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Tariq Ramadan à Oujda

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Nous sommes nés la même année mais il est plus grand que moi. C’est dans ces mots que le Dr. Badr Makri du SERHSO (centre d’études et recherches en sciences humaines et sociales) présente le professeur Tariq Ramadan à Dar Sebti le vendredi 04/01/08. La grandeur, oui, c’est bien le terme qui convient pour qualifier ce jeune penseur de nationalité suisse mais de confession musulmane. Tariq Ramadan est connu partout par sa simplicité, sa modestie, mais surtout par la profondeur de ses analyses dans les débats et polémiques sur les chaînes européennes. Ce soir il a réussi à mettre le doigt sur les principaux maux de la pensée islamique modernes dans une conférence intitulée " L’islam et les sciences sociales: quelles perspectives?". Après une introduction dans laquelle le conférencier expose la problématique, il présente les trois axes de l’exposé à savoir:

1-Rapport Islam/société ou texte et contexte.

2-La question des sources du savoir en Islam.

3-Les domaines de l’action.

Le rapport Islam/société pose problème chez nous selon le Dr. Tarek. Notre religion n’est pas uniquement une loi, un droit, donc du normatif, mais aussi une voie (le terme qu’il choisit pour traduire la chariâ). Donc, comme il y a eu plusieurs écoles du fikh (malikite, hanbalite…), il y a eu aussi plusieurs écoles de pensée, plusieurs méthodologies pour approcher le texte sacré (le Coran). Or, certains musulmans veulent mondialiser l’Islam en imposant à d’autres cultures le modèle historique de Médine. Ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre l’universalité de l’Islam selon ce penseur, mais il faudrait réhabiliter les sciences sociales (profanes) qui sont maîtrisées par l’Occident à l’état actuel des choses. Tout en veillant aux principes de l’Islam, il faudrait respecter les cultures différentes et cesser de disqualifier leur islamité. Cette critique adressée implicitement aux littéralistes (Salafites) dans un ton parfois humoristique n’a pas empêché le conférencier de confirmer le rôle historique important qu’ils ont joué pour protéger le Coran et la Sounna contre les interprétations trop libertaires et sans aucune limite. Le texte nous instruit, nous oriente, affirme le Dr. Tariq, mais l’intelligence construit. Texte et contexte doivent donc marcher en parallèle.

Le deuxième axe traité par le conférencier, c’est le problème des sources et donc du pouvoir dans le monde musulman. Qui détient le savoir et la fatwa en Islam? Bien sûr c’est les Oulamas. Le conférencier les invite à travailler côte à côte avec les médecins, les économistes, les linguistes, et les différents spécialistes des sciences sociales. Il en donne l’exemple d’un certain Hathout aux Etats-Unis qui est en même temps fakih et médecin. Les penseurs musulmans d’autrefois n’ont jamais écarté le vécu, le "livre lu"(alkitab almanchour) comme l’appelle Imam Ghazali. Le Coran et la Sounna sont les principaux sources de la pensée musulmane, mais à aucun moment l’intermédiation de l’intelligence n’a été écarté. Nous devons respecter les lois naturelles (sounane kawniya) en maîtrisant les sciences sociales et non en disant tout simplement qu’il y a une médecine islamique, une politique islamique ou une mathématique islamique. Toutefois nous pouvons parler d’une éthique islamique dans toutes ces sciences universelles. Dans cette perspective, le conférencier appelle à une décentralisation du pouvoir détenu actuellement par les Fokahas qui ne maîtrisent que le normatif.

Pour finir, le Dr.Tarek traite la question des domaines de l’action, c’est-à-dire les perspectives qu’il faudrait ouvrir devant les sciences sociales dans le monde musulman. A ce sujet, il commence par appeler à une spécialisation dans le savoir. C’est fini, dit-il, avec le savant qui sait tout. La pensée islamique est toujours dans la défensive. Nous cherchons à nous adapter sans cesse. Nous n’arrivons pas à suivre le progrès qui va à une vitesse vertigineuse. 90 % des fatwas relèvent de la protection, jamais de la prospection. L’exemple du don d’organes si le donneur est d’accord peut encourager l’exploitation des pauvres selon le conférencier, même si dans l’absolu l’Islam n’est pas contre.

Lors du débat, cheikh Benhamza, président du conseil des Oulamas à Oujda, est intervenu en arabe pour relativiser certains jugements sur les Fokahas en précisant que sur un site web comme Islam Today, il y a plus de 3000 fatwas sur tous les domaines de la vie et qu’il n’y a aucune question qui reste sans réponse du point de vue de l’Islam. Il cite l’exemple de Imam Malek qui a 16 principes de l’Ijtihad qui ouvrent la voie devant l’intelligence et la réflexion permanente sur le texte coranique. Les fokahas n’ont jamais négligé les autres sciences, mais le problème se pose chez les autres savants qui ne s’ouvrent pas sur le fikh et se contentent de faux préjugés. Il remercie du coup le conférencier de ses efforts et de son ouverture d’esprit.

Tout le long de sa conférence, le Dr.Tariq appelle au respect mutuel et ne cache pas son admiration pour le Dr Youssef Qaradawi et tous les musulmans même les Salafites. Parmi ses œuvres, on peut citer: "Etre musulman européen","Les Musulmans dans la laïcité", Entre l’homme et son cœur" et un dernier ouvrage sur le Prophète sidna Mohamed. Son site web est "www.tariqramadan.com".

Compte rendu de Mohamed ES SBAI

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