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Des bactéries intestinales impliquées dans le développement des maladies auto-immunes

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Une étude américaine, publié le 9 mars 2018, établit un lien clair entre les maladies auto-immunes et une bactérie intestinale dénommée « Enterococcus gallinarum ». Celle-ci favorise le développement de réactions inflammatoires  chez la souris comme chez l’homme. Au-delà des perspectives d’une action thérapeutique efficace contre ces bactéries, cette nouvelle démontre bien, une fois de plus, que l’être humain  est un écosystème complexe composé de cellules humaines et de micro-organismes où la frontière entre l’individu, le soi, et  son environnement proche et intime, le non-soi, est impossible à établir. 

SOMMAIRE

LE SYSTEME IMMUNITAIRE UN REMPART  FRAGILE

LES RACINES DU MAL DANS L’INTESTIN ?

DES PERSPECTIVES THERAPEUTIQUES CONTRE  LES MALADIES AUTO-IMMUNES ?

LE MICROBIOTE UN CENTRE DE GRAVITE DE L’ORGANISME

UN SECOND CERVEAU DANS L’INTESTIN 

LE SYSTEME IMMUNITAIRE UN REMPART  FRAGILE

Le corps humain se protège des agressions extérieures (provenant de bactéries, virus, champignons…) grâce à un système de défense organisée, le système immunitaire. Ce dernier est susceptible de se dérégler de plusieurs façons. Il peut soit :

–  s’affaiblir et ne plus résister aux bactéries et aux virus, c’est l’immunodéficience ;

– donner  une réponse excessive contre des substances provenant de l’environnement (pollens, produits chimiques, médicaments…), c’est l’allergie ;

– considérer notre propre organisme comme un ennemi et l’attaquer dans un processus que l’on pourrait qualifier de « suicide physiologique » ou d’auto-destruction, ce sont les maladies auto-immunes (comme la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis, la sclérose en plaque, la myasthénie la maladie de Basedow – hyperthyroïdie -, le diabète de type 1, la spondylarthrite, la maladie cœliaque ou intolérance au gluten, la maladie de Crohn …)

LES RACINES DU MAL DANS L’INTESTIN ?

Des chercheurs de l’Université de Yale,  aux Etats Unis, se sont intéressés  à une bactérie intestinale, Enterococcus gallinarum, qui a pour particularité de pouvoir migrer de  l’intestin  vers des ganglions lymphatiques, le foie ou la rate.

Ils ont découvert que lorsque l’Enterococcus gallinarum se trouvait à l’extérieur de l’intestin de souris prédisposées à des maladies auto-immunes, il provoquait une inflammation et surtout stimulait  la production d’auto-anticorps – des molécules biologiques – qui s’attaquent à nos cellules.  Les chercheurs ont observés aussi les mêmes effets  de cette bactérie sur des cellules humaines in vitro. Bien plus, la présence de cette bactérie a été mise en évidence dans le foie de personnes souffrant d’une maladie auto-immune, mais pas chez des personnes en bonne santé.

DES PERSPECTIVES THERAPEUTIQUES CONTRE LES MALADIES AUTO-IMMUNES ?

D’autres expériences ont montré  ensuite qu’il était possible de supprimer la réaction nocive auto-immunitaire chez la souris avec un antibiotique (vancomycine) ou un vaccin ciblant E. gallinarum.  Les deux thérapeutiques arrêtent la croissance de la bactérie dans les tissus et  réduisent l’activité auto-immune. Ces traitements  ouvre des perspectives dans la résolution  des maladies auto-immunes selon les auteurs de cette étude :  la mise au point  chez l’humain d’un vaccin spécifique contre la bactérie E. gallinarum pourrait améliorer la vie des patients atteints d’une maladie auto-immune, en particulier dans deux maladies rares, le lupus  et l’hépatite auto-immune. La  vaccination contre d’autres bactéries  étudiées  dans cette recherche n’a pas eu par contre d’effets positifs.

Il faut souligner que cette implication de bactéries intestinales dans  les maladies auto-immunes  est soupçonnée déjà depuis un certain nombre d’années sans qu’on arrive à en comprendre encore le mécanisme exact. Ainsi,  les inflammations  de la polyarthrite rhumatoïde précoce sont associées à un profil altéré de la colonisation microbienne de l’intestin. En utilisant une méthode de séquençage globale des gènes, une autre  étude antérieure a révélé en effet que 75 % des patients avec  cette pathologie à un stade initial et non traitée avaient une nette expansion de « Prevotella copri », une autre bactérie pro-inflammatoire

Plus largement,  l’helicobacter pylori (une bactérie commune dans l’estomac), dont sait déjà qu’elle est directement impliquée dans la survenue de cancers, aurait un lien avec  de nombreuses  pathologies auto-immunes. On considère d’ailleurs qu’aujourd’hui au Maroc, par exemple, une personne sur deux est porteuse de cet agent infectieux et que 10 % d’entre elles développeront des infections gastriques sérieuses comme les ulcères ou les gastrites chroniques.  Des relations de cause à effet sont bien établies aussi entre certains streptocoques, (des bacilles présents fréquemment notamment dans la bouche et les intestins) et le rhumatisme articulaire : à partir d’une simple angine non traitée, des attaques auto-immunes vont survenir, pouvant toucher le cœur, les articulations, le système nerveux central ou la peau, avec de graves conséquences potentielles au niveau des valves cardiaques ou du système nerveux central.

