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Migration et phénomène migratoire : réflexions sur une thématique galvaudée, compromise idéologiquement

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Jilali Chabih – Professeur de droit – FSJES – UCAM- Maroc
La thématique de la migration a été largement galvaudée, compromise même, et souvent, très souvent, utilisée de manière très idéologique. Elle a toujours constitué, et cela depuis un long moment déjà, le cheval de Troie des partis populistes, de l’extrême droite, et de leurs idéologues, véhiculant ainsi, avec véhémence, de la haine, de la xénophobie, du racisme, de la ségrégation raciale.
En réalité, la question de la migration, et du phénomène migratoire, au sens de mobilité, de déplacement des humains d’un territoire à l’autre (arrivée ou départ, immigration ou émigration), ou à l’intérieur du même territoire (comme l’exode rural ou la migration interne, par exemple) est une constante dans l’histoire de l’humanité.
Ce sont là les prémices même de l’internationalisation, de la mondialisation. Que ce fût, sémantiquement parlant, en grec, en araméen (en Mésopotamie il y a six mille ans) en hébreu, en arabe, en latin ou en persan, le fait migratoire a toujours existé, et il existera toujours.
Même sur le plan de la législation sociale « les lois les plus tyranniques sur les émigrations – disait l’homme politique français Mirabeau, 2ème moitié du 18e s.- n’ont jamais eu d’autre effet que de pousser le peuple à émigrer ». Et aujourd’hui encore «la politique migratoire du néolibéralisme a davantage pour but, disait un expert militaire haut gradé, de déstabiliser le marché mondial du travail que de freiner l’immigration ».
L’histoire de l’humanité, en effet, c’est l’histoire de la migration. Elle est partie d’Afrique, il y a 2 millions d’années, du Tchad, d’Ethiopie, et même du Maroc un peu plus tard, et s’est étendue à toute la surface de la terre, il y a déjà 200 mille ans, et par conséquent, elle est aussi vieille, aussi universelle, que l’humanité, elle-même. Elle est aussi vieille que la migration des espèces animales : anguilles, saumons, éléphants, buffles, abeilles, cigognes, hirondelles…
Elle est aussi vieille que la migration d’une cellule dans un organisme, d’une substance à l’intérieur d’un milieu ou d’un élément à l’intérieur d’un ensemble. On parlera ainsi de la migration des leucocytes (globule blanc du sang), dans le corps, de l’ovule vers l’utérus, du testicule vers les bourses, d’un caillot sanguin ou de cellules cancéreuses. On mentionnera également la migration de l’humus dans le sol ou d’un radical dans un isomère, ou encore des capitaux ou des données informatiques. Même les continents se déplacent, et ce depuis des millions d’années, par le jeu de la dérive de ceux-ci, ou ce que l’on appelle scientifiquement, en géologie, la tectonique des plaques.
Le phénomène migratoire, anthropologiquement parlant, est si nécessaire, si naturel qu’il représente aujourd’hui 2020, quelque 260 millions de migrants internationaux. Ce chiffre, qui ne tient pas compte de la migration interne, incarne pour l’être humain – pour l’être vivant en général – un besoin vital de survie, un besoin de subsistance, un besoin d’air et de liberté. On ne saurait confiner, à moins d’une pandémie, dans un espace limité, un être humain, ou un être vivant tout court, qui a toujours eu la mobilité dans les gènes et le goût de l’itinérance.
La migration, en effet, n’a été remise en cause que dès lors que les humains eux-mêmes sont passés de la nomadisation (fondée sur la cueillette et la chasse, ou la pêche), à la sédentarisation, qui n’est pas confinement, et la domestication de plantes et d’animaux, d’abord en Mésopotamie, il y a plus de 11 mille ans, et puis partout ailleurs ensuite.
La migration n’a été réellement dénigrée, stigmatisée, que depuis l’appropriation de l’espace, le tracé arbitraire des frontières, des murs et des barbelés, et la protection farouche des intérêts économiques de certains peuples, dans certains continents, il y a à peine 200 ans, mais surtout depuis l’exacerbation de la xénophobie, des désirs communautaristes et nationalistes de certaines catégories sociales dans certaines régions, depuis une centaine années.
Il y a eu, après une accalmie, un regain de haine xénophobe, raciale, envers certaines catégories de migrations et des migrants, depuis une vingtaine d’années, et qui est allé crescendo depuis 4 ou 5 ans. Depuis que les proportions et ratios des migrants se sont intensifiés, pour telle ou telle raison, en direction d’une contrée plutôt que d’une autre.
