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La planète des singes : Deux récits, deux fins

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La planète des singes est une histoire à récit double constituée d’un récit dans le récit.

A- Le récit du narrateur à la troisième personne du singulier ’’IL’’ à focalisation zéro. Il ouvre le roman avec le chapitre I de la première partie et ferme le ferme au chapitre XII de la troisième et dernière partie. Il sert à encadrer le récit second auquel il sert de support et de prétexte.

BLe récit de Ulysse Mérou à la première personne du singulier ‘’JE’’ à focalisation zéro. Il s’étale du chapitre II de la première partie pour finir avec le chapitre XI de la troisième partie. C’est le récit encadré (ou récit porté) d’un personnage greffé sur le récit encadrant (ou récit porteur) du narrateur.

Il est faux de croire que le récit porteur soit plus volumineux en pages et en événements que le récit porté à qui il ne sert que de prétexte et de point de départ. En effet, le récit porteur n’occupe que le chapitre I de la première partie et le chapitre XII de la troisième partie, avec çà et là quelques répliques des personnages du récit premier tout au long du chapitre II de la première partie avant leur effacement total, alors que le récit porté occupe toute la partie intermédiaire qui va du chapitre II de la première partie au chapitre XI de la troisième partie.

Nous allons considérer la fin de chaque récit pour voir quelle stratégie l’auteur a adoptée pour clore chacun d’eux.

1Le récit porteur ou récit du narrateur (première partie, chapitre I et troisième partie, chapitre XII) : le roman s’ouvre sur un couple du nom de Jinn et Phyllis qui naviguent dans le ciel dans une sorte de ballon dont la membrane rétrécit ou s’étire en fonction de la vitesse de navigation souhaitée, car il avance grâce à la pression des radiations lumineuses, système ingénieux qui suppose de grandes connaissances scientifiques. Le couple est présenté comme étant riche et oisif et qui voyage pour le plaisir de voyager à une époque où les voyages interplanétaires n’avaient rien d’extraordinaire pour les gens qui en ont les moyens.

Le lecteur perd petit à petit de vue ses deux personnages dont la dernière apparition remonte à la page 14 de la première partie du chapitre I, pour les retrouver au dernier chapitre du roman (troisième partie, chapitre XII) . La lecture du manuscrit terminée, les deux personnages réapparaissent pour faire surface. Eux aussi semblent plus surpris que les lecteurs que nous sommes par l’étrange contenu du manuscrit comme nous l’avons été nous-mêmes avant eux, à la fin du chapitre XI de la troisième partie. Les deux voyageurs de l’espace font découvrir avec le dernier mot de la dernière phrase au lecteur leur identité jusqu’alors tenue dans l’anonymat qu’exige la science fiction :’’… avivait d’un léger nuage rose son admirable mufle de chimpanzé femelle’’(troisième partie, chapitre XII, page 191) ; ce sont des singes ! Les voyageurs de l’espace sont donc des singes ! Les deux personnages qui nous ont lu le manuscrit sont des singes ! Les lecteurs, sans le savoir, ont écouté pendant 180 pages des singes leur raconter l’histoire d’êtres humains partis dans l’espace en quête d’aventures. Jusqu’aux derniers mots de la dernière phrase du roman, il n’est venu à l’idée d’aucun des lecteurs qu’il est en train d’écouter des singes ; c’est pourquoi la rupture de l’horizon d’attente, longuement méditée et minutieusement préparée par Pierre Boulle a été violente car contraire à toute attente.

2Le récit porté ou récit du personnage Ulysse Mérou (du chapitre II de la première partie au chapitre XI de la troisième partie) : le manuscrit s’ouvre par un appel de détresse pour venir au secours de l’humanité qu’un fléau non déterminé a frappée. Après quoi le personnage, au moyen d’une analepse qu’il ouvre à la page 10 (chapitre II ; première partie) nous raconte son aventure que nous connaissons péripétie par péripétie jusqu’à la fin du chapitre XI de la troisième partie. Parti à la recherche de la gloire en sa qualité de reporter inconnu et après 5 ans de son âge d’absence et 700 ans de celui de la Terre et des Terriens, et après une lutte acharnée pour l’existence, il revient avec sa petite famille qu’il a constituée dans l’espace, heureux de retrouver les hommes de la Terre pour leur faire partager le contenu ô combien étrange ! de son reportage. Il s’attend et nous avec lui à ce qu’il soit accueilli en pompes par les personnes les plus éminentes de la Terre mais à sa grande surprise et à sa grande déconvenue, le voici reçu par un gorille.

Si une telle réception terrorise le reporter, la fin du roman ainsi considérée surprend le lecteur qui se sent trahi par le tour que lui a joué l’auteur en le bernant par une fin à laquelle il n’était nullement préparé. La rupture de l’horizon d’attente est d’autant plus violente et hors du commun que le lecteur sent la traîtrise de l’auteur dont il a été la dupe.

Ulysse Mérou n’a d’autre alternative que celle suggérée par sa femme qui court se réfugier dans la chaloupe car , son instinct étant plus proche de l’animal que de l’homme, elle a senti le danger qu’ils courent :’’Nova pousse un hurlement, m’arrache son fils et court se réfugier avec lui dans la chaloupe.’’(page 190).

Pour comprendre la réaction de Ulysse Mérou, il faut revenir à la page 10(chapitre I ; première partie ) :’’Pour moi, Ulysse Mérou, je suis reparti avec ma famille dans le vaisseau cosmique’’. Ulysse Mérou saute à la suite de sa femme et de son enfant dans la chaloupe et s’envolent vers l’espace infini.

Le premier départ a eu lieu en l’an 2500 en compagnie du professeur Antell et d’Arthur Levain :’’c’est en l’an 2500 que je m’embarquai avec mes deux compagnons dans le vaisseau cosmique’’( première partie ; chapitre I ; page 10), le second départ a eu lieu en l’an 2505 de l’âge de Mérou ou en l’an 3200 de l’âge des Terriens, après son retour sur la planète Terre : ‘’Pour moi, Ulysse Mérou, je suis reparti avec ma famille dans le vaisseau cosmique’’( Première partie ; chapitre I; page 10) .

Le récit porté ou récit d’Ulysse Mérou se retourne donc contre soi-même dans un circuit fermé. Le lecteur non préparé aux rétrospections ou analepses déroutantes peut éviter les détours incertains pour son jeune esprit en commençant la lecture du manuscrit à la page 10 depuis :’’C’est en l’an 2500 que je m’embarquai…..’’ jusqu’à la page 190 :’’ C’est un gorille’’ puis revenir à la page 10 et finir le récit avec :’’Je confie ce manuscrit……le récit de mon aventure’’. Et le cercle est fermé dans un demi tour obligé.

3-Conclusion : il ressort de la lecture des récits porteur et porté que la planète Terre du système solaire, la planète Soror du système de Bételgeuse et tout l’univers avec ses trois soleils (univers de Jinn et Phyllis) sont occupés par les singes qui en sont les maîtres absolus et incontestés. Quel fléau a donc frappé le genre humain pour qu’il soit tombé si bas ? Du vaisseau qui navigue dans l’espace infini et qui lui sert de patrie, et dans l’attente d’une planète d’accueil ou d’une toute autre planète inhabitée pour y faire souche à la manière d’Adam et Eve, Ulysse Mérou lance un appel désespéré pour venir en aide à cette humanité dégénérée et déchue.

Les numéros des pages renvoient à l’édition Pocket

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1 Comment

  1. samir achergui
    28/02/2008 at 19:21

    un commentaire séduisant et attrayant qui dévoile les competences de mon ancien professeur du francais.

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