LE MICROBIOTE UN CENTRE DE GRAVITE DE L’ORGANISME

L’étude américaine montre en tout cas, s’il en était besoin, que notre microbiote intestinal  contribue  largement au bon fonctionnement de notre organisme comme  à ses dysfonctionnements. L’homme n’héberge d’ailleurs pas seulement un mais plusieurs microbiotes (cutané, des voies oro-pharyngées, vaginal …) exerçant aussi ce rôle  primordial.

Rappelons que  le microbiote intestinal, antérieurement appelé flore intestinale,  est l’ensemble de la microflore résidant dans l’intestin. Le nombre de bactéries est de 100 000 milliards de bactérie, soit 10 fois le nombre de cellules de l’organisme ! Il comporte environ 100 fois plus de gènes que le génome humain. Chaque individu possède un microbiote qui lui est propre : il s’agit d’une vraie carte d’identité biologique.
Ce dispositif a des fonctions capitales de protection contre la colonisation par d’autres bactéries, de production de molécules antibactériennes, d’aide à la maturation du système immunitaire et d’induction de la réponse immunitaire.
De plus, sa fonction métabolique est incontournable, avec la production de vitamines et d’acide gras à courte chaîne, la synthèse d’acides aminés et la fermentation des substrats non digérés par l’homme.

L’arrivée ces dernières année d’outils de détection moléculaire a permis de faire des progrès immenses dans l’identification  des bactéries de la flore intestinale, la  détection de leurs anormalités et de leurs interactions avec telle ou telle pathologie. Les perspectives et les pistes d’application  sont prometteuses pour mieux comprendre  et même aider à guérir de nombreuses pathologies, auto-immunes ou non. Il faut reconnaître néanmoins que, pour le moment,  on en reste encore largement dans le domaine de « l’hypothétique »  ou du « potentiel »,  faute de preuves directes et explicables  du lien entre ce « monde » et les maladies,  et faute d’une efficacité prouvée des traitements envisagés,

UN SECOND CERVEAU DANS L’INTESTIN

Le tableau serait incomplet sans l’évocation de la spécificité du système nerveux dans le système digestif. Le tube digestif est innervé de façon classique, mais sa grande particularité est d’être aussi représentée par un dispositif complet,  le système nerveux entérique (SNE). Il est formé de plus de 200 à 600 millions de cellules nerveuses, soit approximativement le même nombre que celles de la moelle épinière (le cerveau en contient une centaine de milliards). Il véhicule un courant permanent de messages entre le cerveau et l’intestin. Il existe donc un axe intestin-cerveau qui contrôle les processus digestifs, le comportement alimentaire, le système immunitaire gastro-intestinal et la réponse au stress, à la douleur ou aux émotions. Ce SNE s’apparente au cerveau, souffrant parfois des mêmes maux. Il est également capable de lui transmettre les siens en générant des émotions. Le stress, ressenti au niveau du SNE, agit directement sur la muqueuse intestinale et provoque la sécrétion de sérotonine. Cet ensemble inter-réagissant  étroitement avec notre microbiote fait aussi l’objet de très nombreuses recherches pour mieux appréhender les dysfonctionnements de notre corps

Casablanca, le 17 mars 2018

Dr MOUSSAYER KHADIJA  الدكتورة خديجة موسيار

اختصاصية في الطب الباطني و أمراض  الشيخوخة Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie

Présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc  رئيسة ائتلاف الأمراض النادرة المغرب
Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)

رئيسة الجمعية المغربية لأمراض المناعة الذاتية و والجهازية

Vice-président du Groupe de l’Auto-Immunité Marocain (GEAIM)

POUR EN SAVOIR PLUS :

– S. Manfredo Vieira and al  Translocation of a gut pathobiont drives autoimmunity in mice and humans  – Science  09 Mar 2018: Vol. 359, Issue 6380, pp. 1156-1161 DOI: 10.1126/science.aar7201 http://science.sciencemag.org/content/359/6380/1156

– Résumés des interventions de la sixième journée de l’auto- immunite 2016 : infections et maladies auto-immunes et systémiques  – Published on Nov 7, 2016  https://issuu.com/khadijamoussayer/docs/resumes_des_interventions_de_la_six

– Journal de biologie médicale : des liens avérés entre les infections et les maladies auto immunes  – Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) – Published on Mar 22, 2017  https://www.slideshare.net/KhadijaMoussayer/journal-de-biologie-mdicale-des-liens-avrs-entre-les-infections-et-les-maladies-auto-immunes

– Moussayer Khadija – La barrière intestinale et ses pathologies :  Du microbiote au leaky gut syndrome – Doctinews N° 69 Août / Septembre 2014

http://www.doctinews.com/index.php/dossier/item/3445-la-barri%C3%A8re-intestinale-et-ses-pathologies

– Moussayer Khadija – Maladies auto-immunes : Quand le corps s’attaque à lui-même – Doctinews N° 36 Août/Septembre 2011.

http://www.doctinews.com/index.php/dossier/item/551-maladies-auto-immunes

ABSTRACT : Bacterial involvement in autoimmunity

The composition of the commensal microbiota is known to influence autoimmune disease development and persistence. Manfredo Vieira et al. identified a gut microbe, Enterococcus gallinarum, that translocates from the gut into the organs of mice with a genetic predisposition to lupus-like autoimmunity (see the Perspective by Citi). Molecular signatures of gut barrier disintegration and pathogenic T helper cells were evident in the gut, liver, and lymphoid organs during colonization with the pathobiont. The ensuing pathology could be reversed by vancomycin treatment and by vaccination against E. gallinarum. The same bug was also found in liver biopsies of autoimmune patients, but not in healthy controls. (from Science 09 Mar 2018)

 

 

 

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