En effet, une typologie claire et exhaustive des migrations individuelles ou collectives, internes ou externes, forcées ou volontaires, définitives ou temporaires, clandestines ou autorisées, peut nous renseigner sur les causes exactes, les causes profondes de celles-ci, qui sont par ailleurs multiples et variées.
On relèvera ainsi des migrations pour des raisons religieuses, économiques, politiques, climatiques, fiscales ou intellectuelles.
D’un point de vue religieux, on peut citer l’Exode des Hébreux conduits hors d’Egypte par Moïse, il y a presque 3300 ans, ou bien les chrétiens fuyant les persécutions des empereurs romains (Néron par ex.), il y a environ 2000 ans. On peut évoquer également l’Emigration ou hidjra de Prophète Mahomet avec ses disciples de la Mecque à Yathrib, qui devint Médine depuis lors, il y a presque 1400 ans, en 622 précisément, qui fut le point de départ de l’ère musulmane.
Et aujourd’hui encore certains fuient leur propre pays en raison de la persécution ou de l’intolérance religieuse dans beaucoup de pays fanatiques comme la Thaïlande, l’Iran, l’Irak, la Syrie, l’Egypte, le Liban, l’Afghanistan…
Parmi les raisons économiques et sociales de s’expatrier on citera notamment la colonisation, le peuplement et l’exploitation des richesses des pays conquis, puis ses corolaires : le dénuement, la pauvreté et la recherche du travail des « autochtones », démunis. L’émigration en est d’aujourd’hui l’effet boomerang.
On citera également l’exode rural (à l’intérieur), et le dépeuplement des campagnes déshéritées au profit des villes saturées, et dans le même ordre d’idée, l’exode des cerveaux déçus, des talents dévalorisés (vers l’extérieur), à la recherche, l’un comme l’autre, du travail, de l’emploi et de meilleures conditions de vie.
Les facteurs politiques, sécuritaires et géostratégiques comme l’esclavage, la déportation, l’oppression, les guerres et les conflits armés, sont autant de causes majeures de s’expatrier, de fuir son pays ou d’en être chassé.
Les variables financières et fiscales comme la pression fiscale ou les incitations fiscales et la grande question des paradis fiscaux, les investissements (I.D.E.), très rentables, la fuite des capitaux et l’évasion fiscale ou même le blanchiment d’argent… sont aussi autant de causes déterminantes d’émigrer, de s’expatrier ou de fuir son pays. On notera ainsi les cas flagrants des gros capitaux, revenus ou patrimoines élevés, les riches et très riches malhonnêtes, mais aussi les narcotrafiquants.
Les activités humaines génératrices de gaz à effets de serre (GES), en particulier le CO2 qui représente 74% du total des émissions (méthane CH4, protoxyde d’azote N2O, ozone O3) n’ont jamais cessé d’augmenter. Elles se sont même intensifiées. Aussi les conséquences désastreuses qui en résultent comme le dérèglement climatique, donc le réchauffement de la planète, la montée des eaux, les cyclones, les inondations, la désertification, les sécheresses et les famines sont-elles autant de causes d’émigration et d’émigrer.
D’où l’implication, à plus forte raison pour cette étude sur la migration, de différentes disciplines scientifiques reconnues y afférentes comme l’archéologie, la génétique, la paléontologie, la paléoanthropologie, la géologie, l’anthropologie, la linguistique, la démographie ou l’histoire.
Pour ce qui est du Maroc – c’est un pays comme tant d’autres – à la fois pays de migration, d’émigration et d’immigration : on se déplace à l’intérieur de ses frontières, libre ou par nécessité, quoique celle-ci demeure largement prédominante.
On le boude et on part, on le quitte définitivement et on l’abandonne, 10% de marocains vivent aujourd’hui à l’étranger, dont 20% des diplômés. Ou alors on y revient (pour ses ressortissants), régulièrement, par plaisir ou pour investir (10% du PIB marocain), ou les deux à la fois.
Ou alors on y vient (pour les étrangers) aussi par nécessité, ou par plaisir, ou les deux à la fois, pour s’établir et donner ainsi libre cours à ses désirs : les plages, le soleil, les paysages. En appréciant, parfois sa générosité, et en ayant conscience, espérons-le, de la pauvreté, qui n’est que la conséquence d’un type de gestion, d’administration et de gouvernement qui semble inapproprié (Jilali Chabih – Pr. de Droit – FSJES – UCAM – Maroc).

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