirigé  par Si Abderrahmane Youssoufi, a soutenu la coalition de l’époque et son gouvernement,  pendant plus d’une année, sans que personne n’ait eu à redire.
Quant aux atteintes à la pratique «normale» de la vie politique et aux tentatives de perversion de la démocratie, elles n’ont pas été le fait du PJD qui fut, avec le PPS, parmi les premières organisations politiques nationales à dénoncer les dérives qu’a enregistrées la scène politique nationale de 2007-2008 jusqu’au début de 2011.
Grâce à la lutte de notre peuple et à l’enthousiasme de la jeunesse marocaine, les dérives ont été (momentanément ?) arrêtées et le discours royal du 9 mars 2011 a permis de remettre les pendules à l’heure; puis le premier juillet, après des mois de débats, riches et responsables, le projet de constitution a été adopté à une très large majorité.
Cette nouvelle constitution ne sera complète, en tant que loi fondamentale du pays, que lorsque la vingtaine de lois organiques qu’elle prévoit seront votées et que les grands principes qui y sont  inclus aient été assimilés par tous et mis en pratique.
Puis vinrent les élections législatives de novembre 2011 qui ont été considérées, par tous les observateurs comme ayant été libres, sinon les plus libres de l’histoire nationale, malgré quelques nuisances et pressions en amont du scrutin dont a été victime le PPS, notamment. Ces élections ont eu pour résultat qu’un grand nombre de citoyens ont porté leurs suffrages sur le PJD. Est-ce à dire que tous ces citoyens et citoyennes sont PJdistes à tout  crin ? Non, certainement. Et  il est nécessaire d’explorer les raisons de ce choix.
Ces élections ont eu lieu dans un contexte particulier, marqué par l’aggravation d’une crise  de système au niveau économique et social mondial, crise qui ne peut qu’avoir des effets immédiats ou différés sur notre propre économie. Ces effets se sont déjà faits sentir et se feront sentir par le biais du ralentissement des activités d’échange entre notre pays et ses clients traditionnels, par la baisse des transferts de nos compatriotes émigrés ainsi que par l’affaiblissement du flux touristique vers notre pays.
Tout ceci advient malgré une relative immunité et une capacité de résilience, tout aussi relative, de notre système financier et économique, immunité et résilience dues essentiellement  à notre faible présence au niveau de l’économie mondiale globalisée.
Cependant, cela ne signifie pas que notre économie soit en manque d’opportunités ou de moyens, ce qui devrait augmenter la responsabilité de tous les partenaires politiques et syndicaux nationaux.
Malheureusement, des considérations, fondées sur un égoïsme de parti ou de syndicat,  chez certains, sur un populisme de bas-étage chez d’autres, ou sur une conception de  la vie politique, plutôt marquée par une forme de dépit dont la cause a été les effets du «Printemps Arabe», ont fait qu’au lieu d’une  action de salut national, centrée sur un projet mobilisateur, il a été opté pour une politique de politicaillerie, à la limite de l’infantilisme et du ridicule.
Partant de ce constat, le PPS a estimé qu’il lui fallait, une nouvelle fois, assumer ses responsabilités. Pendant longtemps nous avons espéré, au PPS, que la Koutlah Démocratique, pouvait, unie, réaliser  avec le PJD, vainqueur incontesté des élections législatives, un programme de gouvernement, fondé, entre autres, sur la charte d’engagement acceptée par ce parti, sorti premier de la consultation nationale.
Cette charte d’engagement de la majorité soulignait, en effet,  le respect strict des libertés individuelles et collectives et l’acceptation des pratiques démocratiques de la part de l’ensemble des membres de la coalition gouvernementale, tout comme le programme gouvernemental insistait sur la nécessité d’assurer une croissance soutenue de l’économie avec, en parallèle, l’obligation d’une plus grande justice sociale.
Cette charte correspondait, dans ses grandes lignes, à celle de la Koutlah Démocratique et permettait une véritable relance de l’expérience, déjà entamée avec les deux gouvernements Youssoufi et poursuivie tant bien que mal par les gouvernements Jettou et El Fassi, et dans un cadre encore plus favorable, car ayant capitalisé les acquis de la période 1998-2003 puis ceux résultant de ce soulèvement pour la dignité citoyenne qu’a représenté le «mouvement arabe,  (الحراك العربي) » chez nous, au Maroc.
