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Marocains du Monde et régionalisation avancée : Observations et propositions

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                               Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

En partenariat avec le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger ( CCME) , la Chambre des Conseillers a organisé à son siège à Rabat les 27 et 28 juillet 2016 , un colloque international sur le thème :  » Marocains du Monde et régionalisation avancée « .

Outre la séance d’ouverture consacrée aux interventions des officiels ( en particulier le ministre délégué au ministre de l’Intérieur , le ministre chargé des MRE et des affaires de la migration , le ministre de l’emploi et des affaires sociales , le président de la Chambre des Conseillers , le président de l’association des présidents des Régions du Maroc , le premier vice-President du Parlement de la Région de Bruxelles -Capitale , le secrétaire général du CCME) , sans discussion avec les participants , trois thèmes ont été retenus pour cette rencontre :
– Régionalisation avancée et compétence des pouvoirs locaux en matière d’immigration ;
– Migration , développement et territoires : quelques expériences nationales et internationales ;
– La régionalisation avancée au service des droits des Marocains du Monde et de leur région
d’origine .

Lors de la période de discussion  ouverte à l’occasion du panel modéré  par M’Hamed El Oufrassi , membre du CCME  et vivant aux Pays-Bas , l’auteur de ces lignes a formulé les quatre séries d’observations / recommandations suivantes , en tenant compte de ce qui avait été dit jusque là , depuis la séance d’ouverture de la veille .  La thématique des MRE et de la régionalisation avancée est en effet elle même transversale et renvoie  au dossier plus multidimensionnel encore , celui de la migration et de la communauté marocaine résidant à l’étranger .

Représenter les MRE à la Chambre des Conseillers

1 – Le projet sociétal de régionalisation avancée intéresse de façon fondamentale la Chambre des Conseillers , qui a une vocation notamment territoriale . Tout comme il intéresse de manière centrale les citoyens marocains à l’étranger , à travers le rôle actif des  compétences et expertises accumulées de la société civile MRE qui est à impliquer de manière étroite et effective  dans le processus et les mécanismes du développement territorial , particulièrement au niveau régional  . Cette implication dans le développement , ne doit pas se faire uniquement sous l’angle économique et financier selon une conception mercantile et utilitariste dominante , mais également sous l’aspect social , culturel et environnemental , sans oublier bien entendu la dimension politique et démocratique qui est également très importante .

Ces éléments constituent un argument de plus pour assurer la représentativité des citoyens MRE au sein de la Chambre des Conseillers , sachant bien entendu que ceci n’est pas un substitut mais  un complément à la nécessaire représentation des citoyens marocains établis à l’étranger au sein de la Chambre des députés , dans le cadre de la dynamisation de la démocratie représentative , conformément à l’article 17 de la Constitution rénovée de 2011 .

Pour y parvenir , la nécessité de la révision de l’article 39 de la loi suprême du pays s’impose , afin de prévoir la constitution par élection d’un collège des MRE qui élirait à son tour les conseillers  MRE au sein de la deuxième chambre du parlement  . Ce collège MRE , pourrait être par exemple un CCME élu , mais non pas purement nommé s’agissant de sa composante MRE .

Pour la révision de la Constitution  dans le but notamment de donner toute sa place  à la société civile MRE dans la mise en œuvre de ce nouveau projet vital de société au Maroc , il n’est pas nécessaire de recourir à la procédure du référendum qui est très contraignante . En effet , selon l’article 174 de la Constitution , une procédure plus souple est prévue :  » Le Roi peut , après avoir consulté le Président de la Cour constitutionnelle , soumettre par dahir au Parlement , un projet de révision de certaines dispositions de la Constitution . Le Parlement , convoqué par le Roi en chambres réunies , l’approuve à la majorité des deux tiers du Parlement .

Encore une fois , la citoyenneté est un tout . On ne peut inclure les citoyens MRE dans le processus de développement régional , y compris au plan politique et démocratique et les exclure politiquement au niveau national , en imposant pour les législatives du 7 octobre 2016 , la formule inique de la procuration vers le Maroc pour les citoyens MRE . D’ailleurs  et sans minimiser nullement le choix des  » MDM et régionalisation avancée » comme thème pour ce colloque international , s’il fallait tenir compte de l’actualité immédiate et de l’agenda parlementaire , où la Chambre des Conseillers doit discuter cette semaine même du projet de loi organique relatif à la Chambre des députés , le sujet le plus urgent à débattre dans un cadre comparatif , à travers un colloque international aurait eu pour thème , celui de la participation politique et de la représentation parlementaire par rapport au Maroc des citoyens marocains établis à l’étranger !!!