Malheureusement comme le dit le proverbe arabe = «Les vents ne soufflent pas toujours selon le souhait des navires»  « تهب الرياح بما لا تشتهيه السفن »
Certains, ici, mais encore plus à l’étranger, ne comprennent pas cette réalité qui a voulu que le PPS se retrouve dans un gouvernement dominé par un parti dit «islamiste»  (que nous préférons qualifier de parti à référant religieux). Or cette attitude prouve au moins trois choses : une ignorance de la réalité socioculturelle de notre pays, un déni de la conformité, à ce jour (et nous en sommes certains jusqu’à la fin de la législation actuelle) du PJD à la charte de la majorité, déjà signalée, et un oubli de l’expérience d’autres peuples.
Il est nécessaire, tout d’abord, de relever que rien, dans le référentiel politique dont peut se réclamer un parti de gauche, chez nous comme ailleurs, ne fait de l’alliance avec un parti à référence religieuse déclarée une ligne rouge à ne pas franchir, sauf à se réfugier derrière un dogmatisme suranné justifiant le confort des positions figées et immuables qui se refusent à tenir compte de tous les paramètres de la réalité concrète.
Rappelons, ensuite et dans cet ordre d’idées, ce qui a prévalu en France avant la «Libération» et lors de l’immédiat après-guerre. Le PCF ne s’est-il pas retrouvé dans une coalition, avec, d’abord, des mouvements à référentiels religieux dans la Résistance, puis avec un parti franchement «chrétien» : le M.R.P, dont  une des figures de proue a été Georges Bidault, au triste souvenir pour nous, Marocains, comme pour l’ensemble des peuples colonisés à l’époque ?
Estimera-t-on la situation de la France à la veille de la libération et au lendemain de la guerre comme essentiellement différente de la situation actuelle du Maroc ? En apparence oui ; mais, pour nous, au PPS, nous pensons que notre situation sur les plans économique, social, politique et culturel est comparable à celle de la France entre 1943 et 1945 et qu’une coalition doit nécessairement exister qui assurerait la pérennisation des acquis de «l’alternance consensuelle», puis leur renforcement sur tous les plans.
Nous nous sommes limités à l’exemple français où un parti, à référentiel marxiste affiché, s’est retrouvé  avec d’autres partis dont l’un, au moins, avait un référentiel chrétien et cela sans que personne n’ait crié au scandale ; mais on pourrait citer d’autres cas : en Italie, si l’option du Compromis historique, prôné par le PCItalien et la frange de la «Démocratie Chrétienne» représentée par Aldo Mauro, n’avait pas provoqué l’ire  de la droite et de la loge PII (qui a fait avorter l’expérience, allant jusqu’à la manipulation de l’extrême gauche terroriste pour le meurtre d’Aldo Mauro), on aurait pu avoir un gouvernement formé essentiellement de communistes et de chrétiens- démocrates.
Certains pourraient arguer que les partis à référentiel religieux dans les pays d’Europe Occidentale (Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas) se déclarent ouvertement et concrètement en faveur de la «démocratie» (représentative et délégataire seulement, faut-il le rappeler ?), et que cela leur confère une légitimité indiscutée !, ce qui n’existerait pas chez nous.
Pourquoi donc ce qui a été accepté pour ces partis, en Europe Occidentale, ne le serait-t-il pas pour le Maroc ? En politique, faut-il rappeler, seule la pratique concrète peut être un critère discriminant et jusqu’à aujourd’hui, et de plus en plus, le PJD s’affirme comme un parti loyal aux institutions et à la démocratie (représentative et délégataire). Plus, comme tous les partis qui agissent dans le cadre légal et institutionnel actuel de notre pays, il ne s’oppose pas à la «démocratie participative» mais devra œuvrer, de fait, pour sa mise en pratique !
On a souvent accusé les communistes d’être des dogmatiques ; mais où se retrouvent aujourd’hui les dogmatiques ? En tout cas pas au sein du PPS.
Le PPS, en fait, a toujours fondé sa politique sur «l’analyse concrète de la réalité concrète».
Dans son appréciation de la situation actuelle de notre pays, il part de plusieurs constats de réalité, fondés sur une analyse de notre «Formation économique, sociale et culturelle». Cette dernière montre à l’évidence que l’élément social le plus déterminant dans notre société est, actuellement (on peut le regretter), représenté par les classes moyennes. Ce sont elles, malgré leur hétérogénéité (partagées qu’elles sont entre un niveau supérieur, un autre intermédiaire et un troisième plus proche des éléments les plus déshérités et marginalisés de la société),  qui prédominent.
Sur le plan culturel et à cause de la carence établie, hélas, de notre système  d’enseignement, depuis, au moins, le début des années 70 du siècle dernier, carence couplée à une «éducation de base» traditionnelle hégémonique, ces classes moyennes se trouvent souvent prisonnières d’un «identitarisme» crispé, aggravé fortement par les attitudes de l’Occident impérialiste sur le plan international, attitudes ressenties comme autant d’humiliations dans leurs déclinaisons négatives à l’égard des droits du peuple palestinien ou par un soutien complaisant aveugle et sans failles à tous les errements de la politique d’Israël et plus récemment dans l’intervention en Irak puis en Afghanistan, ou dans les menaces qui pèsent actuellement sur l’Iran.
Cette réalité qui se retrouve avec des nuances, dues à la spécificité de chacun des «Etats-nations» qui constituent le monde arabe, explique ce que nous constatons chez nous et chez nos voisins au sein du  Monde arabe.
Si l’on ajoute aux problèmes de la faiblesse de notre croissance économique face à la pression démographique et sociale, ceux  dus au hiatus existant entre une  minorité de  privilégiés  et une majorité de démunis et qui a été pour beaucoup dans l’explosion de ce «Printemps arabe» qui fut  l’expression d’une formidable aspiration à la dignité politique et sociale, on peut aisément appréhender, d’une part, le caractère dangereux de la crise (spécifique à l’intérieur de la crise mondiale), que nous vivons et, d’autre part, la prédominance, d’abord numérique puis, ensuite, politique, des classes dites moyennes, chez nous.
Il y a donc urgence à dépasser ces contradictions et nous pensons que notre pays, sans tomber dans un «spécificitisme» inadéquat, a des atouts que nous devons valoriser : une constitution, la plus avancée actuellement du monde musulman, et une représentation politique des classes moyennes ouverte au progrès, sans oublier une jeunesse ambitieuse pour son pays et son peuple.          A partir de ces atouts, il y a urgence à diminuer l’impact du hiatus social existant, et à profiter au mieux du potentiel de développement économique non exploité, ou mal exploité encore, dont nous disposons.
Ceci signifie, en particulier, que le Maroc, aujourd’hui, ne peut se permettre le luxe d’une pause, et encore moins d’un recul, dans le processus de réformes économiques et sociales. Ces réformes seront douloureuses pour certains car elles doivent être audacieuses ; elles auront, en effet, pour objet fondamental, le  développement conséquent des capacités économiques du pays à créer suffisamment de richesses et à en assurer,  concomitamment, la redistribution, la plus juste possible.
Parallèlement à cet objectif majeur, les termes de la Constitution de 2011 nous imposent d’œuvrer pour la consécration définitive de la démocratie dans notre pays. Laisser le PJD seul ou lui laisser seul l’initiative dans cette bataille cruciale qui passe, notamment et comme nous l’avons dit plus haut par la mise en œuvre d’une vingtaine de lois organiques, constitue, à notre sens, une grave erreur.
Quant à la crainte, légitime par ailleurs, de voir le PJD s’attaquer aux acquis démocratiques et mettre en cause des libertés arrachées de haute lutte et des valeurs d’ouverture et d’émancipation progressivement conquises, force est de constater qu’un an après l’avènement du Gouvernement Benkirane, aucun acte concret, ni aucune décision effective ne permettent de confirmer, à ce jour, une quelconque inquiétude, même si la vigilance doit rester de mise.
De surcroit, deux éléments fondamentaux constituent de sérieux garde-fous en la matière : le premier est la nouvelle constitution, démocratiquement et unanimement adoptée, et le second est l’institution monarchique, forte de sa profonde et séculaire légitimité et de ses prérogatives fondamentales d’orientation et d’arbitrage, sans parler, très modestement du fait qu’au sein du gouvernement, le PPS  pour qui la vigilance et le combat politique sont constants, veille au grain.
Quant à nos amis de l’étranger, nous leur disons : «Nous sommes seuls responsables de nos choix et nous ne sommes redevables et comptables de notre  ligne et de notre action qu’envers notre peuple et les classes que nous estimons représenter».
Une nouvelle fois et en conclusion, il reste au gouvernement d’être encore plus efficace et de répondre aux différents défis qui se posent : les défis de fond sur les plans économique, social, politique et culturel que nous connaissons tous, mais, aussi, les défis circonstanciels de politique politicienne que certains apprentis sorciers se font un malin plaisir de fabriquer et dont nous prenons connaissance quasi quotidiennement. Le passage à une accélération des réformes s’impose donc et le PPS fera tout pour qu’il en soit ainsi.
Tels sont les fondements du pari que fait le PPS, pari qu’il veut gagner avec ses alliés actuels mais aussi avec ses autres alliés, naturels, de la gauche, pour le plus grand bien de notre peuple et d’abord de ses classes défavorisées des  campagnes comme des villes. Puisse ce projet se réaliser par la volonté lucide et ferme de tous les démocrates.

*Ancien Secrétaire Général
Président du Conseil de la Présidence
du Parti du Progrès et du Socialisme

albayane

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