 Droits politiques des MRE par rapport au Maroc

2 – Lors de la séance d’ouverture , M. Laenser , président de l’Association des présidents des Régions du Maroc , a mis l’accent sur la nécessaire appartenance régionale des Marocains du Monde , qui primerait en quelque  sorte sur leur appartenance nationale qui serait purement abstraite ( ! )

Cette conception nous paraît très discutable . Si pour les MRE qui y sont nés , le sentiment d’appartenance régionale est important , l’appartenance au Maroc et par conséquent à l’échelle nationale de tous les MRE est encore bien plus important . Autrement dit , l’identité nationale prime sur l’origine régionale , et c’est cette appartenance nationale qui fait que les citoyens  MRE ont non seulement des devoirs , mais également des droits politiques par rapport au Maroc , qui sont à concrétiser dans leur intégralité et non pas de manière partielle et tronquée .

A ce propos , relevons le rappel en séance d’ouverture de ce colloque par le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur , des directives royales tendant à s’opposer fermement à tous ceux qui jouent avec les intérêts des MRE . Dans cet esprit , nous souhaiterions en tant que citoyen , que Sa Majesté le Roi donne également ses directives au gouvernement pour que celui-ci ne joue plus avec les droits politiques des citoyens MRE . En effet , reprenant à son compte notamment des « Fatwas » des responsables du CCME , en particulier de son président à double casquette , le gouvernement  interprète de manière antidémocratique l’article 17 de la Constitution et invoque des arguments inconsistants pour s’opposer à la représentation des citoyens MRE à la Chambre des députés par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger , tel que l’avait annoncé en tant que décision , le discours royal fondateur du 6 novembre 2005 .

S’agissant de la non recevabilité de l’argument de difficultés matérielles ou logistiques invoquées par le gouvernement pour s’opposer depuis des années à la représentation parlementaire des citoyens MRE à partir des pays d’immigration , il suffit de constater la faisabilité des élections législatives à l’étranger pour leur diaspora respective par des pays comme la Tunisie , l’Algérie , la France , l’Italie …

Le souhait est qu’à une très prochaine occasion , ce rappel royal à l’ordre au gouvernement Benkirane soit solennellement effectué .

Rappelons par ailleurs que dans ce même discours du 6 novembre 2005 , le Roi Mohammed VI a  pris une autre décision très importante qui a été par contre  appliquée , mais que l’on a tendance à oublier . Elle consiste à permettre aux nouvelles générations de Marocains nées à l’étranger , de s’inscrire également sur les listes électorales à l’intérieur du pays et de participer aux élections autres que les élections législatives , qui se déroulent elles pour les MRE , au sein des pays d’immigration . Ce nouveau droit pour les nouvelles générations nées à l’étranger , matérialisé par la loi 23-06 , n’est-il pas celui qui leur permet notamment de participer aux élections régionales et par conséquent depuis 2015 , au processus de régionalisation avancé !?

Opérationnaliser l’article 163 de la Constitution

3 – Ce colloque international étant organisé à l’initiative conjointe de la Chambre des conseillers et du CCME , on se doit dans cette enceinte parlementaire , qui est également à cette occasion pour la société civile marocaine un espace de dialogue et d’échanges pluriels par excellence ,  de rappeler la nécessité d’activer par le gouvernement , la présentation au Parlement  du projet de loi relatif au CCME pour opérationnaliser l’article 163 de la Constitution , le Conseil ayant en effet bénéficié de sa constitutionalisation par référendum du 1er juillet 2011 , auquel ont participé également de manière active les citoyens MRE .

Cette mise à niveau juridique est urgente en raison également des multiples dysfonctionnements et aux très nombreuses et graves entorses au cahier de charges que connaît le Conseil , qui a besoin de transparence , de démocratie , de crédibilité et d’efficacité . Sur ce plan , la chef de mission de l’OIM à Rabat , a bien fait de rappeler dans son intervention les missions consultative et prospective imparties au CCME . Mais  de notre point de vue , elle aurait dû aller plus loin , en précisant que ce double rôle n’est nullement assuré depuis près de 9 ans .

Par ailleurs , les quatre propositions de loi relatives au CCME déposées par le PAM ( juillet 2013), l’USFP ( 4 février 2014) , l’Istiqlal ( avril 2014) et les quatre partis réunis de la majorité ( PJD , RNI , MP , PPS ) ( mi-septembre 2014) , n’ont jamais été inscrites à l’ordre du jour des travaux de la commission parlementaire des Affaires étrangères relevant de la Chambre des Représentants et ce , en raison à notre sens aussi bien de l’absence de volonté politique du gouvernement , que de l’absence d’initiative du bureau de la commission parlementaire concernée et de son président .

 L’impératif d’une stratégie nationale en matière de MRE

4 – Durant la séance inaugurale officielle , tout comme dans certains exposés déjà entendus ou titre de communication à venir ,  comme celui concernant le programme Primo dans l’Oriental  marocain , référence est faite à l’existence d’une stratégie  nationale en faveur ou en direction des MRE . Or la stratégie nationale globale , cohérente et intégrée en matière de communauté marocaine à l’étranger fait encore défaut , en dépit du rappel royal à l’ordre au gouvernement sur ce plan par le discours du Trône du 30 juillet 2015…

L’élaboration de cette stratégie nationale reste encore un impératif pour intégrer notamment les dimensions liées à l’implication étroite des citoyens marocains établis à l’étranger dans le processus de régionalisation avancée .

Respecter le pluralisme existant

Telles  étaient donc les réflexions que nous n’avons pu exposer de manière synthétique  que très difficilement au moment du »débat » avec la salle ,  le modérateur / membre du CCME , allergique à la participation politique et à la représentation parlementaire des citoyens MRE , et réfractaire à toute critique constructive du Conseil , cherchant à diverses reprises et avec insistance à nous couper la parole , au motif que notre intervention était hors sujet !!!

Cette forme de censure d’un chercheur en migration et d’atteinte inadmissible à la liberté d’expression au sein de l’enceinte parlementaire , dans le cadre d’un colloque international co-organisé avec la Chambre des Conseillers , s’ajoute d’une part à la non acceptation par les organisateurs au CCME de notre demande d’inscription au programme pour une communication en bonne et due forme sur le thème de  » la régionalisation avancée et les nouvelles générations de Marocains à l’étranger » , et d’autre part au contrôle exercé par une personne du CCME à l’entrée du Parlement pour empêcher l’accès aux personnes « non invitées » , pour ne pas dire « personae non gratae » pour les dirigeants  du Conseil , comme c’est le cas des responsables d’ONGs de MRE  critiques ou de l’auteur de ces lignes .

Ceci alors que depuis 1977 , soit pratiquement une quarantaine d’années , nous avons eu de manière libre et responsable , accès au Parlement en tant qu’universitaire , analyste et observateur actif de la scène migratoire marocaine , suivant avec assiduité les travaux parlementaires liées notamment au dossier migratoire multidimensionnel dans ses dimensions MRE et immigration étrangère au Maroc : questions orales en la matière ; propositions et projets de lois sur ce thème ; visite de délégations parlementaires étrangères ou celles de MRE ; discussion du budget concernant le département MRE et des migrations ; contacts étroits avec les 5 députés MRE et suivi attentif de leur longue et unique expérience parlementaire 1984-1992 ; participation avec communications écrites à divers séminaires internationaux et journées d’études organisées au Parlement , dans ses deux chambres , sur les migrations ; etc . Ce travail nous a permis notamment de recueillir des informations de première main pour nos recherches et publications en la matière ( livres , rapports , études , divers articles ) , ainsi que pour l’action citoyenne responsable pour défendre les droits des migrants .

Heureusement que le service officiel de sécurité du Parlement était là pour s’opposer à ce genre d’attitude et de pratique antidémocratique , que certains qui n’ont pas reconnu le statut du « contrôleur », ont pu faire faire endosser injustement à la Chambre des Conseillers !!!

Rabat , le vendredi 29 juillet 2016

Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

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